Israël interdit à nouveau l’entrée à un employé de Human Rights Watch
Malgré sa promesse, le ministère de l'Intérieur refuse l'octroi d'un visa touriste au directeur de recherches d'une ONG et ancien activiste du BDS
Malgré les promesses d’autoriser un Américain, employé de l’organisation Human Rights Watch dans le pays, Israël a à nouveau refusé l’entrée sur le sol israélien jeudi à Omar Shakir.
Omar Shakir, directeur de recherches pour Israël et la Palestine pour Human Rights Watch (HWR), s’est d’abord vu refuser l’octroi d’un permis de travail, au nom de ses positions présumées anti-Israël. L’ambassade israélienne à Washington a suggéré à Shakir d’entrer dans le pays avec un visa touriste.
Mais jeudi, cela lui a également été refusé, au contrôle des frontières, une branche de l’Autorité des populations et de l’immigration du ministère de l’Intérieur.
Dans la lettre de refus, le département a affirmé que Shakir n’a pas obtenu de permis de travail en tant que chercheur sur les droits de l’Homme au nom de HRW, parce que « selon l’opinion du ministère des Affaires étrangères,… les activités publiques et les rapports émis par Human Rights Watch sont politiquement engagés au service de la propagande palestinienne et brandissent à tort la bannière des ‘droits de l’homme’, et pour cela, nous recommandons le rejet de cette demande. »
« Étant donné que ses demandes de permis de travail et de permis de séjour ont été refusées, nous n’avons pas trouvé de circonstances particulières qui pourraient justifier l’approbation de l’entrée dans le pays », peut-on lire dans la lettre signée par le chef du contrôle aux frontières, Michal Yosefov.
Shakir souhaitait venir en Israël le 5 mars pour une durée de 10 jours.
Une fois que la demande de permis de travail a été rejetée, Itai Bar-Dov, porte-parole de l’ambassade israélienne à Washington, s’est exprimé : « Soyons clair, le représentant d’HRW pourrait entrer en Israël avec un visa touriste. En ce qui concerne le visa de travail, la décision du ministère de l’intérieur peut être réétudiée si l’organisation fait appel. »
Le ministère de l’Intérieur a rendu sa décision 6 mois après que l’organisation HRW a demandé une permission pour que Shakir puisse travailler dans le pays ».
Shakir a mené une campagne anti-Israël et soutient le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanction. Il a comparé Israël à l’apartheid sud-africain et le sionisme au nationalise afrikaner, qui a engendré l’apartheid.
« C’est troublant de voir qu’en dépit des promesses des responsables israéliens, les autorités ont rejeté la demande de visa du directeur d’un service d’Human Rights Watch », a déclaré Ian Levine, directeur exécutif adjoint du programme.
« Interdire l’accès aux employés du groupe et entraver notre capacité à renseigner sur les violations commises par les deux parties et à les soumettre aux autorités palestiniennes et israéliennes et à leurs partenaires pour améliorer la qualité des droits de l’homme pour tous. »
Cette décision est la dernière en date contre les groupes de défense des droits de l’homme et autres organisations accusées de partialité à l’encontre de l’État d’Israël.
Au moins deux groupes juifs ont objecté à ce refus la semaine dernière.
« Israël se trouve maintenant très mal entouré : seul un gouvernement qui a quelque chose à cacher ferait tant d’efforts pour tenir éloignés les employés des groupes de défense des droits de l’homme », a déclaré Daniel Sokatch, le directeur du New Israel Funds, un groupe qui lève des fonds pour des groupes de société civile, dont certains ont été épinglés pour avoir attaqué des politiciens, dans un communiqué.
Au début du mois, les autorités israéliennes se sont excusées d’avoir maintenu en détention pour interrogatoire la vice-présidente de New Israel Fund, Jennifer Gorovitz.
T’ruah, un groupe rabbinique de défense des droits de l’homme a également condamné l’interdiction faite à Shakir.
« Les groupes de droits de l’homme et de la société civile jouent un rôle prophétique, même si leurs mots ne sont pas toujours ceux que le gouvernement veut entendre », a déclaré le groupe dans un communiqué. « Le gouvernement israélien devrait accueillir Human Rights Watch et d’autres groupes similaires comme des voix qui nous pousseront vers la justice et vers la vie. »
Shakir est un avocat. Il a étudié à Stanford mais a également travaillé sur les droits de l’Homme en Égypte, au Pakistan et à la maison d’arrêt de Guantanamo, selon sa biographie.
Avant de rejoindre le groupe HRW en 2016, Shakir travaillait au département juridique du Center for Constitional Rights, une organisation qui a porté plainte pour crime de guerre contre l’ancien minsitre de la Défense israélien Moshe Yaalon et l’ancien directeur du Shin Bet, Avi Dichter.
Emmanuel Nachshon, porte-parole du ministre des Affaires étrangères, a défendu l’interdiction faite à Shakir. Il a décrit le groupe HRW comme une « organisation anti-Israël, ouvertement hostile dont les rapports n’ont pas d’autre but que de blesser Israël sans se soucier de la vérité ni de la réalité ».
Il dit qu’il « n’y a aucune raison » d’accorder un visa à une personne ou une organisation qui veut attaquer le pays. Nous ne sommes pas masochistes et il n’y a aucune raison de laisser passer cela », a-t-il dit. Nahshon a affirmé que HRW « a montré à plusieurs reprises qu’elle est une organisation fondamentalement partiale et anti-Israël, avec un programme hostile ».
Nahshon a ajouté que le groupe n’a pas été banni et que ses employés israéliens comme palestiniens recevront des permis de travail et diffuseront des rapports.
« Mais pourquoi devrions-nous octroyer des visas à des gens qui ne veulent que salir notre réputation et nous attaquer ? », a-t-il demandé.
Il a déclaré que la décision avait pris en compte les activités du groupes et n’ont rien à voir avec les origines ethniques de Shakir, un citoyen américain d’origine irakienne.
Le groupe basé à New York surveille l’état des droits de l’Homme dans plus de 90 pays, y compris des pays du Moyen-Orient. Il a indiqué avoir un accès direct à la plupart de ces pays, mais a signalé qu’un petit nombre d’entre eux, dont Cuba, l’Égypte, l’Iran, la Corée du Nord, l’Ouzbékistan et le Venezuela, ont bloqué l’accès à son personnel.
« La lettre de refus a été un choc, étant donné que nous avons eu un accès régulier à Israël et à la Cisjordanie pendant près de trois décennies et avons régulièrement été en contact avec les autorités israéliennes » a déclaré Shakir dans un courriel la semaine dernière.
« Nous considérer comme des propagandistes et des faux défenseurs des droits de l’homme place Israël au même plan des ‘États fortement répressifs comme la Corée du Nord, l’Iran et le Soudan qui ont bloqué l’accès aux membres du personnel de Human Rights Watch ».
« Il est décevant de voir le gouvernement israélien incapable de faire la distinction entre des critiques justifiées de ses actes et une propagande », a déclaré Shakir.
Il a admis avoir pris part à des campagnes pro-palestiniennes avant de rejoindre HRW.
Selon Shakir, les autorités israéliennes ont dit au groupe HRW que le refus de visa ne le visait pas directement, mais qu’il s’appliquerait à tous les membres étrangers de l’organisation.
Israël, ses défenseurs et certains de ses détracteurs ont accusé à maintes reprises Human Rights Watch de poursuivre un parti pris anti-israélien – une critique que le fondateur de l’organisation, Robert L. Bernstein, a partagé dans dans un article inhabituel qu’il a publié en 2009 dans The New York Times. Bernstein a réitéré sa critique l’année suivante au cours d’une conférence dans une université du Nebraska.
Human Rights Watch a publié une série de rapports très critiques à l’égard d’Israël, en particulier après des guerres ou des périodes de violence intense avec des militants palestiniens. Par exemple, il a accusé Israël d’avoir commis des crimes de guerre lors de combats avec des terroristes du Hamas dans la bande de Gaza au cours de l’été 2014. Israël a violemment rejeté les conclusions de ce rapport.
HRW a également lancé une campagne pour que les clubs de football israéliens basés dans les implantations de Cisjordanie soient expulsés par la FIFA.
Le groupe a également publié des rapports critiques à l’égard des Palestiniens. Par exemple, l’année dernière, elle a accusé l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le groupe terroriste islamiste du Hamas à Gaza de détenir arbitrairement des journalistes et des militants. Il a également critiqué les exécutions menées par le Hamas.