Face à la hausse d’olim religieux, l’OU renforce sa présence en Israël
En Israël depuis 47 ans, l’une des plus grandes institutions orthodoxes nord-américaines investit dans l'intégration et adapte sa stratégie en s’implantant dans les quartiers

En transférant cette semaine ses bureaux du centre de Jérusalem vers des locaux plus vastes dans le parc high-tech de Har Hotzvim, l’une des plus grandes institutions orthodoxes d’Amérique du Nord confirme sa volonté stratégique d’investir davantage en Israël. Cette expansion est le reflet de l’évolution des relations entre les communautés religieuses d’Israël et celles de la diaspora.
Présente en Israël depuis 47 ans, l’Orthodox Union (OU) entend désormais déployer plus de ressources pour développer ses programmes destinés aux nouveaux immigrants nord-américains et étendre ses services aux communautés anglophones du pays.
« L’OU des États-Unis reconnaît aujourd’hui le rôle central de l’État d’Israël dans son avenir », affirme Stuart Hershkowitz, président de l’OU en Israël. « On m’a clairement indiqué que l’accent serait désormais mis sur Israël, et nos budgets ont été significativement augmentés. »
Selon Hershkowitz, l’organisation souhaite mieux accompagner l’intégration des nouveaux immigrants grâce à un modèle décentralisé innovant. Ce dispositif prévoit l’ouverture de centres dans différents quartiers, permettant une connexion plus directe avec les communautés locales.
« Pendant de nombreuses années, nous attendions que les gens viennent à nous pour bénéficier de nos programmes et services », explique-t-il. « Aujourd’hui, c’est nous qui irons à leur rencontre. »
Renforcer l’intégration
L’objectif de la nouvelle initiative de klita (ou intégration des olim hadashim, nouveaux immigrants en hébreu), comme l’appelle Hershkowitz, vise à développer des infrastructures communautaires adaptées aux immigrants religieux anglophones pour les aider à se sentir chez eux en Israël.

Le nombre d’olim en provenance d’Amérique du Nord n’a cessé d’augmenter ces dernières années, et cela même après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023. Rien qu’en 2024, environ 4 000 personnes en provenance des États-Unis et du Canada ont choisi de s’installer en Israël. Et d’après les données de Nefesh B’Nefesh, une organisation qui aide les nouveaux immigrants à s’y retrouver dans les dédales de la bureaucratie israélienne, près de 65 % des familles qui quittent les États-Unis s’identifieraient comme orthodoxes.
« Alors que de plus en plus d’anglophones [s’installent en Israël] à différentes étapes de leur vie, l’OU tente de répondre à leurs besoins pour les aider à s’épanouir culturellement, spirituellement et religieusement », explique Laya Bejell, directrice du marketing de l’OU en Israël.
« Les gens changent considérablement de mode de vie lorsqu’ils s’installent en Israël », poursuit Bejell. « De nombreuses personnes nous disent qu’en Amérique, leur vie sociale s’articulait autour de leur synagogue et de leur centre communautaire. Cette dynamique est différente ici, et nous essayons donc de construire ces communautés en Israël. »

Parmi les initiatives mises en place figurent des cours hebdomadaires de Torah, organisés dans les synagogues de plusieurs quartiers de Jérusalem, notamment Rehavia, Baka, Arnona et Ramot, ainsi que dans les villes de Modiin et Maale Adumim. D’autres communautés à travers le pays seront intégrées à l’avenir, précise Stuart Hershkowitz, président de l’OU en Israël.
Les programmes pour les femmes, les lundis soir à Rehavia, attirent également beaucoup de monde, en partie parce qu’ils s’adressent à un public généralement mal desservi par d’autres organisations, a noté l’OU.
Ces programmes viennent compléter une large gamme d’initiatives sociales mises en place par l’OU en Israël, et notamment, Yachad Israel pour les personnes handicapées, JLIC Israël (Jewish Learning Initiative on Campus) qui propose un accompagnement religieux et éducatif aux étudiants dans dix universités, et le mouvement de jeunesse NCSY Israël (anciennement connu à l’étranger sous le nom de National Conference of Synagogue Youth).
L’OU Israël propose également des activités variées, allant des programmes pour la jeunesse aux actions caritatives et bénévoles, en passant par des cours de formation continue pour les femmes et les retraités, des camps d’été, des visites guidées et des événements communautaires.

« Nous avons déjà des centres qui travaillent avec les jeunes dans 19 villes d’Israël », souligne Hershkowitz. « Nous cherchons maintenant à développer des services qui ne sont pas encore proposés par d’autres organisations dédiées à l’alyah », telles que Nefesh B’Nefesh, AACI (Association of Americans and Canadians in Israel), Yad LaOlim, et d’autres encore.
Se développer en Israël
L’expansion de l’OU en Israël ne s’est pas faite du jour au lendemain. Fondée en 1898 pour certifier les aliments casher aux États-Unis, l’organisation est aujourd’hui l’une des institutions les plus influentes du monde juif.
L’OU a ouvert son premier bureau en Israël à la fin des années 1970, rue Strauss à Jérusalem, et servait principalement de lieu où étudiants et anciens élèves du NCSY pouvaient se réunir ou rencontrer des rabbins en visite, explique le rabbin Sam Shor, directeur des initiatives de la Torah pour l’OU Israël. En 1999, alors que le centre se développait avec des cours de Torah et devenait un lieu central pour la petite communauté anglophone de Jérusalem, l’organisation a déménagé dans le quartier de Rehavia, où elle est restée pendant 25 ans.

Parallèlement, l’empreinte de l’OU en Israël s’est élargie avec la popularité grandissante de sa publication Torah Tidbits. Distribuée chaque semaine dans les synagogues du pays, cette publication propose des commentaires sur la parasha, ou portion hebdomadaire de la Torah, avec des rubriques thématiques et un programme des cours de l’OU, ainsi que de nombreuses annonces et publicités. Aujourd’hui, selon l’OU, plus de trois millions de personnes par an lisent Torah Tidbits, en faisant une ressource incontournable pour les familles religieuses anglophones en Israël.
« Torah Tidbits est une publication de base lue par les gens dans pratiquement toutes les synagogues et communautés qui comptent des anglophones religieux en Israël », affirme Max Rabin, un programmeur qui a participé à un événement dimanche pour marquer le déménagement de l’OU à Har Hotzvim. « Peu importe le nombre d’exemplaires qu’ils distribuent, ils disparaissent toujours à la fin du Shabbat ».
Le succès de l’OU en Israël est également largement attribuable à l’impulsion du rabbin Avi Berman, son directeur exécutif depuis 2006, souvent considéré comme le moteur de l’organisation.

OU Israel bénéficie également d’un soutien institutionnel majeur, notamment grâce à un partenariat avec la municipalité de Jérusalem.
« L’une des premières initiatives que j’ai prises lorsque je suis entré en fonction au conseil municipal il y a 11 ans a été de contacter l’OU, parce que j’ai tout de suite vu qu’ils seraient nos meilleurs partenaires, non seulement pour attirer de nouveaux immigrants à Jérusalem, mais aussi pour les aider à s’y installer durablement », a expliqué le maire adjoint de Jérusalem, Arieh King. « Aujourd’hui, la ville travaille en étroite collaboration avec l’OU pour mettre en place différents programmes sociaux et culturels destinés à la population anglophone. La municipalité dispose en outre d’un budget spécial réservé aux projets de l’OU. C’est un partenariat très fructueux pour les deux parties. »
C’est peut-être grâce au partenariat avec la municipalité que l’OU Israël a récemment gagné en visibilité auprès de la population. En mai dernier, des milliers de personnes ont assisté à une grande prière publique à l’occasion de Yom HaAtzmaout, organisée par l’OU dans le parc de la Cloche de la Liberté à Jérusalem. En octobre, des conférences d’apprentissage pour les fêtes du Nouvel An juif, organisées dans plusieurs villes, ont réuni des centaines de participants, précise le rabbin Sam Shor.

Contrairement à d’autres immigrants qui, avec le temps, se fondent davantage dans la société israélienne, les anglophones religieux préfèrent maintenir des liens forts avec leur communauté, selon Shor.
« Quand ma femme et moi avons emménagé dans notre quartier il y a sept ans, mes voisins ont immédiatement commencé à me poser des questions d’ordre rabbinique », raconte Shor. « La communauté avait un rabbin depuis 38 ans, mais il ne parlait pas un mot d’anglais. Or, 60 % des fidèles étaient des immigrants anglophones, donc personne ne lui posait jamais de question. Et d’un coup, en quelques semaines, j’ai commencé à recevoir des dizaines de questions. »
« C’est la raison pour laquelle nous devons aller à leur rencontre », a ajouté Shor. ». « Pour construire un réseau de soutien qui permette aux immigrants de s’épanouir pleinement en Israël. »