Hommage franco-israélien à des diplomates qui sauvèrent des juifs en 39-45
Lors de sa visite en France, le président Rivlin a inauguré l'exposition "Au-delà du devoir", qui raconte l'histoire des diplomates qui ont sauvé des juifs pendant la Shoah
La France et Israël ont rendu hommage jeudi aux diplomates qui ont sauvé des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale. Ils en ont profité pour appeler à combattre sans relâche la résurgence de l’antisémitisme 70 ans plus tard.
A la veille de la Journée internationale de la commémoration de la Shoah, le président Reuven Rivlin a inauguré, jeudi 24 janvier, dans le cadre de sa visite officielle en France, une exposition intitulée « Au-delà du devoir – Sauver des vies juives et montrer le chemin ».
Le président était accompagné du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian. L’exposition présente les histoires de diplomates qui ont sauvé des Juifs pendant la Shoah. Elle est le fruit d’une collaboration entre le ministère israélien des Affaires étrangères et Yad Vashem. L’exposition est présentée dans les missions diplomatiques israéliennes à travers le monde.
Pendant la Shoah, en raison de leurs pouvoirs relativement étendus, les diplomates avaient l’autorité et le pouvoir de décider du sort de nombreuses personnes. C’est ce qu’ont fait quelque 36 diplomates d’une vingtaine de pays, reconnus comme « Justes parmi les nations » pour leurs actions, sauvant ainsi environ 200 000 vies.
Ces « quelques dizaines de rares diplomates courageux » furent autant « de petites lueurs brillantes d’espoir dans l’obscurité terrible de la Shoah », a déclaré le président israélien Reuven Rivlin en inaugurant l’exposition qui raconte leur histoire au Quai d’Orsay.
« Ils ont été prêts à risquer leur poste, leurs biens et même leur vie et celles de leurs familles », a-t-il dit.
« Ils ont prouvé que toujours, les individus et les représentants des Etats et des peuples ont la capacité et le devoir de choisir », a souligné le président israélien.
L’exposition retrace le parcours de 34 d’entre eux – dont le consul du Portugal à Bordeaux, de Tchécoslovaquie à Marseille et le diplomate suédois Raoul Wallenberg en Hongrie – qui délivrèrent des passeports et des visas au mépris des instructions de leur pays. Ils sont aujourd’hui reconnus « Justes parmi les nations » par Israël.
“There is no such thing as loving Israel and hating Jews, just like there's no such thing as loving Jews and hating Israel. Jew-hatred and anti-Zionism are anti-Semitism” Opening the Beyond Duty exhibition in Paris with @JY_LeDrian
Photo: Haim Zach (GPO) pic.twitter.com/nJKXmFYsz4
— Reuven Rivlin (@PresidentRuvi) January 24, 2019
Parmi les histoires relatées, on trouve celle d’Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux. Défiant les ordres officiels de ne pas délivrer de visas de transit, en particulier aux Juifs, l’“Ange de Bordeaux” a œuvré sans relâche pour délivrer des dizaines de milliers de visas salvateurs. Après avoir été découvert, Sousa Mendes fut démis de ses fonctions. Il mourra plus tard dans la plus grande misère. « Même si je suis renvoyé, je ne peux agir qu’en chrétien et selon ma conscience », a-t-il dit. « Si mes actions sont perçues comme un refus des ordres, je préfère être aux côtés de Dieu contre l’homme plutôt qu’avec l’homme contre Dieu. »
Le Japonais Chiune Sugihara, consul à Kovno en Lituanie, délivra des visas à 2 000 juifs pour qu’ils puissent fuir l’Europe via l’Union soviétique.
Le Français Albert Emile Routier, consul honoraire de Turquie à Lyon, établit des documents présentant leur détenteur comme des musulmans d’origine turque.
« La mémoire de la Shoah n’est pas seulement une obligation de respect et de fidélité envers les morts, elle est aussi un devoir de vigilance envers les vivants », a relevé le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
« Sur le sol de la République française, des juifs ont de nouveau eu à souffrir, à dissimuler ce qu’ils étaient », a-t-il souligné.
« Au cours des dernières années, des hommes, des femmes, des enfants ont été assassinés au seul motif qu’ils étaient juifs. Il est même parfois difficile d’enseigner l’histoire du génocide », a-t-il déploré.
En mars 2012, le djihadiste Mohamed Merah avait tué par balles Yonathan Sandler, un professeur de religion, Aryeh et Gabriel, ses fils de trois et cinq ans ainsi que Myriam Monsonégo, une fillette de huit ans dans une école juive de Toulouse.
« Face à ce constat alarmant, la main de l’Etat ne doit jamais trembler et je vous assure, monsieur le président, qu’elle ne tremblera pas », a déclaré Jean-Yves Le Drian.
A l’heure du « renforcement des force de droite néofascistes, extrémistes en Europe, les dirigeants européens forts doivent appeler à combattre toute conception antisémite », a renchéri M. Rivlin. « La haine des juifs et l’antisionisme sont de l’antisémitisme », a-t-il insisté.
« L’année dernière, en 2018, le nombre d’incidents antisémites en France a augmenté de 69 % par rapport à l’année précédente« , a poursuivi le président. « Ce sont là des constatations difficiles et inacceptables. Nous avons besoin d’un leadership européen fort pour combattre l’antisémitisme sous toutes ses formes ». « Nous devons dire aussi clairement que possible que pour nous, en Israël, il est impossible d’aimer Israël et de haïr les Juifs, tout comme il n’est pas possible d’aimer les Juifs et de haïr Israël. La haine des juifs et l’antisionisme sont de l’antisémitisme ».
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian a pour sa part déclaré : « la diplomatie n’est pas seulement une question de relations entre Etats. Elle traite également des relations entre les personnes – hommes et femmes face à l’histoire. Aujourd’hui, nous honorons la mémoire des diplomates qui ont sauvé des Juifs condamnés à la mort par les nazis. Défiant les ordres, ils ont simplement ignoré les règles et les règlements et ont délivré aux Juifs menacés des passeports, des visas et l’asile diplomatique dans leur ambassade. L’exposition que nous inaugurons aujourd’hui nous rappelle les devoirs des hommes. Ce n’est pas seulement un devoir envers ceux qui sont morts, mais aussi envers ceux qui sont vivants aujourd’hui. La France n’a pas peur d’affronter sa propre histoire. »
Le président Reuven Rivlin s’est égalementrendu jeudi sur une base de l’armée de l’air française, escorté par le général de division de l’armée de l’air israélienne Amikam Norkin et le général Philippe Lavigne, commandant des forces aériennes françaises. Son déplacement était consacré à la coopération entre les deux forces, qui s’est développée au fil des ans, et comprenait une visite complète de la base pour voir les divers avions de combat qui y étaient stationnés.
« Essayer de préserver la paix et la sécurité autour de la Méditerranée n’est pas une tâche simple », a déclaré le président Rivlin. « Cela exige une attention constante, pour tous ceux qui veulent que la paix et la stabilité aillent de pair. La France, et l’armée de l’air française en particulier, jouent un rôle-clé dans le maintien de la stabilité régionale. Les capacités uniques des forces armées françaises – en particulier de l’armée de l’air – et l’engagement de votre peuple placent la France à l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme. La coopération entre nos deux armées nous renforce dans la lutte contre le terrorisme et la préservation de la stabilité régionale. »
« Nous savons aujourd’hui que ce qui se passe au Moyen-Orient ne reste pas au Moyen-Orient. Lorsque les forces fondamentalistes radicales menacent la région, elles menacent également l’Europe et le monde libre tout entier », a ajouté le président israélien.
« Malheureusement, les attentats terroristes contre la France prouvent qu’il ne s’agit pas d’une menace théorique, mais d’une menace qui exige une action. L’Armée de l’air française sait que le maintien de la stabilité au Moyen-Orient et en Afrique et la lutte contre les organisations terroristes et les régimes terroristes sont essentiels à une stabilité et une prospérité durables, pour la France et pour toute l’Europe. Dans un monde où de telles menaces sont monnaie courante, il est vital que nous protégions, approfondissions et élargissions notre coopération militaire dans les airs, sur terre, en mer et entre nos services de renseignement », a-t-il conclu.
Le commandant des forces aériennes israéliennes, le général de division Amikam Norkin, a remercié son homologue français de son hospitalité et a déclaré : « il y a une soixantaine d’années, nous avons signé le premier accord de coopération entre nos deux armées de l’air, et depuis, nous veillons à transmettre la tradition de ces liens particuliers à tous nos pilotes. Tout récemment, l’ambassadeur de France en Israël était l’invité d’honneur de l’exercice ‘Pavillon bleu’ que nous avons organisé. Nous partageons des valeurs communes et faisons face aux mêmes menaces. Je n’ai aucun doute qu’à l’avenir, la coopération entre nous se poursuivra et se développera, au bénéfice de nos deux pays. »
Le général Philippe Lavigne a déclaré au président : « Je crois que la coopération entre les pays et entre les forces aériennes est la clé de la paix. Nous nous efforçons d’utiliser au mieux les ressources à notre disposition pour améliorer nos capacités. La coopération entre nos deux pays joue un rôle important dans la constitution de nos forces. Au nom de l’armée de l’air française, je suis ravi d’avoir l’occasion de vous souhaiter la bienvenue ici et de vous remercier pour cette visite importante . »
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