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Analyse

Israël veut encourager la location à long terme face à des prix d’achat devenus inabordables

Avec de plus en plus d’Israéliens locataires, le ministère du Logement prépare un plan pour rééquilibrer le marché en faveur des citoyens, et pas seulement des investisseurs

Un nouveau complexe d'appartements de 800 unités récemment approuvé dans le quartier de Gilo à Jérusalem. (Crédit : Ari Cohen Architects and City Planners)
Un nouveau complexe d'appartements de 800 unités récemment approuvé dans le quartier de Gilo à Jérusalem. (Crédit : Ari Cohen Architects and City Planners)

Le marché de la location en Israël est une véritable jungle, chaotique et mal régulée, les prix s’envolent et les règles sont souvent floues. Les locataires ne manquent pas d’anecdotes sur les difficultés à trouver un appartement décent ou sur les propriétaires exigeant des clauses absurdes, voire déraisonnables, tout en négligeant l’entretien de base des logements.

Avec 29 % des Israéliens vivant en location, et étant donné que ce chiffre devrait augmenter dans les années à venir, le ministère du Logement a chargé son directeur général, Yehuda Morgenstern, d’élaborer un plan stratégique visant à améliorer durablement le fonctionnement du marché locative à long terme. Ce plan, initialement attendu pour fin 2024, s’est avéré plus complexe que prévu. Deux mois plus tard, aucune date de publication n’a encore été fixée, a reconnu un porte-parole du ministère.

Quelle que soit sa date de sortie, ce plan ne devrait pas inclure de grandes réformes législatives ni d’objectifs ambitieux, comme ceux qui ont accompagné les tentatives précédentes de réformer le marché immobilier.

Le ministère espère plutôt mettre de l’ordre dans plusieurs aspects clés du marché locatif longue durée et en redéfinir les grandes orientations pour l’avenir. Voici un aperçu des mesures qui devraient figurer dans ce plan stratégique.

Locations institutionnelles

Lorsque l’on parle de solutions de logement à long terme, il est essentiel de distinguer deux segments : les locations institutionnelles, gérées par le gouvernement ou de grands promoteurs, et le marché locatif privé, explique Camila Meyer Weissberg, doctorante à l’Université hébraïque, qui consacre sa thèse à la politique israélienne en matière de location à long terme.

La grande majorité des locataires israéliens louent leur logement à des particuliers propriétaires, un modèle très différent de celui qui prévaut dans de nombreux pays occidentaux. Ailleurs, les complexes résidentiels sont souvent conçus pour la location et gérés par des sociétés spécialisées proposant des contrats standardisés, encadrés par des lois claires sur les hausses de loyer.

En 2013, Yair Lapid, alors ministre des Finances et nouvellement élu à la Knesset après la percée électorale époustouflante de son parti Yesh Atid, avait présenté un plan visant à développer des complexes de location à long terme. Ce programme prévoyait la construction de 150 000 logements, loués pour des périodes de cinq à dix ans, à des loyers inférieurs aux prix du marché.

Mais la réalité s’est révélée bien différente. À ce jour, seulement 18 000 logements ont été construits dans ce cadre, soit moins de 1 % du marché locatif. Le principal obstacle tient à la faible rentabilité de ce modèle pour les promoteurs.

« Développer ce type de projet demande des capitaux considérables, les rendements annuels sont faibles, et il faut attendre au moins 20 ans avant de pouvoir revendre », explique Camila Meyer Weissberg. « Ce n’est pas un investissement suffisamment attractif pour les promoteurs ou pour les banques. »

Camila Meyer Weissberg. (Crédit : Autorisation)

Le défi tient en partie à la structure même du marché immobilier israélien. En Israël, les loyers sont relativement bas par rapport aux prix d’achat des biens, une situation bien différente de celle observée en Europe ou aux États-Unis. Alors que les complexes locatifs dans ces pays offrent généralement un rendement annuel de 6 à 7 % sur l’investissement initial, ce taux ne dépasse pas 2 % en Israël. Cela signifie également que même si un tel projet pouvait être viable lorsque les taux d’intérêt étaient proches de zéro il y a quelques années, il devient intenable dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.

Autre problème : le programme avait été conçu comme une réponse à la crise du coût de la vie, qui dominait alors le débat public en Israël, rappelle Meyer Weissberg.

« L’idée était d’offrir à la classe moyenne, confrontée à une envolée des prix de l’immobilier, des logements 20 % moins chers que les prix du marché », explique-t-elle. « En créant une offre nouvelle de logements abordables, on espérait également faire baisser les prix sur l’ensemble du marché locatif. »

Mais faute de projets développés en nombre suffisant, cet objectif n’a jamais été atteint. Seule une poignée de ménages, sélectionnés par tirage au sort, ont pu bénéficier de ces logements, souligne Meyer Weissberg.

Malgré ces obstacles, le ministère de la Construction et du Logement reste déterminé à trouver des solutions pour faire fonctionner ce modèle, notamment en attirant de grands fonds d’investissement, capables d’attendre plusieurs décennies avant de récupérer leur mise.

« Même si ces projets avancent plus lentement que prévu, tout le monde comprend que nous n’avons plus le choix », souligne Meyer Weissberg. « Alors que de plus en plus d’Israéliens se tournent vers la location et que les prix continuent de grimper, même les décideurs politiques et les municipalités, qui étaient sceptiques il y a dix ans, se montrent aujourd’hui intéressés. Le besoin est évident, et le gouvernement veut que ça marche. »

Des Israéliens protestent contre la flambée des prix des logements à Tel Aviv et du coût de la vie, le 2 juillet 2022. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Les locations privées

La grande majorité des locataires en Israël signent des baux d’un an avec des propriétaires privés — souvent des particuliers ayant acheté un bien immobilier à des fins d’investissement ou pour un usage futur. Et pour bon nombre de locataires, c’est là que les ennuis commencent.

L’une des étincelles qui avait déclenché les vastes manifestations contre le coût de la vie en 2011 était justement une expulsion locative : celle de Daphne Leef, une monteuse vidéo de 25 ans à l’époque, contrainte de quitter son appartement en raison de travaux de rénovation de l’immeuble. À la fin des travaux, son propriétaire lui a annoncé qu’elle ne pourrait pas revenir, car son fils comptait emménager à sa place. Ne trouvant aucune solution de relogement abordable, Leef a décidé de descendre dans la rue, donnant le coup d’envoi d’un mouvement social majeur.

Ce type de planification à court terme par les propriétaires est typique en Israël, a déclaré Nachi Paris, un agent immobilier basé à Jérusalem.

« Contrairement aux États-Unis, il est très rare qu’un propriétaire propose un bail de trois ou cinq ans », souligne-t-il. « Parce que la revente peut être extrêmement lucrative, même les propriétaires chevronnés hésitent à s’engager sur des baux longue durée, qui les empêcheraient de vendre rapidement si une opportunité intéressante se présentait. C’est pourquoi les baux dépassent rarement un ou deux ans. »

Le ministère de la Construction et du Logement plancherait actuellement sur un plan visant à encourager les propriétaires à proposer des baux plus longs, en s’appuyant sur un système d’incitations fiscales. Mais les contours précis de ce programme restent flous.

« Les incitations fiscales ne fonctionnent pas toujours comme prévu, et il n’est pas évident de savoir quel type de mesure pourrait vraiment inciter les propriétaires à changer leurs habitudes », explique Oriya Shohat, avocat spécialisé en droit immobilier à Jérusalem. « En général, les tentatives d’intervention directe sur le marché locatif finissent souvent par produire des effets inverses. Le levier le plus puissant dont dispose le gouvernement pour réguler ce marché reste, comme toujours, l’équilibre entre l’offre et la demande. »

Oriya Shohat (Crédit : Autorisation)

Entre-temps, les lois israéliennes régissant le marché de la location sont parmi les plus laxistes du monde occidental. Il existe très peu de règles concernant les prix ou les clauses qu’un contrat de location peut inclure.

« Dans de nombreux pays, un contrat de location doit comporter certaines clauses obligatoires et être notarié pour être juridiquement reconnu », explique Camila Meyer Weissberg. « Ici, on peut y inscrire à peu près tout et n’importe quoi. »

Adoptée en 2017, la loi sur les loyers équitables visait à poser des standards minimaux pour définir ce qu’est un appartement décent et fixer des conditions de base dans les contrats de location. Mais l’expérience de nombreux locataires montre que ces normes sont loin d’être toujours respectées.

Si plusieurs municipalités israéliennes proposent désormais des modèles de contrats types, le plan stratégique du ministère devrait recommander de les améliorer et de les rendre plus largement adoptés.

Autre axe clé : la collecte de données fiables sur le marché locatif. Les informations publiées par le Bureau central des statistiques (CBS) sont souvent jugées peu précises, car de nombreux propriétaires ne déclarent pas leurs revenus locatifs ou ne sont pas tenus de le faire. De plus en plus de locataires et d’acheteurs s’appuient donc sur des plateformes privées comme Madlan ou WeCheck pour obtenir des données actualisées sur les loyers.

Le ministère cherche donc à mettre en place un dispositif de collecte de données plus rigoureux, afin de mieux informer les locataires et d’ajuster sa propre politique sur des bases plus solides.

Conscient de l’ampleur du défi, le ministère de la Construction et du Logement espère proposer un cadre réaliste et pragmatique pour redresser progressivement le marché locatif.

« Les gens aspirent à de la stabilité et à une véritable sécurité résidentielle, qu’ils louent à une société ou à un particulier », a déclaré Yehuda Morgenstern lors d’une conférence sur l’immobilier le mois dernier. « Tout ce qu’il nous reste à faire, c’est identifier ce qui fonctionne et s’en inspirer. »

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