Hospitalisé, un kibboutznik blessé raconte comment sa communauté a repoussé le Hamas
Membre de l'équipe de la défense civile, Nadav évoque la lutte éprouvante contre les terroristes, l'angoisse de son épouse et la longue convalescence qui l'attend

Résident de longue date du kibboutz Magen, Nadav (son nom de famille est tenu secret) à l’habitude d’entendre les sirènes et explosions qui suivent les tirs de roquettes depuis Gaza. Mais à 6 h 30 du matin, le 7 octobre, il sent que quelque chose n’est pas comme d’habitude. Un nombre bien plus élevé de roquettes a été lancé depuis la bande de Gaza, à quatre kilomètres et demi de là.
Alors que les sirènes retentissent dans ce kibboutz peuplé de 350 habitants, celui qui est aussi enseignant à l’école primaire et ses proches se rendent dans leur pièce sécurisée. Il est alors bien loin de se douter qu’il luttera bientôt pied à pied avec des terroristes du Hamas, confie-t-il au Times of Israël depuis son lit d’hôpital au centre hospitalier Sheba, près de Tel Aviv.
Nadav explique être sorti de cette confrontation avec ses agresseurs avec une blessure au bras droit et devra faire de la rééducation. Fort heureusement, sa femme et ses trois enfants, âgés de 8, 11 et 12 ans, sont restés en sécurité dans leur pièce sécurisée. Ils ont dû attendre deux jours avant d’être évacués du kibboutz, le temps de le débarrasser de tous les terroristes.
« Les terroristes sont arrivés en uniforme, armés jusqu’aux dents et bien équipés. Ils avaient tout de militaires », explique Nadav.
Le Times of Israël a eu l’occasion de s’entretenir avec Nadav depuis le service d’orthopédie du centre hospitalier Sheba. Il revient sur ce qui s’est passé, ce samedi matin, lorsque plus de 1 500 terroristes ont pénétré en territoire israélien et ont mené une attaque dévastatrice sur plus de 20 villes et communautés rurales.
Selon les dernières informations, plus de 1 400 Israéliens ont été tués et 3 715, blessés, le 7 octobre et dans les jours qui ont suivi. On estime à 199 le nombre de ressortissants israéliens pris en otage par le Hamas et aujourd’hui détenus à Gaza.
Contrairement à beaucoup d’autres communautés, à Magen, l’équipe de défense civile a réussi à repousser les terroristes du Hamas, entrés après avoir fait sauter la clôture d’enceinte du kibboutz. Un membre du kibboutz, Avi Fleischer, a été tué. Tous les autres ont survécu.
« Je suis bénévole de l’équipe de défense civile de notre kibboutz et j’ai reçu un message me demandant de prendre mon équipement. Quand j’ai retrouvé les autres membres de l’équipe, on voyait déjà les silhouettes de terroristes à l’intérieur du kibboutz et il y avait des voitures et des motos à proximité », se souvient Nadav.
Il se souvient s’être dit que c’était peut-être des soldats de Tsahal venus à la rescousse. Il les appelle.
« Ils n’ont pas répondu, ils ont ouvert le feu ».
Les terroristes se trouvaient déjà à l’intérieur du kibboutz, peut-être à 20-30 mètres de la clôture. Les membres de l’équipe de défense civile se dispersent face aux assaillants et une fusillade éclate.
« C’est alors que le coordinateur de sécurité du kibboutz est arrivé à bord de son véhicule, depuis les hauteurs. Sa voiture a été touchée par un missile antichar. Il a réussi à reculer jusqu’à un terrain en contrebas, près de moi, ouvrir la portière et sortir en criant qu’il était blessé », explique Nadav.
« J’ai vu qu’il avait un trou dans la jambe et j’ai essayé de l’emmener en lieu sûr, mais la voiture a de nouveau été touchée par un projectile. Une fois que les choses se sont un peu calmées, j’ai pu le traîner derrière l’une des roues de la voiture ».

Nadav se met à l’abri, à proximité, et continue le combat. À un moment, il se rend compte qu’il ne peut plus se servir de son arme : sa main ne répond plus aux ordres du cerveau. C’est alors qu’il s’aperçoit que son bras a été projeté derrière son épaule. Il le remet en place, le pose sur son arme, mais il n’est plus en état de tirer.
« Je me suis mis à l’abri et me suis traîné jusqu’à la terrasse d’une maison voisine. Je me suis caché sous le linge mis à sécher. Un autre membre de l’équipe de défense civile, qui avait vu ce qui s’était passé, est venu à ma rencontre et m’a fait un garrot au bras, avant de retourner se battre », raconte Nadav.
« Des membres de l’équipe venaient me demander des chargeurs parce qu’ils n’avaient plus de balles. Je leur ai demandé de m’en laisser un et d’armer mon fusil pour que je puisse me défendre ».
Au bout d’une heure, le personnel médical du kibboutz se porte à sa hauteur. Avec trois autres blessés, il est convoyé à Revivim, kibboutz situé à une demi-heure au sud de Beer Sheva. Ils empruntent le chemin le plus long et le moins direct de façon à éviter de tomber sur d’autres terroristes.
« Heureusement, nous n’en avons pas rencontré, mais nous avons vu des cadavres le long de la route ».
Nadav est ensuite évacué de Revivim en ambulance vers le centre hospitalier Soroka de Beer Sheva, puis vers celui de Sheba, le plus grand hôpital d’Israël, avec près de 2 000 lits et 10 400 employés. Selon un porte-parole de Sheba, l’hôpital a pris en charge 265 blessés depuis le début de la guerre.

Ce n’est que le samedi soir que Nadav a finalement pu joindre sa femme pour la rassurer. Elle n’avait aucune idée de son état de santé : elle savait seulement que deux personnes de Magen avaient été blessées et qu’une troisième avait été tuée.
Nadav avait essayé de joindre sa femme alors qu’il se cachait, pendant la bataille contre les terroristes, mais son téléphone ne fonctionnait pas.
« On aurait dit qu’il avait été touché par une balle ou un éclat d’obus. Il a sans doute sauvé mon testicule droit ».
Ce n’est que lorsqu’il a repris conscience à Soroka et qu’il a pu dire au personnel qui il était qu’ils ont pu le mettre en contact avec son épouse.
Une semaine et un jour après cette matinée fatale, Nadav se dit heureux qu’un journaliste lui rende visite dans sa chambre d’hôpital. Il a l’air fatigué après l’intervention destinée à réduire les quatre fractures ouvertes entre son épaule et son coude causées par des éclats d’obus provenant d’une roquette.
Il sait qu’il va devoir être opéré une nouvelle fois, dans les prochains jours, pour refermer sa blessure et qu’il lui faudra travailler dur pour retrouver les sensations et la pleine mobilité de son bras, car un des principaux nerfs a été endommagé. Fort heureusement pour lui, les principaux vaisseaux sanguins sont intacts.
Dana Shira Garai, musicothérapeute, se trouve également au chevet de Nadav. Elle lui joue des airs de guitare et chante des chansons comme « Am Yisrael Chai » (Le peuple d’Israël est vivant).
Parfois, elle sort un bol tibétain qu’elle frappe doucement, encore et encore, tout en chantant et parlant doucement à Nadav qui, allongé, les yeux fermés, tente de se détendre.
« Vous avez vécu une expérience très dure, mais vous allez bien. Vous avez sauvé des vies, maintenant vous pouvez vous reposer et prendre le temps de la guérison », lui dit Garai, en parfaite harmonie avec le son qui s’échappe du bol.