Israël en guerre - Jour 569

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Grandes querelles d’interprétations autour de Trump pour les Juifs amériains

Depuis les élections, les Juifs américains s'écharpent sur les déclarations ambiguës de l'entourage de Donald Trump sur les Juifs et Israël. Antisémites ?

Alan Dershowitz prenant la parole lors du dîner de l'Union Sioniste de l'Amérique à  New York City, le 20 novembre  2016. (Crédit : ZOA/Facebook)
Alan Dershowitz prenant la parole lors du dîner de l'Union Sioniste de l'Amérique à New York City, le 20 novembre 2016. (Crédit : ZOA/Facebook)

NEW YORK (JTA) — Il y a trente ans, dire que la communauté juive américaine s’accordait sur la nécessité de lutter en faveur d’Israël et contre l’antisémitisme était une évidence.

Il est toujours vrai d’affirmer que la majorité des Juifs américains soutiennent ces causes. Mais, apparemment, certains ne s’accordent plus sur la signification de ces concepts.

Le soutien apporté par un Juif à Israël est, pour un autre, une agression commise à l’égard de cet Etat. Comme nous l’avons vu pendant la campagne présidentielle qui a porté Trump à la Maison Blanche, la condamnation par un Juif d’un promoteur présumé de l’antisémitisme est aux yeux d’un autre, une souillure à l’encontre d’un prétendu défenseur de la communauté. Le débat devient dangereusement flou.

Ce phénomène a été particulièrement mis en exergue lors d’une conférence organisée par l’ADL (Anti-Defamation League) et lors du dîner de l’Organisation sioniste d’Amérique (ZOA).

Ces deux événements se sont tenus à quelques jours d’intervalle dans le même hôtel chic de Manhattan. Les deux organisations clament lutter en faveur des mêmes objectifs : l’opposition à la haine anti-juive et le soutien à l’Etat d’Israël.

Mais leurs rhétoriques ne pourraient que difficilement être plus contradictoires.

L’ADL, qui s’efforce d’être non-partisane dans la lutte contre l’antisémitisme et le sectarisme s’est penchée sur l’antisémitisme aux deux extrémités du spectre politique à l’occasion de sa dernière conférence.

Son président, Jonathan Greenblatt, a dénoncé avec ferveur l’antisémitisme et l’islamophobie entendus parmi certains partisans durant la campagne du président élu Donald Trump, et les messages tenus par l’équipe de campagne elle-même faisant écho à des thématiques antisémites.

Il a promis de se désigner lui-même comme musulman si, comme l’avait affirmé Trump pendant sa campagne, une “banque de données” musulmane était créée. Mais les intervenants qui ont pris la parole juste après lui se sont pour leur part intéressés à l’activisme anti-israélien provenant de la gauche de l’arène politique.

“Le harcèlement et la haine qui ont éclaté tout au long de la campagne ne ressemblaient à rien de ce que nous avions pu voir au cours de l’histoire récente”, avait expliqué Greenblatt.

« La communauté juive américaine, notre communauté, n’avait pas vu de tels niveaux d’antisémitisme dans les discours politiques et publics traditionnels depuis les années 1930.”

Le président d'ADL Jonathan Greenblatt prenant la parole lors de la conférence Never is Now  à  New York City,le 17 novembre  2016. (Crédit : ADL)
Le président d’ADL Jonathan Greenblatt prenant la parole lors de la conférence Never is Now à New York City,le 17 novembre 2016. (Crédit : ADL)

L’ADL a fait partie des premières organisations juives traditionnelles a condamner la nomination au poste de haut-conseiller de Trump de Stephen Bannon, ancien président de Breitbart News, un site Internet accusé de publier des articles antisémites, misogynes et racistes.

Les mouvements Conservateurs et de la Réforme, qui représentent à tous deux la majorité des Juifs américains affiliés, lui ont bientôt emboîté le pas.

Ce sont les mêmes organisations qui, il y a trois longs mois, avaient critiqué le mouvement Black Lives Matter (BLM) pour avoir accusé Israël de génocide.

Il y avait eu un large consensus, au moins parmi les organisations juives américaines, dans la condamnation du communiqué de BLM. En plus de l’ADL et des trois organisations majeures, des associations pro-israéliennes de droite et de gauche avaient dénoncé l’utilisation du terme « génocide », tout comme les Fédérations juives d’Amérique du Nord et le Comité juif américain.

Aucun consensus similaire concernant Bannon n’a émergé parmi la multitude d’organisations juives : les JFNA et l’AJC, ainsi que d’importantes associations orthodoxes, ont gardé le silence sur Bannon. Et au dîner de la ZOA dans la soirée de dimanche, c’est un récit totalement différent qui a émergé.

Dans cette même pièce où Greenblatt avait dénoncé la campagne de Trump jeudi, le président de la ZOA Morton Klein a salué l’arrivée du président élu.

Dans son discours, Klein a plaisanté, affirmant qu’il aurait préféré un QI inférieur et plus de filles au lycée, raillant alors : « Donald Trump m’a dit de dire cela. C’est une conversation entre hommes”. Quelques minutes après, sous des acclamations tapageuses, il a salué Trump pour sa fermeté envers l’Iran.

“Grace à Dieu, nous avons Donald Trump,” a expliqué Klein.

Lors d’une déclaration plus tôt dans la soirée, le Dr. Alan Mazurek, cadre de la ZOA, originaire de Long Island, a indiqué que l’élection de Trump avait été “conduite par Dieu” et qu’une « fois encore, les Etats-Unis seront bénis”. Lorsque Bernie Marcus, membre honorifique de l’organisation, cofondateur de The Home Depot et partisan de Trump, a mentionné le New-York Times, le public l’a hué.

Marcus a déclaré qu’il était “l’un des hommes les plus heureux du monde de voir un certain bon sens enfin rentrer à la Maison Blanche”.

Le professeur de droit à Harvard Alan Dershowitz, partisan enthousiaste d’Hillary Clinton selon ses propres termes, à qui un hommage était rendu pendant cette soirée, s’est attiré des huées lorsqu’il a souligné que la candidate démocrate avait remporté le vote populaire.

Loin de critiquer Bannon, la ZOA a annoncé qu’il serait présent pour le dîner, soulignant au moins un courriel porteur de cette information. Il ne s’est pas montré en fin de compte, ce qui n’a pas n’empêché pour autant les personnes présentes de faire son éloge.

Stephen Bannon, chef de l'équipe de campagne du président élu  Donald Trump, écoute Trump s'pexrimer durant son dernier rassemblement de campagne le jour de l'élection à Devos Place,  à  Grand Rapids, Michigan, le 8 novembre 2016. (Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)
Stephen Bannon, chef de l’équipe de campagne du président élu Donald Trump, écoute Trump s’pexrimer durant son dernier rassemblement de campagne le jour de l’élection à Devos Place, à Grand Rapids, Michigan, le 8 novembre 2016. (Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)

“J’apprécie beaucoup cette nomination de Steve Bannon”, s’est exclamé Justin Bender, 23 ans, consultant à Philadelphie.

“Je pense qu’il ne craint pas de dire ce qu’il aime. Que vous soyez d’accord ou en désaccord avec Breitbart, il a été un très bon président. Vous n’avez pas besoin d’être d’accord en tout et avec le contenu du site Internet, pour avoir une grande proximité avec tous ceux qui le dirigent ».

Bender, comme plusieurs autres convives lors du dîner, a rejeté les critiques affirmant que Breitbart News avait publié des articles antisémites, ou que Bannon avait eu recours à des sorties antisémites dans sa dénonciation des « mondialistes » et de la « finance internationale ».

Certains ont même déclaré que le contenu n’était en aucun cas antisémite. D’autres ont adopté le positionnement de Klein, à savoir que Bannon lui-même, qui emploie des Juifs et qui est pro-israélien, qui à Breitbart News a publié des articles généreusement pro-Israël depuis son bureau de Jérusalem, n’est certainement pas antisémite.

“Je pense que Bannon est un promoteur des valeurs traditionnelles américaines, et qu’il est un ami des alliés traditionnels de l’Amérique, dont Israël », a dit Steve Crane de Philadelphie, co-fondateur d’un site consacré au contrôle de la couverture médiatique dont bénéficie Israël.

« Il a embauché des Musulmans, il a embauché des Juifs, il a embauché des Américains lambda, il a embauché des gays, des Juifs gays, tous les types de cette diversité tellement saluée par les gens, mais qui ne l’embaucheraient pas eux-mêmes ».

Plusieurs convives ont expliqué qu’afficher des contenus antisémites entrait dans le cadre de l’objectif défini par Breitbart d’inclure une multiplicité de perspectives au sein du site. Si les médias pouvaient présenter les perspectives libérales, a précisé Edward Mackouse, un habitant de Philadelphie âgé de 73 ans, les suprématistes blancs auraient eux aussi leur mot à dire.

“Je pense qu’on a besoin de quelqu’un de fort pour créer l’équilibre avec les médias de gauche”, a expliqué Mackouse, qui portait un chapeau rouge “Make America Great Again” parsemé de ‘pin’s’. « Je pense que ce que nous voyons à gauche, même seulement au sujet de Black Lives Matter avec Clinton, doit être contrebalancé ».

La perspective de la présence de Bannon au dîner a attiré à l’hôtel plusieurs centaines de manifestants juifs, qui ont crié “Donald Trump, c’est votre faute, Stephen Bannon, oy gevalt!” Ce mouvement de protestation avait été organisé par IfNotNow, un groupe juif qui s’oppose à l’occupation israélienne.

Le rabbin Jill Jacobs, à la tête du groupe rabbinique des droits de l’Homme T’ruah, plutôt marqué à gauche, a confié qu’elle espérait que cette manifestation pourrait engendrer un mouvement activiste juif robuste et durable contre toute action de sectarisme qui émanerait de Trump.

WASHINGTON, DC - 10 novembre : Le président Barack Obama (droite) serre la main du président élu (à gauche) à l'issue d'une réunion dans le Bureau Ovale, le 10 novembre 2016 à following a meeting in the Oval Office November 10, 2016 in Washington, . Trump devrait rencontrer les membres de la direction des Républicains au Congrès, plus tard dans la journée, au Capitole.   (Crédit : Win McNamee/Getty Images/AFP)
WASHINGTON, DC – 10 novembre : Le président Barack Obama (droite) serre la main du président élu (à gauche) à l’issue d’une réunion dans le Bureau Ovale, le 10 novembre 2016 à following a meeting in the Oval Office November 10, 2016 in Washington, . Trump devrait rencontrer les membres de la direction des Républicains au Congrès, plus tard dans la journée, au Capitole. (Crédit : Win McNamee/Getty Images/AFP)

“Ce manque de respect va galvaniser davantage la résistance juive, qui sera prête à réagir”, a-t-elle expliqué. “Cette résistance ne va pas seulement venir de l’aile gauche de la communauté juive. Elle va aussi venir du courant principal”.

Les Juifs américains sont divisés depuis longtemps en ce qui concerne l’Etat Juif. Les implantations sont-elles défendables ou non ? Que penser de l’accord avec l’Iran ? Ou des négociations de paix ?

Il apparaît maintenant, que les mêmes déchirures soient en train d’émerger concernant les différentes perceptions au sein de la communauté des menaces faites aux Juifs, notamment par l’équipe Trump.

L’ADL, tout en soulignant qu’elle « n’a pas connaissance de propos antisémites tenus par Bannon lui-même”, est toutefois troublée par le fait que Breitbart ait « servi de plate-forme à un vaste éventail de discriminations » en direction des Musulmans, des femmes et occasionnellement des Juifs. Un tel sectarisme, a-t-il insisté, ne peut être ignorée ou excusée sous prétexte que le site serait pro-israélien.

L’ADL s’inquiète : Si l’intolérance devait retrouver une nouvelle vigueur, les Juifs finiront par en payer le prix. Dans sa déclaration s’opposant à la nomination de Bannon, il appelle à ce que soient désignés des personnalités “engagées en faveur du bien-être de toutes les populations formant le pays et qui puissent incarner les valeurs du pluralisme et de la tolérance qui font la grandeur de notre pays ».

La ZOA, pour sa part, considère Bannon comme un ami, soulignant la façon dont il a défendu Israël, s’est opposé à l’accord iranien sur le nucléaire et dont il a critiqué les gauchistes qui dénigrent Israël.

Et elle veut savoir pourquoi l’ADL et d’autres organisations n’ont pas critiqué la nomination imminente à la présidence du Comité National Démocrate Keith Ellison (Minnesota), que la ZOA considère comme étant une personnalité « qui dénigre Israël » et entretiendrait des « liens avec des groupements radicaux anti-israéliens et antisémites ».

Lorsqu’Ellison s’est opposé à une nomination présidentielle, comme il l’a fait en dénonçant celle du Général James Mattis, qui était le candidat favori de Trump pour le poste de secrétaire à la Défense, il s’est concentré sur l’éventuelle menace qu’une telle nomination pourrait faire peser sur les intérêts israéliens.

Notant les déclarations faites par Mattis en soutien à une solution à deux Etats et critique des implantations, la ZOA a écrit qu’il était “remarquable” que “Mattis ait exprimé une attitude empreinte d’hostilité envers le soutien que nous apportons à notre allié Israël ».

Les querelles d’interprétations au sein de la communauté juive américaine ont un bel avenir devant elles.

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