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Israël conseille à ses citoyens de « réfléchir » avant de se rendre en Russie

En pleine crise, les responsables israéliens appellent le président russe à faire preuve de clémence pour la jeune femme condamnée à 7 ans et demi de prison pour 10gr de cannabis

Naama Issachar et sa mère Yaffa dans une photo publiée sur Instagram, au mois de juillet 2018.
Naama Issachar et sa mère Yaffa dans une photo publiée sur Instagram, au mois de juillet 2018.

En pleine crise diplomatique avec Moscou, Israël appelle ses citoyens à « réfléchir à deux fois » avant de se rendre en Russie.

Dimanche, un diplomate de haut rang a publié l’avertissement de voyage, alors que des responsables israéliens ont renforcé leurs appels pour que le président russe Vladimir Poutine libère Naam Issachar, âgée de 26 ans, qui a été condamnée à 7 ans et demi de prison après qu’une petite quantité de cannabis a été retrouvée dans son sac – une sanction considérée par Israël comme très largement excessive.

Naama Issachar semble être un pion dans un effort russe visant à forcer Israël à nouer un échange, dans lequel Israël accepterait de libérer un hacker russe qui doit être extradé vers les Etats-Unis. Certains officiels israéliens ont déclaré en privé qu’Issachar, qui détient également la citoyenneté américaine, est détenue en « otage » par les Russes.

Tant que la Russie essaie de procéder à un accord d’échange, les « Israéliens devraient y réfléchir à deux fois avant de se rendre en Russie », a prévenu un diplomate dans des commentaires rapportés par des médias israéliens dimanche après-midi.

Le président russe Vladimir Poutine (à droite) serre la main du Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’une réunion au Kremlin à Moscou, le 27 février 2019. (MAXIM SHEMETOV / POOL / AFP)

Ces derniers jours, le ministère des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur russe en Israël pour exprimer le désarroi profond de Jérusalem sur la gestion de l’affaire par la Russie, a rapporté la Douzième chaîne d’information dimanche. Le ministre de la Justice Amir Ohana a publiquement qualifié la peine de prison prononcée contre Issachar comme étant « disproportionnée, illogique et inappropriée ».

La semaine prochaine, l’avocat d’Issachar doit déposer un appel contre la peine de prison, mais on estime qu’il a peu de chances d’aboutir.

Israël a des relations très sensibles avec la Russie, qui est un acteur dominant dans la région. La Russie est très impliquée dans le conflit syrien et a joué un rôle central, aux côtés de l’Iran, pour empêcher la chute du régime d’Assad pendant la guerre civile, alors qu’Israël cherche à empêcher l’Iran de renforcer sa présence militaire le long de la frontière nord.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a cultivé des relations proches avec Poutine, lui rendant souvent visite. Environ un million des neuf millions de citoyens d’Israël sont des immigrants de l’ancienne Union soviétique et leurs descendants.

L’avertissement de voyage vers la Russie est intervenu alors que le président d’Israël, Reuven Rivlin, a envoyé une lettre dimanche à Poutine, lui demandant de gracier Issachar, qui a été condamnée vendredi à de la prison pour un prétendu trafic de drogue. Issachar est détenue par la Russie depuis six mois après que 10 grammes de cannabis ont été retrouvés dans son sac lors d’une escale, alors qu’elle rentrait en Israël.

Le président Reuven Rivlin, à gauche, lors d’une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine au Kremlin à Moscou, le 16 mars 2016. (Crédit : AFP / POOL / MAXIM SHIPENKOV)

Dans sa lettre à Poutine dimanche, Rivlin a écrit : « Naama a commis une grave erreur et a reconnu son crime, mais dans le cas d’une jeune femme sans antécédents criminels, la condamnation sévère rendue aura un impact destructeur sur sa vie. »

Issachar revenait d’un voyage en Inde. Les chiens de la police avaient détecté la drogue alors que sa valise était transférée par les personnels de l’aéroport vers le nouvel avion qu’elle devait prendre à destination de Tel Aviv.

Sa famille a déclaré qu’Issachar est retenue en otage par la Russie alors même que Moscou n’a cessé d’exercer des pressions sur Israël en faveur de la libération d’un hacker russe risquant l’extradition vers les Etats-Unis.

Aleksey Burkov, spécialiste des technologies de l’information arrêté en Israël en 2015 à la requête d’Interpol, avait indiqué avoir contacté la famille d’Issachar par le biais d’un ami afin qu’elle fasse pression sur les responsables israéliens en vue de procéder à un échange de prisonniers.

Ce contact n’a pas permis de trouver une solution en raison de la décision prise au mois d’août d’approuver l’extradition vers les Etats-Unis – une initiative qui serait difficile à renverser.

Le hacker russe Aleksey Burkov. (Capture d’écran/Kan 11)

Burkov est recherché pour détournements de fonds aux Etats-Unis suite à une arnaque massive à la carte de crédit qui aurait permis de dérober des millions de dollars à des clients américains.

Il a déclaré à RT qu’il était « un homme ordinaire », un travailleur free-lance originaire de Saint-Petersbourg qui se trouvait en Israël avec sa petite amie lorsque sa « vie a été bouleversée ». Il a clamé qu’il avait été « piraté » et emmené en détention dans le cadre d’un « plan américain standard ».

Dimanche, la chaîne Kan a fait savoir que peu après le feu vert donné à l’extradition de Burkov, les privilèges accordés à Issachar en détention avaient été significativement revus à la baisse – ce qui indique que, tandis qu’elle n’avait pas été arrêtée, à l’origine, pour servir de monnaie d’échange, les choses ont bien changé ultérieurement.

Au mois d’août, Issachar avait été emmenée dans une prison éloignée de Moscou, tandis que les ressortissants nationaux sont habituellement emprisonnés dans une structure de la capitale.

Il lui est aujourd’hui, de surcroît, interdit de passer des appels téléphoniques. Elle n’a plus droit à de la nourriture casher, à des visites de sa famille ou de recevoir des lettres – des mesures qui visent à l’ordinaire des crimes bien plus importants que la possession de 10 grammes de cannabis au cours d’une courte escale à l’aéroport de Moscou.

Ces détails renforcent la présomption d’une arrestation qui aurait eu lieu pour exercer des pressions sur Israël en faveur de la libération de Burkov. La jeune détenue est ainsi devenue une « otage ».

La mère d’Issachar, Yaffa, a publié dimanche une lettre ouverte en hébreu et en russe adressée au président Vladimir Poutine qui a été publiée par le quotidien Yedioth Ahronoth dans laquelle elle a fait part de son espoir de ce que l’homme fort du Kremlin puisse décider de relâcher sa fille dans les jours à venir.

Naama Issachar et sa mère Yaffa dans un post sur Instagram, au mois de juillet 2018.

Dans la lettre, elle écrit espérer que Poutine n’est pas à l’origine du durcissement des conditions de détention d’Issachar et de l’initiative « antisémite » de prévoir des audiences, au tribunal, pendant les fêtes juives de Rosh HaShana et de Yom Kippour.

« M. Poutine, Naama ne peut pas devenir un élément de marchandage pour une personne qui a commis des délits sécuritaires – ou qui ne l’a pas fait. Ce n’est pas juste. Je suis sûr que vous ne voulez pas que l’histoire vous juge comme étant celui qui a été à l’origine de ce simulacre de procès, l’affaire Dreyfus 2.0. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé à la mère de la jeune prisonnière, au lendemain du verdict, qu’il « faisait tout » pour garantir que sa fille serait relâchée.

Selon la Douzième chaîne, Netanyahu a appelé Yaffa et lui a demandé de faire en sorte que sa fille garde espoir. Pour sa part, Yaffa a dit au Premier ministre qu’elle pensait que Naama pourrait être libérée « dans les prochains jours » si Israël savait prendre la bonne décision.

La condamnation d’Issachar a été prononcée vendredi malgré un plaidoyer « personnel » de Netanyahu auprès de Poutine, lui réclamant l’indulgence.

Les diplomates israéliens avaient indiqué à leurs homologues de Moscou qu’arrêter l’extradition de Burkov était impossible, la Cour suprême l’ayant d’ores et déjà approuvée.

Dans un communiqué émis vendredi suite à la condamnation d’Issachar, le bureau de Netanyahu a expliqué qu’il n’y avait aucun moyen d’empêcher l’extradition du jeune Russe vers les Etats-Unis.

Naama Issachar est détenue à Moscou ou dans ses environs depuis avril. (Naama Issachar/Instagram via JTA)

Le communiqué a ajouté que Netanyahu s’était « personnellement impliqué dans le cas de Naama ces dernières semaines » et réclamé que sa condamnation soit allégée et que ses conditions de détention soient améliorées.

« Netanyahu a demandé à ce que la condamnation soit commuée, ainsi que les conditions de l’incarcération de Naama soient allégées », a poursuivi le communiqué. « À notre grand regret, les procureurs russes n’ont pas accepté ces requêtes. »

Le bureau du Premier ministre a ajouté que la sanction « est disproportionnée et ne correspond pas à la nature du délit attribué à Issachar ».

Issachar n’a pas nié qu’il y avait 10 grammes de cannabis dans son sac, mais elle a affirmé qu’elle n’avait pas l’intention de passer le contrôle à la frontière russe et qu’il n’y avait donc pas trafic.

Les procureurs expliquent que, dans la mesure où le bagage d’Issachar a pénétré dans l’espace aérien russe, avec des stupéfiants à l’intérieur, elle peut être considérée comme une trafiquante et ce même si, par ailleurs, elle n’a jamais eu l’intention de pénétrer sur le sol russe.

Samedi soir, la Douzième chaîne a diffusé un extrait audio d’un appel passé par Naama au magistrat, avant l’énoncé de la condamnation. Elle y déclare au juge qu’elle est « consciente d’avoir été irresponsable avant de prendre [son] vol, [qu’elle aurait] dû faire attention à tout ce qui se trouvait dans [son] bagage. C’est la raison pour laquelle [elle] endosse toute la responsabilité de l’accusation de consommation de drogues ».

« J’estime malgré tout que l’accusation de trafic est injuste et injustifiée », s’exclame-t-elle néanmoins.

« Mes actions montrent que je n’ai jamais eu l’intention d’entrer dans le pays. Et si mes paroles ne sont pas suffisantes pour me croire, comme l’a dit le procureur : Il y avait sept heures entre mes deux vols. Je n’ai pas tenté de quitter la zone de transit ou de réclamer mes bagages… La police m’a arrêtée alors que j’essayais d’embarquer dans le vol qui devait me ramener chez moi. »

Elle ajoute « comprendre que ce dossier soit pris très au sérieux par la fédération russe mais conjurer de reconnaître qu’il s’agit d’une erreur d’un individu qui n’avait aucunement l’intention d’entrer dans le pays ou d’interférer avec la loi ».

L’AFP a contribué à cet article.

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