France: 51 816 méfaits en 2019, selon l’Observatoire de l’antisémitisme en ligne
52 % de ces méfaits sont liés à des stéréotypes et des allégations mensongères, déshumanisantes ou complotistes, et 39 % à la haine de l’État d’Israël
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a publié les premières conclusions de son Observatoire de l’antisémitisme en ligne. En 2019, 51 816 contenus à caractère antisémite ont ainsi été répertoriés sur Internet. L’institution a réparti ces méfaits en quatre catégories distinctes correspondant à la classification adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA).
52 % de ces méfaits sont liés à des stéréotypes et des allégations mensongères, déshumanisantes, diabolisantes ou complotistes. Dans cette catégorie figurent notamment « les accusations envers la diaspora juive d’être plus loyale à l’État d’Israël ou envers les Juifs à travers le monde qu’envers leurs propres nations », ainsi que « les discours complotistes ciblant les Juifs, les allégations affirmant que les Juifs contrôlent les médias, l’économie, le gouvernement, ou le fait de les tenir pour responsables de divers maux ».
39 % des contenus haineux sont liés à la haine de l’État d’Israël : « la diffamation de l’Etat d’Israël ou les critiques envers l’Etat d’Israël spécifiquement parce que c’est un État Juif ; les propos à deux poids deux mesures envers l’État d’Israël simplement parce que c’est un État juif ;
« l’utilisation de symboles et d’images associés à l’antisémitisme classique (dire que les Juifs ont assassiné Jésus ou l’accusation de meurtres rituels contre les Juifs) pour caractériser Israël ou le sionisme ; les allégations disant que l’État d’Israël est comparable au régime nazi ; les comparaisons entre la politique actuelle d’Israël avec celle les nazis. »
38 % des méfaits comptabilisés sont des expressions directes et explicites de haine des Juifs : « insultes, menaces et appels à la violence, au viol, au vol, à brûler ou tuer les Juifs en général, ou des personnes qualifiées comme Juives », ainsi que « l’apologie d’attaques terroristes envers des Juifs, des institutions juives ou des biens appartenant à des Juifs. »
La dernière catégorie concerne la négation de la Shoah, l’apologie du nazisme et le soutien au projet nazi d’élimination des Juifs (13 % des contenus).
Sur 51 816 méfaits comptabilisés sur l’année 2019, 63 % ont été constatés sur Twitter et 17 % sur Facebook. L’étude montre également une hausse de ces méfaits au gré de l’actualité : un pic avait ainsi pu être constaté en décembre, alors que des tombes juives avaient été découvertes profanées en Alsace.
L’Observatoire de l’antisémitisme en ligne avait été annoncé et lancé en mars 2018, à l’occasion du 33e diner du Conseil représentatif des institutions juives de France – auquel avait participé le président Emmanuel Macron.
Créé en partenariat avec l’institut Ipsos, il a pour tâche de donner « une vision plus complète de l’antisémitisme en France » et « d’identifier, quantifier et qualifier les contenus haineux présents sur Internet », explique Francis Kalifat, président du CRIF.
Il a précisé que l’Observatoire avait pour vocation de se pencher sur la totalité des différentes haines en ligne : « Dans un premier temps, nous nous concentrons sur l’antisémitisme, a-t-il déclaré. Mais nous comptons étendre progressivement cet Observatoire aux autres haines qui sévissent sur les réseaux sociaux et qui gangrènent la société : l’homophobie, le racisme, les propos antimusulmans ou antichrétiens. »
600 heures de travail ont été nécessaires au CRIF et à l’Ipsos pour en venir au chiffre de 51 816 contenus antisémites. Le projet, qui s’est limité « aux comptes publics et ouverts, et sur la base des contenus restants en ligne après modération par les plateformes », a notamment utilisé des algorithmes et outils d’Intelligence artificielle sur plus de 600 millions de sources, avant qu’une identification manuelle ne soit effectuée afin de valider leur nature antisémite.
« C’est la première fois que l’on bâtit un outil permettant de capter tout ce qui circule sur Internet », a indiqué Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos. « Un tel dispositif vise, en utilisant un matériau différent des enquêtes d’opinion et sociologiques classiques, à compléter notre compréhension des ressorts de l’antisémitisme et à comprendre les spécificités de celui qui s’exprime en ligne », a-t-il expliqué au Figaro.
« Ce contenu [comptabilisé] n’est une toute petite partie de la réalité, a-t-il noté. Par définition, on n’a accès qu’aux comptes publics, or c’est probablement sur des comptes privés que l’on trouve les contenus les plus haineux. Ensuite, ces contenus sont censés avoir déjà été modérés. Mais cette ‘partie émergée de l’iceberg’ est celle qui a l’influence la plus forte sur le grand public, tous les internautes pouvant y être confrontés.»
Fin janvier, le ministère de l’Intérieur avait révélé une hausse de 27 % des actes à caractère antisémite entre 2018 (541 méfaits) et 2019 (687 méfaits). Le nombre avait déjà augmenté de 74 % entre 2017 et 2018.
Ces faits se décomposaient en 151 « actions », une catégorie qui regroupe les atteintes aux personnes et aux biens comme les dégradations, vols ou violences physiques et 536 « menaces » à l’instar de propos ou gestes menaçants, inscriptions, tracts, courriers, détaillait le ministère de l’Intérieur.
« La hausse des faits antisémites en 2019 s’explique exclusivement par l’augmentation des menaces, à hauteur de 50 % par rapport à 2018, les actions ayant quant à elles diminué de 15 %. Les faits les plus graves, les atteintes aux personnes, sont même en net recul, de 44 % », avait fait valoir le ministère.