Israel Chemicals doit payer ses impôts sous peine de représailles
Eytan Sheshinski, spécialiste des ressources naturelles, estime que le géant multinational doit régler sa dette fiscale avant renouvellement de son contrat à la mer Morte
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Un éminent universitaire qui a dirigé, dans le passé, des commissions gouvernementales travaillant sur la taxation des entreprises qui exploitent les ressources naturelles du pays a indiqué mercredi que le groupe Israel Chemicals Ltd, qui a obtenu la franchise concernant Dead Sea Works, devait être placé dans l’obligation de régler ses dettes à l’Etat – elles s’élèveraient, selon les estimations, à des centaines de millions de shekels – sous peine d’être exclu lorsque la franchise devra être renouvelée, en 2030.
Israel Chemicals Ltd. (ICL) est actuellement en conflit avec l’Autorité fiscale sur des déductions de taxes liées à une somme de 500 millions de shekels qui, selon cette dernière, aurait dû être versée sur un fonds souverain.
ICL est contrôlé par Israel Corporation qui appartient à la famille Ofer et qui est la plus importante firme de holding du pays. La compagnie fabrique des fertilisants, des métaux et autres produits chimiques dérivés du bromure, du phosphate, du magnésium et de la potasse prélevés dans la mer Morte ou extraits dans le désert du Negev.
L’indice d’Impact environnemental qui a été publié jeudi dernier par le ministère de la Protection environnementale a révélé que cinq usines d’Israel Corporation figuraient au Top 6 des usines polluantes dans le pays. La Dead Sea Works s’est classée, pour sa part, à la cinquième place.
Les autres appartiennent à une catégorie différente des usines d’Israel Corporation impliquées dans les industries pétrolières et leurs produits associés.
Le professeur Eytan Sheshinski avait été à la tête d’une commission sur l’imposition du gaz naturel en 2010 et, en 2014, d’une commission sur la taxation de toutes les ressources naturelles.
Deux lois avaient été ensuite adoptées, connues sous les noms de Sheshinski 1 et 2.
Mercredi, le professeur a vivement recommandé aux membres d’une commission spéciale de la Knesset chargée d’un fonds souverain – qui a été créé pour collecter certains des impôts – de s’assurer que la nouvelle franchise comprendra une condition spécifiant que tous ceux qui répondront à l’appel d’offres auront les « mains propres » – donc sans affaire irrésolue en lien avec l’Etat.
Le chef de la Commission Avi Dichter (Likud) a indiqué que les législateurs avaient d’ores et déjà demandé un débat à la Knesset sur la question de la dette d’ICL.

En 2014, la loi sur le Fonds des citoyens israéliens avait été adoptée, mettant en place le cadre nécessaire à la création d’un fonds souverain dont l’objectif était de garantir que tous les Israéliens – et pas seulement les investisseurs – récolteraient les bénéfices de la manne représentée par le gaz naturel au sein de l’Etat juif, en plus d’impôts et autres redevances imposés aux entreprises, dont environ 12 milliards de shekels ont été payés à ce jour.
La loi avait été ensuite amendée pour ajouter des taxes sur les bénéfices issus des ressources naturelles et notamment des mines.
La Loi sur la taxation des bénéfices pétroliers, qui avait été adoptée trois ans plus tôt, avait exempté le champ gazier de Tamar – le tout premier champ gazier majeur découvert en Israël – du paiement d’impôts en direction du fonds souverain avant que l’entreprise en charge de son exploitation ne récolte deux fois la somme investie par ses soins du premier jour de l’exploitation (la partie présentant le plus de risques) jusqu’au début de la production commerciale, lui accordant un délai de quatre ans pour le faire.
Une période de grâce supplémentaire avait été accordée à l’exploitant via un calcul compliqué.

Mercredi, au cours de la troisième d’une série de réunions consacrées au fonds souverain, Sheshinksy a indiqué que les propriétaires de Tamar – et en particulier Isramco de Kobi Maimon, Delek Drilling (qui fait partie du Delek Group qui appartient à Yitzhak Tshuva) et Noble Energy, une compagnie texane, avaient déjà atteint le seuil à partir duquel ils devaient payer des impôts, ce qu’ils n’ont jamais fait jusqu’à présent.
Pour reporter le paiement de leurs taxes, les propriétaires de Tamar sont notamment parvenus à convaincre l’Etat d’effacer des investissements variés contre des taxes.
Sheshinski a révélé que l’un de ces investissements avait concerné des travaux de modernisation d’un pipeline qui, dans le passé, faisait transiter du gaz depuis l’Egypte vers Israël et qui a été rénové de manière à ce qu’il soit en mesure de transporter du gaz israélien vers la nation arabe dès le mois de janvier de cette année.

Concernant les exportations de gaz, Shesinski a indiqué avoir des doutes sur le plan du ministre de l’Energie, Yuval Steinitz, de faire construire le plus grand gazoduc sous-marin du monde pour approvisionner l’Europe via la Grèce et l’Italie, malgré le désir réel des pays européens de s’affranchir du gaz russe.
Dichter et Sheshinski ont dit soutenir un appel qui a été lancé par des professeurs de l’Académie des sciences et des sciences humaines israélienne en faveur de l’allocation d’une partie de l’argent issu des bénéfices liés au gaz naturel à la création d’une branche académique locale qui serait spécialisée dans les questions liées au gaz, au pétrole et à la haute mer.
Le professeur Zvi Ben-Abraham, qui appartient à cette académie, a indiqué qu’aucune infrastructure de recherche réunissant la communauté universitaire n’existait au moment de la découverte de Tamar et, qu’encore aujourd’hui, les études menées en haute-mer n’étaient conduites que par les entreprises en prospection, avec des experts amenés de l’étranger.
La semaine dernière, la commission avait été informée de ce que les prix en baisse du gaz naturel en Israël et dans le monde entier, l’incertitude autour de la capacité de l’Etat à exporter du gaz dans des pays au-delà de la Jordanie et de l’Egypte et les retards accumulés dans la législation faisaient partie des raisons expliquant pourquoi seulement un demi-milliard de shekels avaient été collectés de la part de l’industrie pour le fonds souverain.
Il y a plusieurs années, la Banque d’Israël avait prédit que le fonds, aujourd’hui, contiendrait déjà des milliards de shekels si le système de versement s’effectuait comme prévu.
Il faudrait un milliard de shekels pour que le fonds souverain commence à fonctionner. A ce jour, seulement 450 millions de shekels ont été collectés, et 75 % de cette somme avaient été payés, en 2013, par le champ gazier Mari-B Yam Tethys, qui a fermé ses portes en 2012. Le reste a été versé par l’ICL qui, en plus de Dead Sea Works, extrait aussi des phosphates dans le désert du Negev.

Le vice-gouverneur de la Banque d’Israël Andrew Abir a indiqué que l’Autorité fiscale s’attendait dorénavant à ce que le premier milliard de shekels soit payé d’ici la fin de l’année 2021. Mais il a averti que le pourcentage légalement autorisé de l’argent ne serait pas transmis au gouvernement avant la fin 2023, les compagnies bénéficiant d’une période de deux ans pour faire appel des impôts et des demandes de redevance.
Même si le seuil de fonctionnement du fonds souverain devait être rapidement franchi, il n’a pas même encore été créé. Une commission chargée du recrutement des personnels qui en seraient en charge, qui avait été établie n 2016, a été dissoute sans recommander de noms.