Funérailles de l’auteur-compositeur Yehonatan Geffen dans le nord d’Israël
Ses proches ont rendu hommage à l'auteur ; ses amis ont chanté ses œuvres ; "L'amour était un pays et il en était le prince", a dit Yair Lapid, chef de l'opposition

L’écrivain et auteur-compositeur-interprète Yehonatan Geffen a été inhumé vendredi au cimetière de Nahalal, dans le nord d’Israël. Ses amis, ses proches et des personnalités publiques ont rendu hommage à une icône qui aura appartenu à la toute première génération d’Israéliens ayant grandi au sein de l’État juif.
Geffen s’est éteint mercredi dernier à l’âge de 76 ans. Il était connu pour ses convictions de gauche, pour ses écrits – en particulier des livres, des chansons et des poèmes pour les enfants – ainsi que pour ses propres enfants, le rockeur Aviv Geffen, l’écrivaine Shira Geffen (qui a épousé Etgar Keret) et l’actrice Natasha Geffen, née d’un second mariage.
Sa famille et ses amis ont rendu hommage au défunt dans des discours, évoquant également les paroles qui l’avaient rendu célèbre. Parmi les personnes présentes lors des funérailles, des personnalités publiques comme son ami intime le chanteur David Broza, l’ancien président Reuven Rivlin, le chef de l’opposition Yair Lapid, le député d’Avoda Efrat Rayten et l’ex-ministre Ayelet Shaked.
Dans un bref discours, Aviv Geffen a indiqué que son père était « un héros » et il a repris l’une de ses chansons écrites en 1978, « Cause de préoccupation ».
Avec ses sœurs Shira et Natasha, la fratrie toute entière a entonné « le seizième mouton », un poème pour les enfants qui avait été créé par son père en 1978.
S’adressant à l’assistance, Natasha, qui est venue vivre en Israël l’année dernière après avoir quitté les États-Unis, a déclaré que son père était « mon meilleur ami et une partie de moi attend que tu te réveilles et que tu me dises : ‘Ne pleure pas, ce n’était qu’un mauvais rêve’. »

« Tu étais toujours le premier vers lequel se tourner en cas de problème, si on était triste ou si on avait besoin de quelqu’un qui nous fasse rire », a-t-elle déclaré. « Tu es probablement en train de nous regarder et de rire de tout ça ».
« Nous avons vécu la plus grande partie de nos vies des deux côtés de la Terre et pourtant, tu as été constamment près de moi dans ma vie », a-t-elle ajouté.

Shira Geffen a indiqué à l’assistance qu’au cours des deux derniers mois, elle avait rencontré son père à plusieurs reprises pour travailler sur son dernier livret de chansons.
« Ce dernier mois, tu n’avais déjà plus de patience, tu demandais qu’on termine, qu’on relise enfin ce livret, qu’on termine le travail. Je me suis disputée avec toi. Tu disais qu’il y avait encore du travail et je voulais continuer à pouvoir m’asseoir à tes côtés sous le porche, avec les chats, en buvant un sirop ou un coca et en travaillant sur les chansons », a-t-elle expliqué.
« Tu disais que tu était fatigué, que tu avais appris, tout au long de ta carrière, que si nous travaillions trop sur les chansons, elles en pâtiraient. Mais je ne voulais pas – peut-être parce que j’avais compris que si ce travail devait se terminer, alors tu t’en irais », a ajouté Shira.
Zohar Betzer, la sœur de l’artiste, a rendu hommage à « son grand-frère tant aimé ».
« Il n’y a pas de mot pour décrire ce sentiment qui me suffoque. Nous étions quatre, nous ne sommes plus que deux. Le coup de poing que nous nous sommes pris dans le ventre est là et j’étouffe », a-t-elle déclaré.
Anat Ben Ari, l’autre sœur de Geffen, s’est rappelée de son frère qui revenait de l’armée, pendant le week-end, et qui demandait « quel enfant de maternelle il allait devoir battre cette semaine ».
« Même si tu n’as jamais mis ta menace à exécution, je savais qu’il y avait quelqu’un qui me protégeait », a ajouté Ben-Ari.
« Yehonatan, tu étais mon seul frère, tu étais tellement spécial, drôle, unique. Ensemble, on riait des éloges funèbres où les gens parlaient d’eux-mêmes davantage qu’ils ne parlaient du défunt. Je pense que c’est pourtant très exactement ce que je suis en train de faire », a-t-elle ajouté.

Broza a chanté « Si la mort doit arriver », une chanson écrite par Geffen qui était sortie sur son album de 1984. Le chanteur a indiqué que son ami lui avait demandé que ce titre en particulier soit joué pendant ses funérailles.
Dans son discours, Lapid a évoqué feu l’artiste en disant qu’il était rempli d’amour.
« Une fois, Yonathan avait écrit que : ‘Si l’amour était un pays, je serais son ministre des Affaires étrangères’. Il se trompait. L’amour est un pays et il était son prince ».
« Les mots étaient ce qu’il aimait le plus après ses enfants », a ajouté Lapid. « Il m’aimait même quand il pensait que j’avais tort. Il n’avait pas peur de la mort – il pensait qu’il y avait une vie avant la mort, pas après. C’est difficile de dire comment une personnalité aussi infatigable va pouvoir trouver le repos ».
Geffen est né en 1947 au Moshav Nahalal, dans la vallée de Jezréel – il était de la même génération que l’écrivain Meir Shalev, originaire, lui aussi, de Nahalal, qui s’est éteint la semaine dernière. Il était le neveu du général de l’armée Moshe Dayan, qui était le frère de sa mère.
Il avait fait partie d’un groupe de journalistes qui avaient publié, en 1973, un livre, « l’Échec », qui avait été le premier ouvrage à examiner et à critiquer la guerre de Yom Kippour. Il était connu pour sa franchise parfois brutale et pour avoir exprimé des opinions controversées sur le pays et sur ses politiques.
Il avait notamment provoqué un tollé en faisant une comparaison entre l’activiste palestinienne Ahed Tamimi et Anne Frank, victime de la Shoah. Il avait ultérieurement présenté ses excuses.
Toutefois, Geffen était peut-être plus célèbre encore parmi les Israéliens pour ses œuvres pour les enfants – avec « Le Seizeième mouton » qui devait devenir un album salué et récompensé en 1978, un album qu’il avait composé avec Yoni Rechter et qui était interprété par Yehudit Ravitz.
Jessica Steinberg a contribué à cet article.