Jeux vidéo: « Prince of Persia », « rêve d’enfant » devenu réalité Jordan Mechner
Le créateur du fameux personnage s'est aussi essayé à la bande dessinée en retraçant le parcours de ses proches ayant fui les nazis
« J’avais deux rêves d’enfant : faire des jeux vidéo et des films. Grâce à ‘Prince of Persia’, j’ai pu réaliser les deux », savoure le créateur américain Jordan Mechner, qui s’étonne que sa saga créée il y a plus de 30 ans perdure encore, avant la sortie d’un nouvel épisode jeudi.
L’éditeur français Ubisoft s’apprête à faire revivre son célèbre personnage avec « The Lost Crown », après treize ans d’attente pour les fans de cette série d’action/aventure inspirée des « Mille et Une Nuits », dont le dernier épisode remonte à 2010 et dont les différents volets ont dépassé les 20 millions d’exemplaires écoulés dans le monde.
Depuis ses débuts à la fin des années 1980 dans un « home studio » californien jusqu’à cet opus concocté dans les studios d’Ubisoft à Montpellier (sud de la France), tout a en effet changé… ou presque.
« C’était l’une des premières ‘motion captures’ (technique de capture de mouvements pour les rendre plus réalistes à l’écran, NDLR) utilisées pour un jeu vidéo », se remémore auprès de l’AFP Jordan Mechner, 59 ans, qui vit en France – à Montpellier justement – depuis 2015.
A l’aide d’une caméra VHS, il filme alors son petit frère « pour faire tous les mouvements » dont le héros a besoin dans le jeu, puis les intègre image par image sur l’écran de l’ordinateur grâce à la technique de la rotoscopie, empruntée aux dessins animées du début du 20e siècle.
A cette entreprise familiale, dont le développement dure quatre ans, se joint aussi son père, pianiste amateur, à la composition de la musique du jeu. « C’était vraiment un travail artisanal », sourit-il.
A sa sortie en 1989, le jeu marque l’industrie et impressionne les gamers par la qualité de son animation et la fluidité de ses personnages, à une époque où les moyens techniques étaient limités. Et consacre Jordan Mechner, qui s’était fait remarquer en 1984 avec « Karateka », son premier titre réalisé de A à Z lorsqu’il était encore étudiant.
Autodidacte, il avait appris les rudiments de la programmation dans les magazines et sur son ordinateur Apple II, reçu durant son adolescence.
« Princess of Persia »
Fort de son succès, « Prince of Persia » devient une saga culte qui va connaître plusieurs suites, traverser les générations et s’adapter aux diverses évolutions technologiques, passant notamment de la 2D à la 3D, avant d’être acquise par Ubisoft aux début des années 2000 puis d’être adaptée au cinéma en 2010.
Plus de 30 ans après ses premiers pas, Jordan Mechner avoue n’avoir « jamais imaginé » que l’univers de son œuvre « perdurerait aussi longtemps ».
Créateur « indépendant », il se consacre désormais à son travail de dessinateur et scénariste de bande dessinée. A l’image de Replay: Mémoires d’une famille (éditions Delcourt), récit paru en avril où il retrace les parcours de son père et de son grand-père, réfugiés juifs autrichiens aux Etats-Unis, ayant fui l’arrivée au pouvoir du régime nazi avant la Seconde Guerre mondiale.
On y apprend notamment que son grand-oncle Joji avait pu s’installer en France peu après l’Anschluss… grâce à deux aquarelles d’Adolf Hitler acquises quelques années plus tôt, qu’il avait retrouvées en rangeant sa cave.
« Après sa retraite, mon grand-père a passé trois ans à écrire une grande mémoire familiale. Il fallait qu’un jour je transmette ces histoires incroyables avec lesquelles j’ai grandi », souligne Jordan Mechner.
L’auteur y mêle aussi sa propre vie, comme l’annonce à ses deux enfants de son expatriation professionnelle en France en 2015 pour un énième projet autour de « Prince of Persia ».
Ce qui donne un échange savoureux avec son fils: « Tu devrais faire autre chose que de tout le temps créer des ‘Prince of Persia' ». Relance de sa fille : « Ou au moins faire un ‘Princess of Persia' ».