Facebook s’associe à un groupe israélien pour lutter contre la désinformation
Le Sifflet va travailler avec le géant des réseaux sociaux pour tenter de lutter contre la désinformation à l'approche des élections
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

A tout juste cinq semaines des élections israéliennes du 9 avril, Facebook a annoncé mardi qu’il allait s’associer à un groupe de vérification d’informations alors que le géant des réseaux sociaux cherche à limiter la désinformation et à améliorer la qualité des informations relayées sur son réseau.
Pourtant, avec seulement environ 5 personnes employées par le groupe de vérification et aucun plan pour une augmentation immédiate et significative des effectifs, on voit mal comment Le Sifflet (HaMashrokit en hébreu) pourra faire face à une campagne électorale où les fausses nouvelles et les coups bas sont légion.
Le Sifflet surveillera seulement les contenus en hébreu pour Facebook, qui a été accusé d’avoir recours à des modérateurs évaluant les contenus en utilisant Google Translate parce qu’ils ne parlaient pas la langue.
L’annonce de cette semaine a suivi un autre communiqué du bureau israélien de Facebook du mois dernier annonçant que d’ici la mi-mars – environ trois semaines avant le scrutin national – le réseau social mettrait en place ses outils pour veiller à la transparence en matière de publicités politiques. On exigera de toutes les publicités traitant des questions politiques qu’elle déclarent clairement qui les a financées après que l’identité et la localisation des annonceurs auront été vérifiées.
Il y a cinq jours, après ne pas avoir réussi à persuader Facebook d’avancer la date d’application des nouvelles mesures, le président de la commission centrale électorale et juge de la Cour suprême Hanan Melcer, a mis en place une interdiction à effet immédiat de toutes les publicités électorales anonymes sur les réseaux sociaux.

Le Sifflet est un groupe de vérification d’informations qui a intégré le journal d’affaire Globes en janvier. Il propose actuellement un article en hébreu chaque jour qui analyse les déclarations d’un politicien.
Maintenant appelé Le Sifflet par Globes, c’est le seul groupe israélien de vérification d’informations accrédité par le Réseau international de vérification d’information, dont le sceau d’approbation constitue une exigence de base pour Facebook.
C’est aussi le 40e organisme de vérification d’informations à s’allier avec Facebook depuis l’élection présidentielle américaine de 2016, durant laquelle le géant des médias a été discrédité pour ne pas avoir réussi à contrecarrer l’ingérence russe et à bloquer de fausses informations.

Boaz Rakocz, PDG et fondateur du Sifflet, a déclaré qu Times of Israël que si l’organisation prévoyait de s’agrandir progressivement, il ne pouvait pas fournir le nombre spécifique d’employés du groupe à l’heure actuelle. Il a aussi refusé de commenter les aspects financiers de l’accord avec Facebook.
Globes a souligné dans son propre communiqué publié en hébreu mardi que le travail du Sifflet pour Facebook serait distinct de son activité pour le journal.
Les algorithmes de Facebook examinent des milliards de messages chaque jour afin d’essayer de repérer les fausses informations avant qu’elles ne se diffusent.
Les contenus suspects sont ensuite transmis à des employés qui procèdent à une vérification.
En Israël, ils devront classer les contenus selon cinq niveaux : quand c’est complètement faux ; quand c’est mitigé (le propos général est faux mais il y a quelques faits exacts) ; quand le titre est trompeur mais le contenu correct ; quand le contenu est correct ; quand le contenu ne peut pas être noté parce qu’il s’agit soit de satire soit d’une opinion personnelle.
Selon Facebook, le contenu classé comme « faux » n’est pas retiré – cela ne se produit que s’il enfreint les règles d’utilisation de Facebook. Au lieu de cela, il est rétrogradé dans une position moins visible sur le fil d’actualité, et est accompagné d’articles associés par les vérificateurs. Si quelqu’un essaie de partager le contenu, il sera informé de l’existence des autres articles.
Des actions sont également prises contre des pages et des domaines qui partagent des contenus problématiques et des domaines qui publient de manière répétée des contenus classés comme « faux », selon Facebook. De tels pages et domaines voient leur distribution diminuée alors que le nombre d’infractions augmente et leur capacité à monétiser et à faire la publicité leur est enlevée après des infractions répétées.
La monétisation comprend des modèles comme celui du paiement par click, selon lequel un annonceur paie l’éditeur (généralement le site internet ou le réseau du site internet propriétaire) quand il y a un click sur la publicité.
Au final, des pages et des sites internet qui publient ou partagent régulièrement de fausses informations perdront leur capacité à s’enregistrer comme des Pages d’information sur Facebook, a prévenu l’entreprise. Si une page enregistrée comme une page d’information partage de manière répétée des fausses informations, l’enregistrement en tant que page d’information sera révoqué.
Les vérificateurs devraient répondre aux demandes de contrôle dans un « laps de temps raisonnable — idéalement un jour ouvrable pour une correction simple, et jusqu’à plusieurs jours ouvrables pour des questions plus complexes ».

Mardi, Jordana Cutler, responsable de Facebook pour la politique publique en Israël, a déclaré dans un communiqué : « Nous reconnaissons les conséquences des fausses informations diffusées sur Facebook et nous sommes engagés à mieux travailler pour les combattre, tout particulièrement à l’approche des élections. Plus de six millions de personnes utilisent Facebook chaque mois à travers Israël et c’est une responsabilité que nous prenons très au sérieux. Nous continuons à renforcer notre action pour lutter contre les fausses informations sur notre réseau ».
« Une publication par jour »
Il y a eu des questions au sujet de l’efficacité des partenariats effectués par Facebook avec des groupes de vérification d’information, et sur les objectifs du géant des réseaux sociaux.
Factcheck.org, qui travaille toujours avec le réseau social, a déclaré au Wall Street Journal en octobre qu’il examinait en moyenne moins d’une publication Facebook par jour. D’autres organisations de vérification d’informations ont fait état de la même charge de travail de la part de Facebook.
Angie Drobnic Holan, éditrice de PolitiFact, travaillant aussi avec Facebook, a déclaré au Guardian que le partenariat était un « service public », et que Facebook « nous aidait à identifier le contenu discutable ». Mais elle a également déclaré qu’elle n’avait aucun moyen de savoir si le travail de son site avait un impact.
Le page du siège de Facebook dédiée aux vérifications d’information mentionne les noms de tous les groupes qui sont utilisés par Facebook. Pourtant, on ne retrouve pas sur la liste américaine Snopes et Associated Press, deux organisations de vérification d’informations qui ont un partenariat avec Facebook pour deux ans depuis février.

Interrogé par le journal Guardian en décembre, Brooke Binkowski, ancienne responsable de Snopes, a déclaré au sujet de Facebook : »Ils ne prennent rien au sérieux. Ils sont plus intéressés à apparaître comme les gentils et à passer la patate chaude… Ils s’en fichent clairement
Elle a qualifié l’exercice de rien de plus qu’une « crise de relations publiques » et a déclaré que le fait que Facebook payait Snopes créait « un énorme conflit d’intérêts ». Facebook a versé 100 000 dollars à Snopes en 2017.
David Mikkelson, le fondateur de Snopes, a déclaré à Geekwire que si les déclarations de Binkowski ne reflétaient pas la position officielle de l’entreprise, elles posaient effectivement des questions sur la manière dont Facebook traite le problème de la désinformation.

« C’est assez binaire, a-t-il déclaré au site internet spécialisé sur la technologie. C’est vrai ou faux, et si c’est faux, alors le contenu ne devrait-il pas être bloqué immédiatement ? Je ne comprends vraiment pas la philosophie du ‘Bon, on va le laisser là, seulement pas autant’ ».
Le mois dernier, dans un message sur blog, Snopes a déclaré qu’il n’avait pas exclu l’idée de travailler avec Facebook à l’avenir, mais qu’il voulait « déterminer avec certitude que nos efforts pour aider n’importe quelle plateforme ont un effet positif pour notre communauté, notre publication et notre personnel ».
AP a déclaré à la BBC qu’il y avait des « discussions en cours » sur la possibilité de travailler avec Facebook à l’avenir.
En réponse au Guardian, Facebook a déclaré que son travail de vérification des informations était « très efficace en terme de lutte contre la désinformation », et « quand un contenu est classé comme faux par un employé, nous sommes capables de réduire l’impact futur de ce contenu de 80 % en moyenne ».