Iran : le « snapback » des sanctions à l’ONU, mode d’emploi
Le "snapback" est un mécanisme visant à imposer au Conseil de sécurité de l'ONU de rétablir les sanctions internationales contre l'Iran

Le « snapback », un mécanisme visant à imposer au Conseil de sécurité de l’ONU de rétablir les sanctions internationales contre l’Iran, est une procédure inédite dont les Etats-Unis de Donald Trump entendent faire un usage juridiquement controversé.
L’accord de 2015
Après de longues négociations, les membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni) ainsi que l’Allemagne ont conclu en 2015 un accord avec l’Iran: en échange de l’engagement iranien à ne pas mener d’activités nucléaires à des fins militaires, les sanctions contre Téhéran avaient été levées.
L’accord de Vienne avait été entériné par la résolution 2231 du Conseil de sécurité.
La clause du « snapback »
A l’époque, l’administration américaine du démocrate Barack Obama s’était vantée d’avoir obtenu une clause « unique » lui permettant, en cas de triche iranienne, de ré-imposer — « snapback » en anglais — toutes les sanctions sans craindre un veto d’un autre Etat.

Selon la résolution 2231, tout « Etat participant » à l’accord de Vienne peut saisir le Conseil de sécurité d’une plainte sur le « non-respect notable d’engagements d’un autre participant ». Dans les 30 jours suivant cette « notification », le Conseil doit se prononcer par un vote sur un projet de résolution qui vise officiellement à confirmer la levée des sanctions: si l’Etat plaignant veut au contraire les rétablir, il peut opposer son veto à cette résolution, ce qui rend le « snapback » automatique.
Etat « participant »?
A la complexité procédurale de ce veto inversé s’ajoute aujourd’hui un débat juridique.
Le président Trump a en effet retiré en 2018 les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien.

Or, pour activer le « snapback » dès jeudi, Washington invoque justement le statut de « participant » à ce même texte qu’il a quitté avec fracas, au motif que la résolution 2231 qui le lui a octroyé est toujours en vigueur telle quelle.
Que va-t-il se passer?
Le président en exercice du Conseil de sécurité — l’ambassadeur indonésien ce mois-ci — devrait « consulter discrètement les pays membres » pour s’avoir « s’ils pensent que les Etats-Unis ont le droit d’activer le processus de snapback », explique Richard Gowan, de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group.
Et la réponse ne fait guère de doute: une grande majorité de pays, y compris les alliés européens de Washington, devraient dire « non ». Le président pourrait donc décider rapidement de classer sans suite la plainte américaine, prédit cet expert.

C’est là que les Etats-Unis pourraient tenter une manoeuvre encore plus baroque, en déposant eux-mêmes un projet de résolution en faveur du maintien de la levée des sanctions — l’inverse de ce qu’ils réclament — pour ensuite opposer leur veto à leur propre texte.
« Le plus probable, c’est que la dernière semaine de septembre, les Etats-Unis revendiqueront le succès du snapback », estime Richard Gowan. « Il y aura deux univers parallèles, un univers américain où les sanctions contre l’Iran auront été totalement rétablies et puis un univers avec la plupart des autres membres du Conseil » où « rien de tel n’aura eu lieu ».