La coalition et ses 59 sièges n’ont pas dit leur dernier mot
Bennett doit agir rapidement et prudemment alors que Ghaida Rinawie Zoabi n'est pas intéressée par un retour en arrière ; une possible dissolution de la Knesset se profile
La coalition devra agir rapidement pour se stabiliser et survivre au départ surprise de la députée Meretz Ghaida Rinawie Zoabi jeudi, qui a fait chuter le soutien au gouvernement du Premier ministre Naftali Bennett à une minorité de seulement 59 députés.
Si le départ de la députée de gauche limite davantage la capacité de la coalition à légiférer et contribue à créer un climat d’incertitude, il ne sonne pas immédiatement le glas du 36e gouvernement israélien.
Trois gouvernements ont survécu, par le passé, avec une minorité de 59 sièges sur les 120 que compte la Chambre, pendant un temps. Ils ont rapidement renforcé leur position grâce à un soutien extérieur ou avec l’arrivée de nouveaux membres supplémentaires à la coalition. Cela s’explique par le fait que les gouvernements israéliens ne s’effondrent pas du simple fait de la perte de leur majorité. Ils doivent être renversés de l’une des trois manières suivantes : un projet de loi visant à dissoudre la Knesset et à forcer la tenue d’élections ; une mesure de défiance constructive approuvée par 61 députés, en vertu de laquelle un gouvernement alternatif est approuvé sans recourir à des élections ; ou l’incapacité à adopter un budget d’État dans les délais requis.
Le Likud, parti leader de l’opposition, envisage déjà l’opportunité de proposer un projet de loi visant à dissoudre la Knesset dès mercredi prochain – jour réservé aux projets de loi de l’opposition et aux projets privés. La semaine dernière, le parti a retiré le même projet de loi après avoir réalisé qu’il n’aurait pas la majorité simple nécessaire pour passer la première des quatre lectures en plénière.
Si Rinawie Zoabi y apporte son soutien, cela pourrait rapprocher le pays de nouvelles élections, dès septembre.
Dans sa lettre de démission, Rinawie Zoabi a écrit qu’elle « mettait fin à [son] adhésion à la coalition ». Il n’est pas encore certain de ce que cela signifie, ou même si elle s’alliera effectivement à l’opposition.
Rinawie Zoabi suivra-t-elle le modèle de la députée Idit Silman, qui a anéanti la majorité de la coalition en la quittant inopinément il y a six semaines, mais qui, jusqu’à présent, s’est abstenue de voter plutôt que de voter contre ses anciens partenaires politiques ?
Pourrait-elle suivre les traces du député rebelle Amichai Chikli, qui n’a jamais rejoint son ancien parti Yamina lors du vote pour former la coalition et qui a voté contre elle lors des votes clés qui ont suivi ?
Rinawie Zoabi pourrait-elle emprunter une voie différente pour ce qui est de coopérer avec ou contre la coalition actuelle ?
Alors que Silman et Chikli ont quitté la coalition parce qu’ils s’alignaient idéologiquement davantage sur l’opposition de droite, Rinawie Zoabi est confrontée au scénario inverse.
Dans sa lettre de démission adressée à Bennett et au ministre des Affaires étrangères Yair Lapid – qu’elle a tous deux surpris par la nouvelle – Rinawie Zoabi a déclaré qu’elle était opposée au virage à droite pris par le gouvernement.
Le gouvernement s’est efforcé de consolider son soutien parmi les personnes proches de la droite, mais le départ de Rinawie Zoabi met en lumière les pièges d’un déplacement trop important dans l’une ou l’autre direction pour la coalition idéologiquement diverse.
« Malheureusement, ces derniers mois, en raison de considérations politiques étroites, les dirigeants de la coalition ont choisi de préserver et de renforcer leur flanc droit », a-t-elle écrit.
Contrairement à Silman et à Chikli, le principal reproche de Rinawie Zoabi est que la coalition n’a pas soutenu les intérêts de la société arabe.
Dans sa lettre, elle a attaqué la coalition, profondément divisée, pour avoir adopté des « positions bellicistes » sur des questions essentielles pour la société arabe. Elle a pointé du doigt les démolitions de maisons palestiniennes construites sans permis et une loi très controversée interdisant aux Palestiniens mariés à des Israéliens d’obtenir la résidence permanente en Israël.
Elle aurait pu utiliser son influence pour forcer la main de la coalition sur ces questions, mais au contraire, Rinawie Zoabi n’a posé aucun ultimatum. Elle n’a pas d’exigences immédiates ni de conditions particulières qui pourrait la faire revenir au sein de la coalition, a déclaré son porte-parole au Times of Israel. « Il est trop tôt pour parler de revendications. Pour l’instant, elle est hors de la coalition. »
Si Rinawie Zoabi ne semble pas intéressée par un retour au sein de la coalition, il est également peu probable qu’elle tende une main directe pour aider des figures de l’opposition comme Benjamin Netanyahu, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir à accéder au pouvoir.
Il y a deux semaines, le parti arabe majoritaire de la Liste arabe unie a contribué à déjouer une tentative du Likud d’instaurer immédiatement un nouveau gouvernement à la Knesset actuelle en s’abstenant de voter la mesure de défiance qui aurait déclenché le changement si elle avait été soutenue par 61 députés. Rinawie Zoabi pourrait adopter une approche similaire face à cette option spécifique de fin de coalition.
Mais la Liste arabe unie a signalé sa volonté de voter pour un projet de loi de dissolution ; la position de Zoabi envers un tel projet de loi est encore inconnue.
« Si le projet de loi est présenté mercredi, je voterais selon ma conscience et nous verrons ce qui se passera », a déclaré Rinawie Zoabi à la Douzième chaine jeudi soir, dans sa première déclaration publique sur la question.
Le porte-parole de Rinawie Zoabi a refusé de préciser si elle se sentait dans l’opposition et si elle voterait pour dissoudre la Knesset.
Dans ces conditions, l’opposition et la coalition doivent évaluer chacun de leurs mouvements. Avec l’ajout de la députée Meretz, l’opposition dispose de 61 sièges, répartis entre un bloc religieux de droite de 54 législateurs, six sièges détenus par la Liste arabe unie et le siège de Rinawie Zoabi.
Silman et Chikli font face à des sanctions pour avoir rompu avec Yamina, ce qui pourrait nuire à leur capacité à se présenter si de nouvelles élections sont organisées, et sont donc susceptibles de ne soutenir qu’une mesure qui remplacerait le gouvernement actuel sans un nouveau cycle d’élections, connue sous le nom de défiance constructive. Mais la Liste arabe unie a déjà déclaré qu’elle ne soutiendrait pas une telle mesure si elle faisait de Netanyahu le prochain Premier ministre.
Cela signifie que l’opposition pourrait se battre pour obtenir entre 58 et 61 voix contre les 59 de la coalition pour un projet de loi visant à dissoudre la Knesset et à organiser de nouvelles élections. Le Likud fera probablement pression sur Silman et Chikli pour obtenir leur soutien avant de présenter le projet de loi de dissolution à la Knesset, car si le projet de loi était rejeté, l’opposition devra attendre 6 mois avant de pouvoir le présenter de nouveau.
En ce qui concerne les options de la coalition pour influencer Rinawie Zoabi, elles pourraient être limitées.
Le plus grand levier de la coalition, la nomination de Rinawie Zoabi au poste de consul général d’Israël à Shanghai, n’est plus d’actualité, selon son porte-parole.
Rinawie Zoabi est entrée directement à la Knesset en tant que numéro 4 sur la liste de six sièges du Meretz. Cela signifie qu’elle n’est pas susceptible d’être destituée par la loi norvégienne, selon laquelle un ministre peut démissionner de son poste pour revenir à la Knesset et évincer le législateur qui l’a remplacé.
Pour l’instant, le Meretz affirme qu’il souhaite trouver un moyen de travailler avec sa députée rebelle.
« J’ai l’intention de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour persuader mon amie Ghaida Rinawie Zoabi de revenir travailler avec la coalition », peut-on lire dans une déclaration du chef de faction Michal Rozin dans les heures qui ont suivi le départ de Rinawie Zoabi.
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