Iran : Paris, Berlin et Londres veulent continuer à appliquer l’accord
Les trois pays européens ont également fait le vœu de négocier un nouvel accord

La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni se sont dits mardi « déterminés » à continuer à appliquer l’accord nucléaire iranien, dont les Etats-Unis viennent de se retirer, tout en travaillant à en négocier un nouveau, plus large, ont annoncé les trois pays.
« Nous resterons parties au JCPOA » (acronyme de l’accord, NDLR) déclarent dans ce communiqué commun Emmanuel Macron, Theresa May et Angela Merkel. « Nos gouvernements restent déterminés à assurer la mise en œuvre de l’accord et travailleront à cet effet avec les autres parties qui resteront engagées », disent-ils, en « maintenant les bénéfices économiques » au profit de la population iranienne.
« Nous exhortons les Etats-Unis à faire en sorte que les structures du JCPOA soient gardées intactes et à éviter toute mesure qui empêcherait sa pleine mise en œuvre par les autres parties », insistent les trois pays européens, alors que Donald Trump a laissé entendre que les Etats-Unis sanctionneraient désormais tout pays commerçant avec l’Iran.
Les trois dirigeants expriment aussi « regret et préoccupation » après la décision de Donald Trump de se retirer d’un accord qui « revêt une importance particulière pour notre sécurité partagée », estiment-ils.
« Nous appelons toutes les parties à continuer de souscrire à sa pleine mise en œuvre », poursuivent-ils, rappelant que l’Agence internationale de l’énergie atomique estime que l’Iran continue de se conformer à ses engagements de ne pas préparer l’arme atomique, ce que contestent les Etats-Unis et Israël.

Ils appellent enfin l’Iran à « faire preuve de retenue dans sa réponse à la décision américaine » et à « continuer à respecter ses obligations », en retour le pays continuera de bénéficier de la levée des sanctions économiques des autres signataires, proposent-ils.
Londres, Paris et Berlin souhaitent aussi préparer un nouvel accord, plus large, portant sur le programme nucléaire de l’Iran après 2025, son programme balistique et « ses activités régionales déstabilisatrices, en particulier en Syrie, en Irak et au Yémen », autant de sujets qui ont motivé le retrait des Etats-Unis.
La Turquie, acteur clé du Proche-Orient, a elle affirmé que la décision de Trump risquait d’ouvrir la voie à de « nouveaux conflits ».
« Le retrait unilatéral des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire est une décision qui va causer de l’instabilité et de nouveaux conflits », a déclaré sur Twitter le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin.
La Syrie a elle aussi « condamné avec force » l’annonce du retrait des Etats-Unis, affirmant sa « totale solidarité » avec son allié de Téhéran et sa confiance dans la capacité de l’Iran à surmonter l’impact de la « position agressive » de Washington.
Damas « condamne avec force la décision du président américain sur le retrait de l’accord nucléaire avec l’Iran, qui montre une nouvelle fois que les Etats-Unis ne respectent pas leurs engagements et les accords internationaux », a indiqué une source officielle des Affaires étrangères syriennes citée par l’agence officielle Sana.
La Russie a réagi en s’affirmant « profondément déçue ». Son ministère des Affaires étrangères a également dénoncé « une violation grossière du droit international ». « Nous sommes extrêmement inquiets que les Etats-Unis agissent contre l’avis de la plupart des Etats (…) en violant grossièrement les normes du droit international », affirmait le communiqué.
L’UE s’est elle aussi dit « déterminée à préserver » l’accord nucléaire et « regrette » la décision du président américain Donald Trump, a déclaré mardi soir à Rome la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini.

Le Plan d’action conjoint « répond à son objectif qui est de garantir que l’Iran ne développe pas des armes nucléaires, l’Union européenne est déterminée à le préserver », a estimé Mme Mogherini, lors d’une brève déclaration à la représentation de la Commission européenne à Rome.
« Ne laissez personne démanteler cet accord. C’est l’une des plus belles réussites jamais réalisées de la diplomatie, et nous l’avons construite ensemble », a-t-elle exhorté, en s’adressant aux dirigeants et citoyens iraniens.
« Restez fidèles à vos engagements et nous resterons fidèles aux nôtres. Et ensemble, avec le reste de la communauté internationale, nous préserverons cet accord nucléaire », a insisté l’Italienne.
En outre, la haute-représentante de l’UE pour les Affaires étrangères s’est dite « particulièrement inquiète » de l’annonce de nouvelles sanctions américaines contre Téhéran par le président Trump.
« La levée des sanctions liées au nucléaire est une part essentielle de l’accord. L’UE a souligné maintes fois que la levée de ces sanctions a eu un impact positif sur les relations commerciales et économiques avec l’Iran, y compris en apportant des bénéfices cruciaux au peuple iranien », a plaidé Mme Mogherini.
« L’UE est déterminée à agir conformément à ses intérêts sécuritaires et à protéger ses investissements économiques », a répondu la cheffe de la diplomatie européenne.
L’UE a participé à la conclusion du Plan d’action conjoint signé à Vienne en juillet 2015 après des années d’âpres négociations entre l’Iran et le groupe 5+1 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie). Aux termes de l’accord, Téhéran a accepté de geler son programme nucléaire jusqu’en 2025.
« Aussi longtemps que l’Iran continue à appliquer ses engagements liés au nucléaire, comme il le fait jusqu’à présent, l’Union européenne restera engagée à la poursuite de la mise en oeuvre complète et effective de l’accord nucléaire », a assuré la haute-représentante.

Dans un tweet, le président du Conseil européen (représentant les 28 Etats membres), Donald Tusk, a promis une « approche européenne unie » et précisé que les dirigeants européens aborderaient la crise nucléaire iranienne mais aussi la guerre commerciale qui menace avec les Etats-Unis lors de leur sommet la semaine prochaine à Sofia.
En annonçant le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire iranien, M. Trump a promis également le rétablissement des sanctions contre Téhéran qui avaient été levées en contrepartie de l’engagement pris par l’Iran de ne pas se doter de l’arme nucléaire. « Tout pays qui aidera l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les Etats-Unis », a prévenu le président.
Le rétablissement de ces sanctions liées au programme nucléaire iranien serait effectif « immédiatement » pour les nouveaux contrats, a affirmé mardi le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, précisant que les entreprises déjà engagées en Iran auraient, elles, quelques mois pour en « sortir ».
Le Trésor américain a fait savoir que les sanctions concernant les anciens contrats conclus en Iran entreraient en vigueur après une période de transition de 90 à 180 jours, quelques minutes après l’annonce par le président Donald Trump du retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire signé entre Téhéran et les grandes puissances en 2015.
« Il est absolument possible que des sanctions supplémentaires puissent suivre, si nous avons de nouvelles informations », a précisé John Bolton. « Nous voulons mettre le plus de pression économique possible sur l’Iran et leur dénier l’accès aux revenus qu’ils auraient eu » sans retrait américain, a ajouté le conseiller à la sécurité nationale du président Trump.
Concrètement, « la décision signée aujourd’hui par le président rétablit immédiatement les sanctions qui existaient à l’époque de l’accord », a-t-il expliqué à la presse après l’annonce de Donald Trump. « Aucun nouveau contrat n’est autorisé. »
Pour les contrats déjà en cours, et notamment pour les entreprises étrangères, souvent européennes, qui ont investi en Iran, la période de transition, de trois à six mois, « est une manière de donner aux sociétés l’occasion de sortir » du pays, a-t-il ajouté. « Par exemple dans le cas d’achats de pétrole iranien, si c’est un contrat avec des dispositions de long terme », « ils ont six mois, trois mois, ou une autre période entre les deux pour se retirer avant l’entrée en vigueur des sanctions », a détaillé l’ambassadeur Bolton.
Prié de dire s’il s’agissait d’un délai pour poursuivre les négociations diplomatiques sur l’accord de 2015, il a répondu sèchement : « Nous sommes sortis de l’accord, nous sommes sortis. »
En revanche, a-t-il assuré, Donald Trump « est prêt à envisager des discussions sur une solution beaucoup plus large » s’attaquant « à l’attitude néfaste de l’Iran », « nous avons déjà eu des discussions avec nos alliés et on continuera dès demain matin ».

L’ancien président américain Barack Obama a qualifié mardi de « grave erreur » la décision de Donald Trump, jugeant que l’accord « fonctionne » et est dans l’intérêt de Washington.
« Je pense que la décision de mettre le JCPOA en danger sans aucune violation de l’accord de la part des Iraniens est une grave erreur », a indiqué l’ex-président américain, très discret depuis son départ de la Maison Blanche, dans un communiqué au ton particulièrement ferme.
De son côté, Téhéran a déclaré mardi soir vouloir discuter rapidement avec les Européens, les Chinois et les Russes pour voir si ces derniers peuvent garantir les intérêts de l’Iran après le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien.