Fin du commerce florissant entre Israël et la Chine ?
Les données présentées lors du lancement du Centre politique Israël-Chine montrent le déclin de l’activité économique bilatérale depuis 2019, sous la pression des Etats-Unis

Pendant que la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, se rendait en Asie de l’Est cette semaine pour un voyage qui pourrait changer radicalement les relations entre les États-Unis et la Chine, un événement avait lieu en Israël, révélateur des changements à l’œuvre dans la relation de Jérusalem avec Pékin.
« La lune de miel entre Israël et la Chine est bel et bien terminée », a déclaré lundi l’ex-général Assaf Orion à l’occasion de l’ouverture du Centre politique Israël-Chine, à Tel Aviv. « Une série d’indicateurs montrent que nous sommes entrés dans une nouvelle ère et que les relations sont maintenant plus complexes et chargées qu’auparavant. »
Le nouveau centre est hébergé par l’Institute for National Security Studies, un groupe de réflexion de Tel Aviv étroitement lié à l’armée et au gouvernement israéliens.
L’ambassadeur de Chine en Israël, Cai Run, a assisté à l’ouverture lundi, aux côtés du ministre du Renseignement Elazar Stern et de hauts diplomates israéliens, ainsi que d’envoyés de l’Inde, du Vietnam et d’autres pays.
En janvier, le ministère israélien des Affaires étrangères célébrait 30 années de relations diplomatiques avec la Chine en mettant en avant des relations commerciales évaluées à 18 milliards de dollars.
Selon Orion, les investissements chinois en Israël et les exportations israéliennes vers la Chine ont atteint un sommet en 2018.

Depuis lors, les deux indices ont diminué et au cours des six dernières années, le nombre d’entreprises israéliennes exportant vers la Chine a chuté de 15 %, ne réunissant plus que 480 entreprises.
Les dates concordent avec la pression exercée par les Etats-Unis sur Israël, Donald Trump d’abord puis Joe Biden, pour surveiller de plus près ses relations commerciales, en particulier en ce qui concerne les transactions majeures sensibles.
En 2019, le cabinet de sécurité israélien a annoncé la formation d’un comité consultatif sur les investissements étrangers en Israël, après avoir louvoyé pendant plusieurs années, à la recherche d’un improbable équilibre entre sa relation avec Washington et celle avec Pékin.

Il était déjà trop tard pour que le comité ait son mot à dire sur le tramway de Tel Aviv ou les travaux au port de Haïfa, mais il est parvenu à bloquer de nouveaux projets, dans un mouvement qui n’a pas tardé à rafraîchir la tonalité des relations commerciales.
Lors de l’ouverture du centre, Cai a noté que les relations économiques restaient solides, affirmant que le commerce bilatéral était passé de 15 millions de dollars en 1992 à 22,8 milliards de dollars en 2021. (Aucune explication n’a été donnée de l’écart avec les chiffres israéliens, inférieurs de 4,8 milliards de dollars).
« La Chine est aujourd’hui notre plus grand partenaire commercial en Asie et le deuxième au monde », a expliqué l’ambassadeur. « Avant la pandémie de COVID-19, il y avait des vols directs entre Tel Aviv et cinq villes chinoises. »
La Chine demeure, il est vrai, le principal partenaire commercial d’Israël en Asie : Israël importe plus de Chine que de tout autre pays et exporte plus vers la Chine que vers tout autre pays asiatique. Entre 2011 et 2021, la part chinoise des exportations israéliennes vers l’Asie est passée de 25 % à 42 %.

Les Israéliens semblent divisés sur la manière dont ils perçoivent la Chine, critiquée pour son autoritarisme et ses crimes contre l’humanité, envers la minorité musulmane ouïghoure, dans l’ouest du pays.
Selon les résultats d’un sondage du Pew Research Center publié en juin, 48 % des Israéliens ont une opinion favorable de la Chine, plus que dans tout autre pays occidental, contre
46 % d’opinions défavorables. Dans le monde, les Israéliens sont les moins préoccupés par les questions de droits de l’homme en Chine ou par les avancées militaires de Pékin, mais ils se révèlent légèrement plus nerveux sur les questions de concurrence économique avec la Chine ou d’ingérence chinoise dans leurs affaires intérieures.
Orion a noté que, par le passé, les opinions favorables à la Chine avaient été encore plus massives. Ainsi, en 2019, 66 % des Israéliens avaient une opinion favorable de la Chine et seulement 25 % une opinion défavorable, selon Pew.

Orion a dirigé la stratégie au sein de la Direction de planification de l’état-major général de l’armée israélienne avant de quitter l’armée en 2015, après 32 ans de services. Depuis lors, il travaille comme chercheur à l’INSS, à la tête du programme sur la Chine.
L’institut est considéré comme très proche de la Défense et des Affaires étrangères du gouvernement israélien. Nombre de ses chercheurs ont eu une première carrière à des postes de responsabilité dans la Défense ou la diplomatie, et ses documents de synthèse circulent dans les rangs du ministère de la Défense, du ministère des Affaires étrangères et du Conseil de sécurité nationale.
L’ouverture du centre est perçue comme l’expression de l’attention qu’Israël prête à sa stratégie chinoise, à mesure que la relation se transforme.
Malgré les sombres prévisions d’Orion, Stern a exprimé l’espoir que la relation se développe à nouveau.
« Nous espérons qu’Orion se trompe dans ses évaluations baissières », a déclaré le ministre du Renseignement. « Bien sûr, Orion en tant que chercheur ne peut pas ignorer les tendances qu’expriment les chiffres, alors nous l’envisageons comme un défi, pour faire évoluer la situation et la ramener au point où nous étions. »