Israël en guerre - Jour 365

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« Gifle » pour Israël, la guerre de 1973 a ramené le pays « à la lucidité »

Lorsque la guerre éclate le 6 octobre 1973, le lieutenant-colonel Avigdor Kahalani est, à 29 ans, chef du 77e bataillon de chars, qui vient d'être transféré sur le Golan

Avigdor Kahalani a pris la parole lors de la cérémonie de remise du prix Moskowitz pour le sionisme à Jérusalem, le 29 mai 2014. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Avigdor Kahalani a pris la parole lors de la cérémonie de remise du prix Moskowitz pour le sionisme à Jérusalem, le 29 mai 2014. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Héros en Israël pour son rôle sur le front syrien lors de la guerre israélo-arabe de 1973, Avigdor Kahalani estime cinquante ans après les faits que malgré les pertes humaines, ce conflit a eu « l’effet d’une gifle » bénéfique pour son pays.

Gravement brûlé lors des combats contre l’Egypte pendant la guerre israélo-arabe de juin 1967, par laquelle Israël conquiert le Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie et une partie du plateau du Golan, pris à la Syrie, cet officier d’active reprend du service après un an d’hôpital et de multiples opérations.

Lorsque la guerre éclate le 6 octobre 1973, le lieutenant-colonel Kahalani est, à 29 ans, chef du 77e bataillon de chars, qui vient d’être transféré sur le Golan.

Israël est à l’arrêt pour Yom Kippour, le Jour du Grand Pardon, un des points culminants du calendrier liturgique juif, et l’offensive conjointe de l’Egypte, au sud, et de la Syrie, au nord, prend le pays de court.

« Tout d’un coup, on comprend que c’est une guerre totale (…). En 24 heures, presque tout le plateau du Golan tombe (aux) mains » des Syriens, se souvient M. Kahalani dans un entretien accordé à l’AFP chez lui à Tel-Aviv.

« Le rapport des forces était à peu près de huit à dix chars (syriens) pour un char israélien. Leurs chars étaient meilleurs que les nôtres (…). Quelqu’un qui aurait regardé de l’extérieur aurait dit: ils n’ont aucune chance », ajoute-t-il.

Avigdor Kahalani (avec la barbe) et son équipage en 1973 (Crédit : Tsahal)

« Gagner »

Le 9 octobre, les forces israéliennes semblent sur le point de céder. L’armée syrienne menace directement le territoire israélien, mais va être coupée dans son élan par l’unité du colonel Kahalani et d’autres bataillons de la 7e brigade.

« J’ai dû mener l’attaque pour reconquérir les hauteurs d’où on pourrait les arrêter et, sur cette ligne, sont venus environ 160 chars et nous n’étions que dix ou douze chars », raconte l’ancien tankiste.

A l’issue d’une bataille acharnée, les Syriens battent en retraite. A lui seul, l’officier aurait mis hors de combat 45 chars sur quelque 150 détruits par son unité.

« Il y a un moment critique où tu as mobilisé presque tous les muscles de ton corps pendant quatre jours presque sans nourriture, sans dormir, tu n’as plus que quelques munitions dans ton char, tu mobilises (…) chaque pensée, pour être meilleur qu’eux et gagner », se souvient M. Kahalani, légende vivante en Israël, régulièrement invité pour s’adresser aux jeunes conscrits.

Avigdor Kahalani a fait « preuve d’une capacité de commandement remarquable et d’un héroïsme personnel dans une bataille difficile et compliquée, dont les résultats ont changé la donne de la campagne sur le plateau du Golan », indique la citation accompagnant la médaille de la Bravoure, plus haute distinction de l’armée israélienne, qui lui a été décernée en 1975.

« Vaches sacrées »

Après la débâcle initiale, Israël, soutenu par un intense pont aérien américain, finit par redresser la situation jusqu’à la conclusion d’un cessez-le-feu validé par l’ONU le 25 octobre.

Malgré l’ampleur des pertes humaines côté israélien (plus de 2.600 morts en trois semaines de combat, pour au moins 9.500 morts et disparus côté arabe), M. Kahalani, qui a perdu un de ses frères dans ce conflit, estime que la guerre a été « saine pour le peuple d’Israël ».

« Ca a fait l’effet d’une gifle qui nous a un peu ramené à la lucidité », après l’euphorie de la victoire éclair de 1967, dit-il.

« Si nous avions mobilisé les réservistes deux jours plus tôt, il est probable qu’il n’y aurait pas eu de guerre (…) mais ils (les membres du gouvernement de Golda Meïr) ont hésité (…) et même quand il y a eu des signes clairs qu’il allait y avoir la guerre, ils ont continué à être dans le déni », estime M. Kahalani.

Selon lui, « tout a changé après la guerre du Kippour »: tout « d’un coup, il n’y avait plus de vaches sacrées ».

Avigdor Kahalani (à droite) et son équipage photo des années plus tard, sur un char syrien (Crédit : IDF)

« Heure de vérité »

A l’issue de la guerre, une commission créée pour enquêter sur l’état de préparation militaire du pays et l’action de l’armée après le déclenchement du conflit, conduit à la démission du chef des renseignements militaires israéliens, Eli Zeira, et du chef d’état-major, David Elazar, en 1974. Golda Meïr, bien qu’elle ne soit pas directement mise en cause par la commission, finit elle aussi par démissionner de son poste de Première ministre la même année.

Après sa carrière militaire, M. Kahalani est élu député pour le Parti travailliste en 1992, avant de créer un parti centriste et de devenir ministre de la Sécurité intérieure dans le premier gouvernement de Benjamin Netanyahu (1996-1999).

Selon lui, la guerre de 1973 a été le déclencheur qui a poussé Israël à développer « des armes beaucoup plus modernes, comme (le système de défense antimissile) Dôme de fer » et à atteindre l’avantage technologique militaire dont il bénéficie aujourd’hui.

Mais surtout, estime M. Kahalani, le conflit a constitué « un avertissement » sur le « danger existentiel » qui pèse encore, selon lui, sur Israël, et incarné en 2023 par « l’Iran ».

La République islamique, dont des responsables appellent régulièrement à la « destruction du régime sioniste », est accusée par Israël de chercher à se doter de l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément.

« L’heure de vérité (…) viendra, je ne me fais pas d’illusion » et « j’espère que le moment venu, il y aura des dirigeants courageux en Israël », dit M. Kahalani en faisant allusion à une éventuelle action militaire israélienne contre l’Iran, comme en a encore menacé M. Netanyahu le 22 septembre à la tribune de l’ONU.

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