Jeunesse, Argentine et femmes palestiniennes au programme du « Printemps des Comédiens »
Le dramaturge libano-canadien Wajdi Mouawad, qui dirige le théâtre de La Colline à Paris depuis 2016, présente sa dernière pièce, "Journée de noces chez les Cromagnons"
Tourné vers la jeunesse, le « Printemps des comédiens » de Montpellier a ouvert ses portes jeudi soir, pour une 38e édition qui entend notamment donner la parole aux artistes argentins. Mais le conflit israélo-palestinien pourrait aussi s’inviter, autour de la dernière création de Wajdi Mouawad.
Le festival, qui ouvre traditionnellement la saison théâtrale en juin, avant celui d’Avignon, se déroule dans un « contexte économique difficile » mais il « a la chance de pouvoir compter » sur le soutien des pouvoirs publics et d’un public « formé au fil du temps » qui lui « permet de prendre des risques », commentait son directeur, Jean Varela, samedi, après deux premières soirées encore un peu fraîches côté mercure.
Les grandes tables de bois et les fauteuils transats sont donc de retour depuis jeudi sous les guirlandes colorées accrochées aux arbres de la majestueuse pinède du Domaine d’O. Au total, ce sont 25 pièces qui seront proposées au public jusqu’au 21 juin, sur les diverses scènes réparties dans ce vaste site aux portes de Montpellier.
Coup d’envoi de ce week-end d’ouverture, jeudi soir, la dernière création de Jean-François Sivadier, « Portrait de famille – Une histoire des Atrides », fut un « moment de grâce merveilleux, une épopée de quatre heures extraordinaire », selon Varela.
Autre création, jeudi soir également, dans l’amphithéâtre du domaine, ouvert au vent : la première représentation de « Sur l’autre rive », adaptation librement inspirée de Platonov d’Anton Tchekhov, par le metteur en scène Cyril Teste. Et cela a été « compliqué », a reconnu ce dernier lors d’un entretien avec quelques journalistes.
Pour la seconde représentation vendredi soir, par une température plus clémente, les 17 comédiens du Collectif MxM, entourés sur la vaste scène d’une vingtaine de figurants, avaient trouvé leurs marques, proposant une version fiévreuse de l’œuvre de jeunesse de Tchekhov, à la fois tragique et drôle, électrifiée par le rock d’une guitare et la projection en direct sur un grand écran du jeu des comédiens, filmés par des caméras au poing virevoltantes.
Cette histoire sans réel suspense, « ode à la monstruosité, belle, foisonnante et complexe », selon Teste, est un diptyque dont l’autre volet, un téléfilm qu’il a lui-même réalisé, sera diffusé sur Arte à l’automne.
Argentine et Palestine
Cette année, le Printemps des Comédiens entend porter une « attention particulière » à la jeunesse et il va revêtir une dimension politique, avec un « focus sur les artistes argentins, pour les soutenir dans leur résistance au pouvoir » du président ultra-libéral Javier Milei, a souligné le directeur du festival.
Enfant terrible de la scène argentine, Guillermo Cacace invite, jusqu’à ce dimanche, public et comédiens à s’asseoir à la même table pour « Gaviota (Mouette) », adaptation du chef-d’œuvre de Tchekhov La Mouette. Particularité : tous les personnages sont joués par des actrices.
Puis, mardi et mercredi, Marina Otero, performeuse et metteuse en scène née à Buenos Aires, créera « Kill me », à La Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, pour la seule délocalisation du festival hors de Montpellier.
Deux mois après avoir été contraint d’annuler sa création dans un théâtre de Beyrouth, face aux menaces subies dans le cadre d’une campagne menée contre lui pour « normalisation avec Israël », c’est à Montpellier que le dramaturge libano-canadien Mouawad, qui dirige le théâtre national de la Colline à Paris depuis 2016, présentera vendredi sa dernière pièce, « Journée de noces chez les Cromagnons ».
« Nous sommes très heureux que Wajdi, qui est un fidèle du Domaine d’O, viennent créer chez nous, c’est une joie immense », a expliqué Varela.
« Alors, y aura-t-il quelques débordements, quelques manifestations ? Nous espérons qu’elles soient pacifistes et respectueuses des uns et des autres », a insisté le directeur du festival, qui a également programmé, les 8 et 9 juin, « Une assemblée des femmes, aujourd’hui », dialogue entre la comédie grecque antique et la réalité des femmes palestiniennes d’aujourd’hui, réalisé en collaboration avec le Théâtre National Palestinien.
« Il faut que la pinède du Domaine d’O reste cet endroit de fraternité, de rencontre, de concorde, de réflexion et de rassemblement », a insisté Varela.