Il y a 1 800 ans, les sages interdisaient de boire à cette gargouille « idolâtre »
Soucieux d'empêcher la vénération des idoles, les rabbins talmudiques auraient désapprouvé cette gargouille de lion humanisée et découverte dans le parc national de Tzippori
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Una gargouille vieille de 1 800 ans a été récemment découverte par hasard dans le parc national Tzippori, situé dans le nord d’Israël, selon un communiqué qui a été émis lundi par l’Autorité israélienne de la nature et de parc. Cette tête de lion humanisée incarne exactement le type de source d’eau « idolâtre » contre lequel le Talmud de Babylone mettait en garde dans le traité Avodah Zarah.
La gargouille en 3D mesure 15 centimètres sur 12,5 centimètres. Sa bouche ouverte permet d’introduire un tuyau de deux centimètres de diamètre, d’où l’eau devait s’écouler dans une fontaine potable ou pour le bain. Elle est constituée de marbre – probablement importé de Turquie, selon l’Autorité des parcs. Des gargouilles similaires avaient été découvertes dans les parcs nationaux de Hamat Gader, Beit Shean et Césarée.
Ce type de gargouille décorée représente en général des têtes d’animaux ou des personnages issus de la mythologie. Elles ont été utilisées pendant toute l’époque hellénistique à travers l’ère romaine/le début de l’ère byzantine comme éléments architecturaux relativement communs et leur popularité a connu une recrudescence pendant la Renaissance, explique Iosi Bordowicz, le directeur de la section patrimoine au sein de l’Autorité de la nature et des parcs.
Cette nouvelle « tête à fontaine » a été récemment découverte près d’une ancienne maison de bains sur le site archéologique par David Goren, un habitant de Tzippori, qui l’a transmise à l’Autorité des parcs.

Dans une courte vidéo présentant sa découverte, Bordowicz fait référence au traité Avoda Zarah controversé du Talmud babylonien, qui interdit clairement de boire à partir de telles sources d’eau. « Concernant les personnages à tête humaine [partzufot] qui sont sources d’eau dans les villes, à savoir les fontaines, il est interdit de placer sa bouche sur la bouche de l’un de ces personnages et d’y boire de l’eau, parce qu’il apparaît qu’embrasser l’objet est une adoration idolâtre. De la même manière, il est interdit de placer sa bouche sur un tuyau et d’y boire, le danger résidant ici dans la pratique » (Avodah Zarah 12a, William Davidson Talmud via Sefaria)
Le traité talmudique est un commentaire de sagesse rabbinique – ou mishnayot – qui pourrait parfaitement avoir été écrit à Tzippori. Il traite du culte idolâtre et régule partiellement les comportements appropriés pour les Juifs lorsqu’ils côtoient des non-Juifs.
Parce qu’il semblait que les chrétiens pourraient entrer dans la catégorie des idolâtres, ce traité avait été expurgé dans l’histoire des éditions du Talmud produites en Europe.

Le site archéologique Tzippori, connu également sous son nom grec, Sepphoris, est plus connu pour sa célèbre mosaïque de « Mona Lisa en Galilée ». Cette ville de l’ouest de la Galilée avait été le foyer majeur d’une communauté mélangée et florissante où évoluaient païens, chrétiens et juifs du 4e siècle au 7e siècle de l’ère commune. L’important système hydraulique de l’implantation, à base d’aqueducs et de citernes, remonte aux 1er et 2e siècles et il aura été utilisé jusqu’aux 7e ou 8e siècles de l’ère commune.
Après la révolte des Juifs et la destruction du temple de Jérusalem, un grand nombre de sages étaient partis vers le nord et, au 3e siècle de l’ère commune, c’est là que s’était installé le rabbin Yehuda Hanasi, alias Juda le prince, lorsqu’il avait commencé à rassembler la Mishnah.
Cette gargouille anthropomorphique « interdite » va être donnée à l’Autorité israélienne des antiquités pour qu’elle soit étudiée et l’Autorité des parcs espère pouvoir la récupérer un jour pour l’exposer sur le site où elle a été trouvée, à Tzippori, à côté de douzaines de mosaïques et de structures bien conservées.
