France : Du néonazisme au terrorisme, « l’intoxication » idéologique d’un ex-militaire
Aurélien C. est soupçonné d'avoir diffusé des messages d'apologie du nazisme, acquis des armes et effectué des recherches sur des lieux de cultes juifs à Limoges et à Strasbourg
De sa participation frénétique aux forums de l’ultradroite jusqu’au risque d’un passage à l’acte, le procès d’un ex-militaire soupçonné d’avoir diffusé des messages d’apologie du nazisme, acquis des armes et effectué des recherches sur des lieux de cultes juifs, s’est ouvert jeudi à Paris.
L’homme de 38 ans, cuistot dans l’armée reconverti en agent de sécurité avait fini par attirer l’attention des cyber-patrouilleurs du renseignement intérieur début mai 2020.
Sous le pseudo « Ayatjouz » (« I hate Jews », je hais les juifs), il multipliait les messages de plus en plus menaçants et se mettait en scène sur des photos, tantôt armé, tantôt affublé d’un tatouage « SS » dessiné au marqueur sur son bras.
Interpellé le 26 mai 2020 à son domicile à Limoges, les enquêteurs avaient mis la main sur un véritable arsenal : des couteaux, des poings américains, des pétards et des explosifs artisanaux, mais surtout trois armes à feu et des centaines des munitions correspondantes.
Placé en détention provisoire par le Parquet national antiterroriste (Pnat), il est jugé devant le tribunal correctionnel de Paris pour « entreprise individuelle terroriste » et « infraction à la législation sur les armes en relation avec une entreprise terroriste ».
Cheveux ras, engoncé dans une chemise noire, répondant parfois en ancien militaire, d’un « négatif » pour dire « non », Aurélien C. dit aujourd’hui s’être « intoxiqué avec de la propagande nauséabonde » sans autre intention que de « faire le buzz » auprès de ses camarades sur internet.
« Mais la difficulté c’est que l’on ne sait pas quand est-ce que vous alliez vous arrêter (…) on a l’impression d’une forme d’accélération », recadre le président du tribunal.
« Grand remplacement »
Après une « enfance banale » dans « une famille de droite », Aurélien C. veut rejoindre « la grande famille » de l’armée et se retrouvera à 19 ans cuistot dans un régiment, sans jamais réussir à grimper les échelons.
Il assure avoir été empêché par une blessure lors de ses classes. Sa sœur dit qu’il est tombé en cuisine. Son dossier militaire, plutôt élogieux, ne mentionne lui aucune blessure.
Replié sur sa vie en ligne sur le Net, l’agent de sécurité avait progressivement coupé à partir de 2017 les ponts avec son entourage, reconnaissant n’avoir plus aucun ami et des relations conflictuelles avec sa famille qui le trouvait « insupportable ».
En mai 2019, il avait déjà écopé de quatre mois de prison ferme pour des menaces à l’encontre de membres de l’association SOS Racisme Les potes en Limousin, écrivant sur les réseaux qu’ils seraient « bientôt sous (ses) balles ».
Aurélien C. promouvait principalement le discours sur « le grand remplacement » et se présentait en adorateur de Brenton Tarrant, l’Australien suprémaciste blanc accusé d’avoir tué 51 personnes dans deux mosquées de Nouvelle-Zélande en mars 2019.
« Je croyais au changement de population et je croyais au déclin de la France et d’une partie de l’Ouest (occident), mais c’était pas un sentiment de supériorité », clame-t-il, sans réussir à élaborer sur la nuance.
« Maladif »
L’obsession raciste de l’ex-militaire s’était aussi nettement portée sur les juifs. « J’avais tendance à chercher sur les hommes politiques qui était juif ou pas, c’était pour savoir, par curiosité ». Pause. « C’était maladif », corrige-t-il.
Selon les éléments de l’enquête, il avait effectué sur internet des recherches concernant des lieux fréquentés par la communauté juive à Limoges, mais aussi à Strasbourg et dans la région parisienne et publié sur des forums des captures d’écran de certaines adresses.
Sa radicalisation s’était accélérée à partir de 2019, lorsqu’il avait relayé des vidéos de la Division Atomwaffen, et laissé entendre qu’il pourrait recruter pour ce groupe néonazi considéré comme terroriste par les Etats-Unis, a noté le tribunal.
« Je ne suis pas quelqu’un qui va passer à l’acte », martèle Aurélien C., qui détourne les yeux de ces vidéos diffusées pendant l’audience, se disant « dégoûté », par les images.
Il comparaissait seul, tandis que l’homme qui lui a fourni les armes illégales était absent pour raisons de santé.
Le procès doit durer jusqu’au vendredi 28 janvier.