Israël en guerre - Jour 349

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Analyse

Israël excelle depuis longtemps dans les assassinats ciblés de ses ennemis. Mais est-ce utile ?

Les assassinats ciblés seraient efficaces pour transmettre un message et remonter le moral, mais le choc qu'ils infligent à leurs adversaires n'est pas forcément de longue durée

Un homme inspecte un bâtiment détruit par une frappe aérienne israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 30 juillet 2024. (Crédit : AP Photo/Hussein Malla)
Un homme inspecte un bâtiment détruit par une frappe aérienne israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, le 30 juillet 2024. (Crédit : AP Photo/Hussein Malla)

WASHINGTON (JTA) – Depuis plus de cinquante ans, le message des dirigeants israéliens à leurs ennemis est clair : frappez-nous et vous mourrez.

C’était vrai lorsqu’Israël s’est attaqué aux terroristes qui ont dirigé et exécuté l’attentat qui a tué 11 Israéliens aux Jeux olympiques de Munich en 1972. Et c’est vrai aujourd’hui concernant les terroristes du groupe terroriste palestinien du Hamas qui ont dirigé et exécuté le pogrom du 7 octobre.

Dix jours seulement après l’invasion du Hamas, Mark Regev, alors porte-parole du gouvernement, avait été explicite.

« Notre position est que toute personne dans la structure de commandement du Hamas responsable du massacre du 7 octobre en paiera le prix », a déclaré Regev lors d’une conférence de presse à Tel Aviv. « Nous les trouverons et justice sera faite. »

Tôt mercredi matin, Israël a frappé Ismail Haniyeh, le chef politique du Hamas, à Téhéran – le plus haut responsable du Hamas tué dans la guerre. Israël n’a pas revendiqué la frappe, mais le Hamas et l’Iran ont accusé Israël. Au début du mois de juillet, Israël a tué un autre haut responsable du Hamas : le commandant de sa branche armée, Mohammed Deif, le « Ben Laden de Gaza » comme l’a surnommé le ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Les États-Unis ont également effectué des assassinats ciblés. Les plus notoires sont ceux du fondateur d’Al-Qaida, Oussama ben Laden, en 2011, et du plus haut gradé iranien, Qassem Soleimani, en 2020.

Ces assassinats semblent toutefois être devenus une pratique banale pour Israël. Rien que cette dernière année, Israël a tué au moins 13 responsables ennemis en dehors des frontières d’Israël, de Gaza et de la Cisjordanie, et des dizaines d’autres au fil du temps.

L’avantage précis de ces assassinats – que la plus haute juridiction israélienne a jugés légaux en 2006 – n’est pas clairement définie, selon les analystes.

Les Palestiniens inspectent les dégâts sur un site touché par une opération israélienne visant le commandant militaire de l’ombre du Hamas, Muhammad Deif, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 13 juillet 2024. (Crédit : Jehad Alshrafi/AP)

Matthew Levitt, chercheur principal au Washington Institute for Near East Policy, explique que parfois, les assassinats tuent une personne dont les connaissances sont essentielles aux opérations d’un groupe, ce qui permet de retarder concrètement leur cause, comme lorsqu’Israël a éliminé des scientifiques militaires en Égypte, en Irak et en Iran au cours des dernières décennies.

Mais dans d’autres cas, la victime est rapidement remplacée.

« Certains assassinats ciblés me paraissent être plus sensés, alors que d’autres n’ont aucun sens », a-t-il déclaré.

Il a cité l’exemple de Fuad Shukr, le commandant militaire du Hezbollah qu’Israël a reconnu avoir tué à Beyrouth la veille de l’assassinat de Haniyeh. Shukr serait à l’origine du tir de missile effectué le week-end dernier sur la ville de Majdal Shams, sur le plateau du Golan, qui a tué 12 jeunes.

« L’assassinat de Shukr sera efficace parce qu’il bouleverse toute leur structure opérationnelle, parce qu’il affecte le commandement et qu’il pourrait ainsi empêcher d’autres attaques à plus long terme », a expliqué Levitt. « Ils ont éliminé quelqu’un qui avait un rôle central dans de nombreux domaines. Et il était à la tête de nombreux domaines sensibles ».

Une affiche publiée par le Hezbollah le 31 juillet 2024, annonçant la mort de Fuad Shukr, le plus haut commandant militaire du groupe terroriste, lors d’une frappe israélienne sur Beyrouth la veille. (Crédit : Bureau de presse du Hezbollah)

L’assassinat de Haniyeh, en revanche, est « censé dire que nous demandons des comptes à ceux qui sont impliqués dans le 7 octobre », a-t-il déclaré.

La plupart des recherches universitaires sur les assassinats ciblés, ou assassinats dirigés par le gouvernement, se focalisent sur leur légalité et leur moralité. Les quelques études consacrées à leur efficacité ne sont pas concluantes. Une analyse réalisée en 2017 par un professeur de l’université de l’Indiana a conclu que les assassinats ciblés américains avaient « des effets négligeables sur la lutte contre le terrorisme djihadiste ».

Les assassinats par Israël de terroristes de haut niveau du Hamas n’ont pas empêché le groupe terroriste de perpétrer le pogrom du 7 octobre. Et certains de ses assassinats ciblés effectués par le passé auraient même renforcé le groupe, comme par exemple l’assassinat en 2004 du cheikh Yassine à Gaza, qui aurait éliminé tout obstacle à l’alliance entre le Hamas et l’Iran.

Une Iranienne présente au cortège funèbre du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh tenant une pancarte montrant des chefs terroristes et un scientifique nucléaire dont la mort a été imputée à Israël (de gauche à droite : le secrétaire général du Jihad islamique palestinien Fathi Shaqaqi, le physicien et scientifique iranien Mohsen Fakhrizadeh, du commandant irakien Abu Mahdi al-Muhandis, de Haniyeh, du chef de la Force Al-Qods iranienne Qassem Soleimani, du commandant du Hezbollah Imad Mughnieh et du guide spirituel du Hamas Cheikh Ahmed Yassin), à Téhéran, le 1er août 2024. (Crédit : AFP)

Au début de la guerre actuelle, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait indiqué l’anéantissement du Hamas comme objectif principal d’Israël. Ce qui, selon Michael Makovsky, PDG de l’Institut juif pour la sécurité nationale de l’Amérique, un think tank conservateur, implique l’élimination violente des dirigeants du Hamas. En tuant Haniyeh et Deif, Israël a concrétisé cette menace.

« Ils ont dit qu’ils tueraient les dirigeants du Hamas. C’était clair », a déclaré Makovsky. « Vous saviez qu’ils allaient les tuer. Et ils ont eu une opportunité. »

Un avantage supplémentaire, a déclaré Makovsky, est qu’en ouvrant une brèche dans l’appareil de sécurité tant vanté de l’Iran, Israël a porté un coup à la dissuasion de l’Iran.

« Ils ont embarrassé les Iraniens et cela ne comporte aucun inconvénient, dans la mesure où ce n’est pas comme si cela risquait de nuire à leurs relations avec les Iraniens », a-t-il ajouté.

Levitt, qui a par le passé travaillé pour les services de renseignement américains, a souligné que Shukr et Haniyeh étaient des interlocuteurs clés entre leurs organisations et l’Iran. Leur élimination pourrait empêcher, au moins pour un temps, la proximité de l’Iran avec ses mandataires.

« L’Iran a perdu deux de ses collaborateurs clés », a-t-il déclaré. « La collaboration avec Shukr et Ismail Haniyeh se passait bien. »

Toutefois, si les assassinats de Haniyeh et de Shukr peuvent temporairement limiter les attaques, ils ne diminueront pas à long terme les conflits entre Israël et les groupes terroristes, a expliqué Levitt, dont le think-tank entretient des relations étroites avec des responsables israéliens et d’autres pays du Proche-Orient.

« À long terme, et même à court terme, ni l’un ni l’autre n’affaibliront le Hezbollah ni le Hamas », a affirmé M. Levitt à propos des assassinats. Par contre, pour Israël, a-t-il ajouté, « Ils tentent de changer la donne ponctuellement ».

Jusque mi-2000, les gouvernements américains ont régulièrement reproché à Israël de pratiquer des assassinats ciblés.

« Cette action brutale ne contribue pas à la paix », avait affirmé Ari Fleischer, porte-parole du président George W. Bush, en 2002, après l’assassinat ciblé d’un commandant du Hamas à Gaza. « Ce message sera transmis aux autorités israéliennes et les États-Unis regrettent la perte de vies humaines. »

Mais cette pratique a été adoptée par l’administration Bush et a été poursuivie par les gouvernements américains suivants.

Certains assassinats de personnalités obscures visent à atteindre un objectif plutôt qu’à faire passer un message, a indiqué Harel Chorev, chercheur principal au Centre Moshe Dayan pour les études sur le Moyen-Orient et de l’Afrique à l’Université de Tel Aviv. Il a mentionné l’assassinat de Mahmoud al-Mabhouh aux Émirats arabes unis en 2010, un membre du Hamas autrement inconnu, responsable de la contrebande d’armes dans la bande de Gaza. Israël n’a jamais reconnu publiquement avoir joué un rôle dans cet assassinat.

« C’était un inconnu », a-t-il dit. « Plus tard, nous avons découvert qu’il était une pièce maîtresse par rapport à l’Iran : il faisait transiter l’argent et jouait un rôle majeur dans la connexion entre l’Iran et le Hamas. »

Des Palestiniens brandissent une photo de Mahmoud al-Mabhouh, tandis que d’autres portent son cercueil, à gauche, lors de son cortège funèbre à Yarmouk, près de Damas, en Syrie, le 29 janvier 2010. (AP Photo/Bassem Tellawi/Fichier)

Chorev a comparé les personnes ordonnant des assassinats à des tireurs d’élite, habitués à éliminer les officiers les plus hauts gradés dans leur ligne de mire, en partant du principe que l’élimination de la personne qui donne les ordres est le moyen le plus efficace de paralyser l’ennemi sur le champ de bataille.

« Personne ne demandera aux tireurs d’élite pourquoi ils ont fait ça », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il était évident qu’il s’agissait de tireurs d’élite qui n’avaient pas d’autre choix que de se battre. Il est évident que ce sont les cibles à viser par les tireurs d’élite. »

Selon les analystes, l’assassinat de Haniyah a également un effet salutaire sur une population israélienne dévastée par dix mois de guerre et par l’échec massif du gouvernement, de l’armée et des services de renseignement qui a eu lieu le 7 octobre.

« C’est un formidable stimulant pour le moral des Israéliens et cela réaffirme la confiance dans les capacités militaires et de renseignement israéliennes », a indiqué David Halperin, directeur général de l’Israel Policy Forum (IFP), un groupe favorable à la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël.

Des Iraniens suivent le camion, au centre, qui transporte les cercueils du chef du groupe terroriste du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et de son garde du corps, tous deux victimes mercredi d’un assassinat imputé à Israël, le jour de la cérémonie funéraire sur la place Enqelab-e-Eslami (Révolution islamique) à Téhéran, en Iran, le 1er août 2024. (Crédit : AP/Vahid Salemi)

Pour Shira Efron, directrice principale de la recherche politique à l’IPF, ces assassinats envoient un message, mais un message qui a une date d’expiration.

« Ils ont transmis un message : nous avons les renseignements, nous avons les capacités opérationnelles, vos vies sont brisées, vous êtes très perméables », a-t-elle déclaré.

« Mais à long terme, je suis navrée de le dire, et cela peut prendre plus ou moins de temps, nous constatons tôt ou tard que les dirigeants ou les commandants de ces organisations semblent être assez interchangeables. Ils sont toujours remplacés », a ajouté Efron. Ils ne disent pas, ‘Oh, vous savez quoi, nous avons compris. Nous allons déposer les armes’. La personne suivante, le gars suivant – c’est toujours un gars – sera sur la même longueur d’onde que le dernier ».

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