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Interview'Désespérer du genre humain ne veut rien dire pour moi'

« Irréductible de la vérité », Claude Lanzmann tient bon après le décès de son fils

L'écrivain et cinéaste, de retour de Corée du Nord, aborde le cancer de son fils, l'antisémitisme et l'anti-sionisme - et un peu de lâcheté

Couverture de Claude Lanzmann : Un voyant dans le siècle (Crédit : capture d'écran Gallimard)
Couverture de Claude Lanzmann : Un voyant dans le siècle (Crédit : capture d'écran Gallimard)

« Je crois profondément à la vérité », affirme Claude Lanzmann, 91 ans, l’homme de « Shoah » qui, anéanti par la récente disparition de son fils Felix, « emporté à 23 ans par un cancer impitoyable », entend continuer à se battre et à témoigner.

« Bien sûr que je vais continuer à écrire, pourquoi devrais-je arrêter ? », s’insurge l’homme aux mains de bûcheron et aux yeux noyés de chagrin.

« Désespérer du genre humain ne veut rien dire pour moi. Si je pense aux mille personnes qui étaient là pour l’enterrement de mon fils, il n’y a pas à désespérer. »

« C’étaient des gens touchés profondément dans leur être, dans leur cœur. Il y avait une communion entre tous, une convergence, une confluence. Ils étaient réunis pour et par mon fils et découvraient ce qu’il y a de terrible dans la condition humaine », explique de sa voix rocailleuse l’auteur du Lièvre de Patagonie.

« La mort ne va pas de soi. Moi, je ne suis pas du tout pour la mort. Je crois toujours à la vie. J’aime la vie à la folie même si elle n’est pas le plus souvent marrante. »

Claude Lanzmann (Crédit: Festival International du film à Haïfa)
Claude Lanzmann (Crédit: Festival International du film à Haïfa)

Rencontré par l’AFP, chez lui à Paris, l’écrivain et cinéaste demeure un résistant. « Si je suis irréductible, c’est par rapport à la vérité. Quand je regarde ce que j’ai fait au cours de ma vie, je crois que j’ai incarné la vérité. Je n’ai pas joué avec ça », dit-il.

Claude Lanzmann raconte dans son autobiographie comment, enfant, au lycée Condorcet à Paris, il ne prit pas la défense, « par lâcheté », d’ « un grand rouquin » nommé Lévy et souffre-douleur d’élèves antisémites.

Pourquoi évoquer cet épisode peu glorieux ? « Parce que c’est la vérité. Si je ne l’avais pas dit, cela aurait falsifié tout le reste. »

Corée du Nord

Aujourd’hui « l’antisémitisme est dans l’air du temps », constate l’écrivain avant d’ajouter aussitôt : « Ça ne m’inquiète pas. »

« Dans un pays comme la France avec de grandes et fortes institutions, un gouvernement qui est tout sauf antisémite, je pense que les Français jouent à se faire peur en période d’élections. » « Je ne crois pas du tout que le Front national a une chance de gagner l’élection présidentielle », dit-il.

L’auteur de Pourquoi Israël dénonce avec force « l’antisionisme » qui est « un des masques de l’antisémitisme ».

« Être anti-sioniste, c’est ne pas vouloir que Sion existe, c’est ne pas vouloir que les Juifs qui vivent là-bas existent, c’est souhaiter leur mort. »

Un livre hommage, Claude Lanzmann, un voyant dans le siècle, publié chez Gallimard, rend compte de son extraordinaire parcours.

Une vingtaine de personnalités dont les cinéastes Arnaud Desplechin et Luc Dardenne, le philosophe Patrice Maniglier, l’Académicien Marc Lambron, les écrivains Boualem Sansal ou Philippe Sollers témoignent de leur attachement à l’ami de Jean-Paul Sartre et d’Albert Cohen, amant de Simone de Beauvoir, résistant face aux nazis dans les maquis d’Auvergne à 18 ans et réalisateur, entre autre, de « Shoah », film qui demeure, 32 ans après sa sortie, la référence sur l’extermination des Juifs d’Europe durant la Seconde Guerre mondiale.

Un survivant de la Shoah montre son bras tatoué par les nazis. Illustration. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Un survivant de la Shoah montre son bras tatoué par les nazis. Illustration. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Avant Lanzmann, personne ou presque ne connaissait la signification et encore moins l’existence du mot même « Shoah ». « Le nom que j’ai donné au film est devenu complètement éponyme, il est devenu le nom de la chose et c’est très bien », dit le vieil homme, assis derrière son bureau, dans une pièce aux murs tapissés de livres et de photos qui pourraient avoir leur place dans des livres d’Histoire.

Pour l’heure, Claude Lanzmann revient de Corée du Nord, pays sans doute le plus fermé du monde. Il s’y est rendu quatre fois depuis 1958. Il ramène avec lui un film « important et beau » intitulé « Napalm » qu’il espère voir présenter au prochain Festival de Cannes.

Le film fera discuter ce qui n’est pas pour déplaire au vieux lutteur. « La Corée du Nord n’est pas l’axe du mal selon George W. Bush », soutient le réalisateur. « Quand on comprend ce qu’a été la guerre de Corée, on est agréablement surpris de voir où ils en sont maintenant. »

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