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Jérusalem-Est : les hôpitaux inquiets d’une hausse des cas de Covid-19

Un officiel du ministère de la Santé affirme ne pas s'attendre à une "explosion" des malades dans le secteur ; le chef des institutions médicales déplore un manque de matériel

Des Palestiniens quittent l'hôpital de Makassed  à Jérusalem-Est, le 9 septembre 2018. (Crédit : Mahmoud Illean/AP)
Des Palestiniens quittent l'hôpital de Makassed à Jérusalem-Est, le 9 septembre 2018. (Crédit : Mahmoud Illean/AP)

Les responsables des hôpitaux de Jérusalem-Est ont exprimé leur préoccupation ce lundi concernant une possible augmentation du nombre de cas confirmés de Covid-19 dans leur secteur, alors que les autorités médicales renforcent le dépistage des Palestiniens dans la partie orientale de la ville.

Selon le ministère israélien de la Santé, des dizaines de cas de Covid-19 ont jusqu’à présent été enregistrés à Jérusalem-Est, où vivent de nombreux résidents dans des quartiers densément peuplés. Même si les habitants de Jérusalem-Est sont Palestiniens, la zone est placée sous le contrôle du gouvernement israélien, en charge des services publics.

« Nous nous inquiétons beaucoup de voir davantage de cas dans les prochains jours », a commenté Walid Nammour, directeur de l’hôpital Augusta Victoria, situé sur le mont des Oliviers. « Avec un peu de chance, la situation nous apparaîtra plus clairement dans les prochaines 48 heures avec les résultats des tests qui seront à notre disposition. »

Les autorités médicales ont ouvert quatre centres de dépistage à Jérusalem-Est à la fin de la semaine dernière. Depuis, selon le ministère de la Santé, de nombreux résidents palestiniens sont venus effectuer un test.

Un professionnel du Magen David Adom portant des vêtements de protection à titre préventif contre le coronavirus, teste un patient présentant des symptômes de coronavirus, à Jérusalem, le 28 mars 2020. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

Walid Nammour déclare qu’avant l’ouverture de ces sites de dépistage, de nombreux habitants du secteur ne savaient pas comment se faire tester.

« Ce n’était pas clair aux yeux d’un grand nombre », dit-il. « Ils n’étaient pas sûrs de l’endroit où ils devaient se rendre ou qui appeler au téléphone. »

Haitham Hassan, directeur général de l’hôpital Makassed également situé sur le mont des Oliviers, explique pour sa part être effrayé par la possibilité d’une recrudescence des cas de Covid-19 à Jérusalem-Est.

« J’ai très peur que nous assistions soudainement à une explosion », confie-t-il. « On a vu un tel scénario se dérouler ailleurs. Un individu transmet le virus à 20 personnes de sa famille et à ses voisins, qui le transmettent à 300 autres. »

Le docteur Asher (Ashi) Shalmon, chef des relations internationales au ministère israélien de la Santé. (Crédit : WhatsApp)

Haitham Hassan ajoute que les sites de dépistage qui ont récemment ouvert leurs portes à Jérusalem-Est sont importants, tout en soulignant que les autorités ne doivent pas en rester là et en ouvrir davantage.

« Nous devons dépister un maximum de personnes parce que nous ne voulons pas que d’éventuels cas ne soient pas détectés », insiste-t-il.

Pour Asher Shalmon, directeur des relations internationales au ministère de la Santé, il est possible que les autorités n’aient pas détecté certaines personnes contaminées à Jérusalem-Est. Il minimise toutefois la perspective d’une augmentation significative des malades dans le secteur.

« Il est possible que nous passions à côté d’une partie de la population », suppose Asher Shalmon, notant que certains habitants de la partie orientale de la capitale ne se sont pas fait dépister par crainte de la stigmatisation entraînée par la maladie. « En élargissant le dépistage, on va trouver plus de cas, mais je ne pense pas que nous serons amenés à faire face à une explosion massive du nombre de malades. »

Il fait savoir également que les résidents de Jérusalem-Est ont largement respecté les restrictions émises par le ministère sur les déplacements et sur les rassemblements – tout en citant quelques exemples de violations de ces mêmes directives.

« Il y a globalement un bon niveau de conformité », dit-il, ajoutant qu’il pense que le ministère et les autorités doivent renforcer leurs efforts d’explication des dangers du virus auprès des résidents.

Selon plusieurs personnes interrogées à Jérusalem-Est, la majorité des habitants se plient aux instructions émises par le ministère. Certaines clament que, dans leurs quartiers, les résidents les suivent davantage depuis la semaine dernière.

Mais Ismail Khatib, militant du camp de réfugiés de Shuafat, indique pour sa part que seulement la moitié de la population, dans son quartier, se conforme aux règles.

« Il y a beaucoup de gens qui passent du temps à l’extérieur, en particulier des enfants, et certains magasins qui devraient être fermés sont ouverts », explique-t-il. « La police vient bien dans le camp pour distribuer des amendes, mais elle ne reste habituellement qu’une petite heure. »

Une femme prie devant l’église fermée du Saint-Sépulcre, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 25 mars 2020. (Crédit : Mahmoud Illean/AP)

Interrogé sur les propos d’Ismail Khatib, le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld, répond que la police intervient dans toutes les communautés pour s’assurer que « le public est bien conscient des directives et des régulations spécifiques sur la distanciation sociale et sur le mouvement des personnes ».

Les hôpitaux face à la pénurie

Les responsables des hôpitaux de Jérusalem-Est disent se préparer à accepter des patients touchés par le virus dans leurs institutions, tout en soulignant leur besoin de disposer de plus d’équipements.

« Il y a un gouffre entre ce que nous avons et ce dont nous avons besoin », note Maher Deeb, directeur médical de l’hôpital Saint-Joseph de Sheikh Jarrah. « Un grand nombre d’équipements nécessaires dans la prise en charge des malades du Covid-19 nous manquent. »

Seuls 22 respirateurs au total sont disponibles dans les hôpitaux Augusta Victoria, Makassed et Saint-Joseph, rapporte Walid Nammour.

Il ajoute qu’Augusta Victoria ne soignera que ceux qui se rendent d’ores et déjà dans sa structure pour des traitements anti-cancéreux et pour des dialyses tandis que Makassed et Saint-Joseph serviront un plus large public.

Lundi, Augusta Victoria a alloué 12 lits aux malades du Covid-19. Makassed en a prévu 22 et Saint Joseph, 28.

Makassed, explique Haitham Hassan, a également besoin de combinaisons de protection. L’établissement, pour le moment, n’en possède que 600.

« Elles ne dureront pas longtemps », prévient-il.

Le ministère de la Santé a pris la décision de transférer deux millions de shekels à Makassed et à Saint-Joseph pour couvrir les dépenses entraînées par le virus, disent Haitham Hassan et Maher Deeb.

Le directeur de l’hôpital estime que le ministère ferait toutefois mieux d’envoyer des fournitures et des équipements à Makassed que des fonds.

Walid Nammour, directeur de l’hôpital Augusta Victoria à Jérusalem-Est. (Capture d’écran : Canadian Lutheran World Relief)

« Il faudra des mois pour que ces équipements arrivent si je les commande maintenant », explique-t-il. « Ils font l’objet d’une concurrence mondiale intense, et nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’attendre. »

Maher Deeb souligne que Saint-Joseph a besoin de soutien au-delà de ces deux millions de shekels. Il reconnaît néanmoins penser que le ministère est actuellement « dépassé » par l’apparition de la pandémie et qu’il « fait de son mieux pour nous venir en aide ».

Il ajoute que Saint Joseph accueillera probablement son premier malade du Covid-19 dans les prochains jours.

Asher Shalmon en convient : les hôpitaux de Jérusalem-Est ont besoin de davantage de ressources pour pouvoir prendre en charge ces malades que celles dont ils disposent actuellement. Mais il ajoute que ceux qui ne pourront pas trouver de place dans la partie orientale de la ville seront évacués vers Jérusalem-Ouest.

Il note également que les hôpitaux font face « à un endettement sévère » qui, dit-il, a rendu plus difficile encore pour eux de faire face à l’irruption du coronavirus.

Augusta Victoria, Makassed, Saint-Joseph et trois autres centres médicaux de Jérusalem-Est recevaient, par le passé, la somme annuelle de 25 millions de dollars de la part des États-Unis – mais l’administration américaine a annoncé qu’elle cesserait de verser ce financement au mois de septembre 2018, à la suite d’une dégradation majeure de ses liens avec les autorités palestiniennes de Ramallah.

Haitham Hassan explique que, tandis que Makassed s’est endetté auprès de ses fournisseurs pour un montant de 73 millions de dollars, les patients et les parrains de l’institution ont donné 83 millions de shekels (21 millions d’euros) à l’établissement.

La société civile contribue à la lutte contre le virus

La société civile palestinienne de Jérusalem-Est s’efforce également d’apporter sa contribution aux efforts visant à limiter la propagation du virus.

82 organisations palestiniennes ont rejoint le Rassemblement de Jérusalem, une coalition qui s’efforce de sensibiliser à la menace représentée par le Covid-19 et d’aider les quartiers palestiniens à y faire face, explique l’un des coordinateurs de cette campagne, Khaldon Nijm.

« L’occupation a été dans l’incapacité de veiller sur nos quartiers », affirme Khaldon Nijm. « Et nous tentons donc de faire tout ce que nous pouvons pour préparer les gens. »

Cela fait longtemps que les autorités négligent les quartiers de Jérusalem-Est. La municipalité de Jérusalem investit seulement 10 % à 12 % de son budget dans ces quartiers – même si les habitants forment 38 % de la population de la ville de plus de 900 000 résidents, selon Daniel Seidemann, expert des affaires de Jérusalem.

Khaldon Nijm indique que son groupe organise des séminaires en ligne sur la maladie avec des experts et publie des informations sur le coronavirus sur sa page Facebook. Il ajoute qu’il s’est arrangé pour que le St. George Hotel, près de la Vieille Ville, puisse être transformé en structure de quarantaine.

Vue du quartier arabe de Silwan, à Jérusalem-Est, le 27 mai 2015. (Crédit : Nati Shohat / Flash90)

Interrogé sur l’existence d’une coopération entre la coalition et les autorités, Khaldon Nikm dit communiquer avec la municipalité de Jérusalem, répétant son mécontentement face aux efforts livrés par l’État juif pour combattre le virus dans la patrie orientale de la ville.

« On leur a dit de dépister davantage de personnes, de trouver davantage d’endroits, aussi, pour mettre les gens en quarantaine et de faire davantage de sensibilisation – mais ils n’en font pas encore assez », déplore-t-il.

La municipalité n’a pas répondu à notre demande de commentaires.

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