Hymne anti-viol : la police turque disperse violemment une manifestation
Depuis ses débuts au Chili le mois dernier, "Un violeur sur ton chemin" est devenu un hymne féministe, repris dans toute l'Amérique latine, puis en Espagne, en France et en Inde
La police turque aurait arrêté dimanche six manifestants et a violemment dispersé une manifestation à Istanbul, au cours de laquelle des centaines de femmes se sont rassemblées pour interpréter une chanson chilienne contre le viol, devenue un hymne féministe international.
Le rassemblement a eu lieu dans le quartier de Kadikoy, du côté asiatique de la ville, où 300 femmes sont venues mettre en scène « Un violeur sur ton chemin » (Un violador en tu camino), dont la première représentation a eu lieu fin novembre à Santiago du Chili, en pleines protestations anti-gouvernementales contre les inégalités sociales croissantes dans le pays d’Amérique du Sud.
Le chant impute à la police et au système judiciaire la responsabilité de la violence systématique à l’égard des femmes et a rapidement pris une tournure virale en Amérique latine, ainsi qu’en Espagne, en France, en Inde et en Turquie.
La police turque considère les paroles de la chanson de protestation inacceptables, selon le site d’information argentin Infobae, et a confisqué le mégaphone des manifestants lorsqu’ils ont voulu répéter l’hymne dans sa version originale espagnole après avoir terminé une version turque.
Dans la vidéo de la scène, on pouvait voir la police en tenue anti-émeute brandir des boucliers affronter les femmes.
Unfortunately, women’s protest in solidarity of #LasTesis ended up with police breaking up gathering; Violence against women in Turkey has recently been hitting headlines, yet protests against violence usually deemed illegal—women refuse to be silenced. pic.twitter.com/iRqNTqLuul
— Louis Fishman لوي فيشمان לואי פישמן (@Istanbultelaviv) December 8, 2019
La police a arrêté six femmes, selon Infobae.
« Nous ne pouvions pas faire LasTesis [l’hymne] en espagnol. C’est une honte. Nous sommes venus crier contre la violence du patriarcat, et [la police] nous a attaquées », a déclaré une manifestante, selon le quotidien mexicain Publimetro.
#LasTesis İstanbul@eemreorman pic.twitter.com/svZbcP5WIv
— taz.gazete (@taz_gazete) December 8, 2019
La chanson « Un violador en tu camino », écrite par le collectif féministe chilien LasTesis, traite de la violation systématique des droits des femmes dans les institutions, y compris la police et les systèmes judiciaire et politique.
« Le patriarcat est juge/ Qui nous juge pour être nées/ Et notre punition/ La violence que vous voyez/ C’est féminin/ L’impunité pour les meurtriers/ C’est la disparition/ C’est le viol », disent les paroles, visant à dénoncer la double victimisation dont les femmes font l’objet, d’une part par leurs violeurs, et d’autre part par l’inaction des institutions.
Dans la chorégraphie, les chanteuses s’accroupissent pour simuler une arrestation par la police. Elles portent aussi des bandeaux noirs sur les yeux.
Chilean women's performance of #UnVioladorEnTuCamino (A Rapist in your Path) has been repeated in Mexico City, Buenos Aires, Madrid, Barcelona Amsterdam and elsewhere.
The chant denounces gender-based violence, impunity and widespread sexual assault by #Chile security forces. pic.twitter.com/WO6wk6KzpW
— Alborada (@alboradanet) December 1, 2019
L’hymne se termine par : « Le violeur, c’est vous, les flics, les juges, l’État, le président. L’État oppresseur est un violeur macho. »
« Un violador en tu camino » est basé sur le travail de l’anthropologue argentine Rita Segato, qui affirme que la violence sexuelle est un crime politique et non un crime moral.
Selon un rapport de recherche des Nations unies de 2014, 4 femmes sur 10 en Turquie sont exposées à la violence physique ou sexuelle et seule 1 femme sur 10 exposées à la violence sollicite l’aide d’une institution.