Erdogan quittera la politique en cas d’échec aux municipales
Le parti du Premier ministre turc part cependant très largement favori pour les prochaine élections
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, sûr de lui malgré les accusations de corruption qui le visent, a promis mercredi de quitter la politique si son parti ne gagnait pas les élections municipales du 30 mars, qui auront valeur de test pour son régime.
« Si mon parti ne remporte pas la première place au scrutin municipal, je suis prêt à renoncer à la politique », a-t-il déclaré à Ankara devant la presse turque.
En pleine campagne électorale, M. Erdogan a assuré que la popularité de son Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), au pouvoir depuis 2002, n’avait pas souffert du scandale politico-financier qui le vise.
« Les foules qui viennent à nos réunions politiques à travers le pays prouvent le contraire. Rien n’a changé dans l’enthousiasme et la ferveur du peuple à notre égard », a-t-il insisté.
Depuis plus de onze ans qu’il tient les rênes du pays, l’AKP a remporté toutes les élections et tous les sondages le donnent encore largement gagnant du scrutin municipal (entre 36 et 42 % des voix), devant les deux principaux partis de l’opposition.
Mais les dernières enquêtes d’opinion ont montré que la cote de popularité du chef du gouvernement et les intentions de vote en faveur de l’AKP, en baisse depuis la répression de la fronde antigouvernementale de juin 2013, avaient encore reculé à la faveur de la crise provoquée par le scandale politico-financier en cours.
L’AKP avait obtenu un score national de 39% des voix lors des municipales de 2009, mais près de 50% lors des dernières législatives de 2011.
L’institut Sonar a même donné mercredi le maire sortant AKP d’Ankara Melih Gökçek perdant face à son rival du Parti républicain du peuple (CHP), Mansur Yavas.
Evoquant son avenir personnel, M. Erdogan a laissé entendre mercredi qu’il pourrait modifier les statuts de son parti pour briguer un quatrième mandat à la tête du gouvernement aux législatives de 2015.
« Je n’en ai pas l’intention mais, si ma formation le souhaite, je convoquerai un congrès », a-t-il dit, cité par la chaîne CNN-Türk.
Ecoutes
L’AKP interdit pour l’heure à ses élus d’effectuer plus de trois mandats, une disposition qui a alimenté les spéculations sur une candidature de M. Erdogan à la présidentielle prévue en août, qui se disputera pour la première fois au suffrage universel direct.
L’opposition a dénoncé la sortie du Premier ministre. « C’est une nouvelle manifestation de défiance », a déploré un des vice-présidents du Parti pour un mouvement nationaliste (MHP), Mehmet Sandir. « C’est comme s’il prenait en otage la volonté du peuple, qu’il la méprisait », a-t-il ajouté.
Depuis l’inculpation en décembre de dizaines de proches du régime, patrons, élus ou hauts fonctionnaires, soupçonnés de corruption, l’opposition dénonce la « corruption » du régime et exige la démission de M. Erdogan.
Le chef du gouvernement accuse ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, très influente dans la police et la justice, d’être à l’origine de ces accusations et de comploter pour renverser son équipe.
L’étau s’est encore resserré sur M. Erdogan avec la publication sur internet, depuis la semaine dernière, de conversations téléphoniques le mettant directement en cause.
S’il a parlé de « montage immoral » pour certaines d’entre elles, le Premier ministre, bravache, en a confirmé d’autres mercredi, comme celles dans lesquelles il demande à son ministre de la Justice d’accélérer un procès ouvert contre le dirigeant du groupe Dogan, réputé proche de l’opposition.
« Je me devais de lui dire de suivre ce dossier de près », a-t-il dit mercredi.
Le Premier ministre s’est une nouvelle fois indigné que ses conversations téléphoniques aient été écoutées, y compris celles à ses homologues. « Nos appels téléphoniques à des Premiers ministres, à des présidents sont écoutés », a-t-il dit.
Dans des déclarations rapportées mercredi par la presse turque, M. Erdogan a enfin suggéré qu’il opérerait un « nettoyage » des services de l’Etat pour en écarter les partisans du mouvement Gülen après les élections locales.
« Nous allons agir avec plusieurs mesures, après les élections du 30 mars », a-t-il promis.