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La communauté juive de Taïwan passe les fêtes de Pessah – sans masque

Alors que Taïwan demeure peu touchée par l'épidémie de Covid-19, la très diverse communauté juive de l'île se prépare pour Pessah comme tous les ans

Photo de groupe à la fête de Pourim 2021 de la communauté juive de Taiwan.(Archi Chang / via JTA)
Photo de groupe à la fête de Pourim 2021 de la communauté juive de Taiwan.(Archi Chang / via JTA)

L’artiste juif britannique Leon Fenster aime tellement sa ville adoptive de Pékin qu’il a conçu une Haggada qui lui est dédiée. Quand il a quitté la capitale chinoise pour Taiwan en 2020 au début de la pandémie, il a fait le vœu : l’année prochaine à Pékin, une fois de plus !

Un an plus tard, Fenster est toujours à Taiwan et n’a pas l’intention de partir. Il a passé toute l’année à s’intégrer à la petite communauté juive de l’île.

Aujourd’hui, il dirige l’office de Shabbat presque toutes les semaines pour le groupe de la communauté juive de Taiwan, une organisation juive reconnue par le gouvernement taïwanais. Lors de ces célébrations, ils jouent aux bongos et chantent tous ensemble. Cette semaine, il envisage de participer au Seder avec la communauté. Il y a tellement de personnes qui s’y sont inscrites pour y assister que les organisateurs craignent que le local qu’ils ont loué (anciennement une agence de voyage) soit saturé.

La célébration du Seder à Taïwan ressemblera beaucoup à la fête de Pourim que la communauté organise chaque année. Elle sera festive, sans masques et l’on y partagera de la nourriture tous ensemble. La célébration pouvant avoir lieu en groupe du fait de la formidable gestion de la Covid-19 par les autorités de l’île. La vie quotidienne (y compris la vie religieuse) s’est poursuivie pratiquement sans entrave à Taïwan depuis le début de la pandémie, bien que l’île ne soit située qu’à 160 km de la Chine, foyer du Covid-19. Taïwan, fort de sa population constituée de 23,5 millions d’habitants, n’a enregistré qu’environ 1 000 cas de COVID au total et seulement 10 décès. Les autorités n’ont posé aucune restriction sur les rassemblements.

La fête de Hanoukka a attiré près de 200 personnes, bien plus que les offices du Shabbat du vendredi soir qui en général n’accueillent que 60 participants maximum. La fête de Pourim, le mois dernier, a également vu affluer beaucoup de monde pour sa célébration.

Les événements de l’association juive de Taiwan ont pris un air de fête. (Archi Chang / via JTA)

« Après la célébration, on pouvait clairement se dire : ‘Eh bien, il s’agit probablement du plus grand rassemblement au monde pour fêter Pourim !’, a déclaré Ben Schwall, président de la communauté juive de Taiwan.

Schwall parle de cela avec ironie, mais à la vue des restrictions prises par pas mal de pays dans le monde pour lutter contre le Covid, il n’a peut-être pas si tort. En Israël, malgré les succès de la campagne de vaccination, les célébrations de Pourim n’ont pu être célébrées en groupe et publiquement. De nombreux pays comptant les plus grandes populations juives au monde, comme les États-Unis ou l’Angleterre, sont encore loin d’autoriser de grands rassemblements. D’autres, comme la France, imposent de nouveau des mesures de confinement strictes à la suite de nouvelles flambées de Covid-19.

Le fait que la vie ait continué avec peu d’interruptions à Taiwan s’est avéré être un coup de pouce pour la communauté juive de Taiwan. La communauté juive de Taiwan représente la plus grande communauté juive du pays à l’exception d’un « avant-poste local » du mouvement hassidique Habad Loubavitch.

L’organisation pluraliste comprend environ 200 familles : un mélange d’étudiants étrangers, d’hommes d’affaires, de diplomates et d’autres expatriés internationaux. En plus de cela, les amis, la famille et les non-juifs locaux viennent aux célébrations de la communauté (des repas et des services de prières), dans l’optique d’en apprendre davantage sur la culture et la nourriture juives. Schwall estime que 10 % des participants aux célébrations sont de fervents chrétiens, dont beaucoup appartiennent à l’importante population évangéliste et pro-israélienne du pays.

Les excellentes performances de Taiwan pendant la pandémie ont permis à certains étudiants et familles de rester sur place alors qu’ils envisageaient au départ de retourner chez eux. Fenster faisait partie de ces gens-là. D’autres, attirés par le pays, se sont installés à Taiwan pour la première fois au cours de l’année dernière, en pleine pandémie.

« J’ai discuté avec des amis aux États-Unis, et ils m’ont demandé : ‘Qu’est-ce que tu fous à Taiwan ?’ Je leur ai répondu : ‘Eh bien, ici, ils essaient cette nouvelle approche de l’éducation qui s’appelle l’école’, » témoigne Neil Peretz, un californien, avocat et entrepreneur de profession, qui a déménagé avec sa famille à Taïwan en 2020. « Ici tous les enfants vont dans un bâtiment commun. Ils y vont tous ensemble et sont regroupés par âge. Et dans ces bâtiments, vous savez, il y a des personnes plus âgées qui leur enseignent des choses et que l’on appelle justement les enseignants », poursuit Peretz avec ironie.

Il y a plus de 25 ans, Peretz a travaillé un moment dans les services consulaires américains en Chine. C’est à cette occasion qu’il a appris le cantonais. Après avoir vu ses deux filles galérer avec l’enseignement à distance, il a commencé à chercher un endroit où déménager pour s’y installer avec sa petite famille. Il s’est également dit que ce serait une occasion en or pour qu’elles puissent apprendre une langue étrangère.

Après avoir suivi des études supérieures en logistique des processus d’immigration, il a postulé dans le cadre du programme ‘carte d’or’, lancé par Taiwan en 2018 pour attirer les professionnels étrangers (un exploit ardu qui a pris des mois et a totalisé plusieurs séries de candidatures). Plus de 1 600 personnes ont déménagé à Taiwan dans le cadre du programme depuis le début de la pandémie, contre moins de 400 l’année précédente, selon un récent rapport du New York Times.

Lorsque sa famille est arrivée, elle a connu un petit choc culturel, exacerbée par le fait que Peretz continuait à travailler aux États-Unis, avec une demi-journée de décalage horaire (Taïwan a 12 ou 13 heures d’avance sur l’heure de la côte Est américaine et 15 ou 16 heures d’avance sur l’heure de Californie.)

Rejoindre la communauté juive a empêché le sentiment de « dislocation » de la famille. Cela les a également mis en contact avec un ensemble diversifié de Juifs enracinés à Taiwan ou simplement en visite.

Les activités familiales font partie intégrante de la programmation de l’association communautaire de Taiwan. (Archi Chang / via JTA)

« Je me sens parfois un peu comme un anthropologue juif », ajoute Peretz, qui fréquentait auparavant une synagogue réformée de la Silicon Valley.

Les voyageurs internationaux sont autorisés à entrer à Taïwan pour des raisons professionnelles ou familiales à condition qu’ils présentent un test COVID négatif et s’astreignent à une quarantaine dès leur arrivée dans le pays. Il n’y pas si longtemps que cela, un vendredi soir, Peretz nous raconte qu’il s’est retrouvé assis avec des invités français ; avant cela, qu’il avait rencontré des Australiens et des Américains.

« Nous n’avons pas tous la même manière de pratiquer les offices. Il y a des nuances ou des approches différentes des chants liturgiques, des prières etc. », témoigne Peretz. « Mais cette grande diversité offre en fait une excellente opportunité d’apprentissage, car je pense que si vous êtes dans une grande congrégation, aux États-Unis, par exemple, où il y a beaucoup d’infrastructures, alors vous faites toujours les choses d’une certaine manière. Vous faites tout le temps de la même manière le rite. Et vous vous dites : ‘Oh, c’est comme ça que nous faisons.’ Et vous ne vous rendez pas compte, ou vous vous ne posez pas la question de connaître la signification du rite que vous pratiquez . Participer à la diversité de notre communauté, ici à Taïwan, nous permet d’apprendre plus sur notre propre manière (en fonction de nos origines) de pratiquer le judaïsme. »

La communauté juive de Taïwan est actuellement en train de penser à agrandir ses lieux de culte et d’offices religieux. Schwall affirme que l’équipe de direction envisageait d’acheter un bâtiment pour la synagogue (surtout maintenant que les événements accueillent un très grand public). Les membres ne paient pas de cotisation, donc faire un tel achat pourrait être un défi. L’organisation est actuellement financée par des donateurs privés.

« Nous devons surveiller nos finances », confie-t-il. « Mais si l’opportunité se présentait, nous l’envisagerions certainement. »

Les services religieux prennent également un ton différent avec l’implication de Fenster, un architecte qui a grandi à Londres et a déménagé à Pékin en 2015. Schwall dit que Fenster a revigoré les services religieux de la communauté, en particulier pour les familles et leurs enfants, grâce à ses talents de chantre (ce qui fait de lui un digne héritier de la tradition établie par le rabbin Ephraim Ferdinand Einhorn, qui a maintenant 102 ans).

Einhorn, né à Vienne, a fait ses études en Europe et fut ordonné à Londres. Il représente un lien direct avec le passé juif de Taïwan. À la suite d’un traité de défense dans les années 1950 entre les États-Unis et Taïwan, des militaires et des fonctionnaires américains sont arrivés sur l’île. Au cours des décennies suivantes, davantage d’hommes d’affaires internationaux ont afflué sur l’île, entraînant avec lui un petit nombre d’hommes d’affaires juifs. La communauté juive s’est d’abord installée dans la petite banlieue de Taïpei jusque dans les années 1970, lorsque le rapprochement de Nixon avec la Chine a mis en suspens les relations des États-Unis avec Taïwan.

Mais alors même que la présence sur l’île du gouvernement américain est moins évidente que par le passé (les États-Unis n’ont pas d’ambassade officielle à Taïwan), les Juifs américains ont décidé de rester pour notifier à la Chine qui a des prétentions sur l’île, que même si officiellement les Etats-Unis sont en retrait, officieusement il reste une présence américaine à Taïwan. La communauté juive de Taïwan s’est enregistrée officiellement auprès du gouvernement en 1977.

Einhorn a déménagé à Taïwan pour raisons d’affaires en 1975 et il a commencé à diriger un minyan [NdT : le quorum de dix hommes nécessaire à la récitation de certains passages de la prière et à la lecture de la Torah] composé d’hommes d’affaires se réunissant dans un hôtel de Tapei. Son groupe a fusionné avec la communauté juive dans les années 90, lorsque l’économie taïwanaise a abandonné certaines de ses industries traditionnelles, comme la confection de vêtements et de chaussures. Il a dirigé des services religieux pendant des décennies jusqu’à ce que des problèmes de santé l’obligent à arrêter, mais il continue d’assister à des offices et à des événements propres à la communauté juive de l’île.

Au fil du temps, la communauté a représenté un refuge pour quelques convertis taïwanais au judaïsme, comme Zoy Chang, qui l’a rejoint en 2005 et s’est convertie en 2012. Elle a noté que les Taïwanais, comme beaucoup d’Asiatiques de l’Est, ont pas mal de stéréotypes sur le Juifs comme par exemple le fait qu’ils sont « très intelligents et très riches ».

Mais c’est surtout l’aspect religieux du judaïsme qui a motivé Chang à se convertir et à quitter la chrétienté.

« L’une des raisons pour lesquelles j’ai quitté le christianisme est que le pasteur me disait tout le temps de prier. Il nous disait que si nous ne faisions pas le bien, alors il fallait prier davantage », confie-t-elle. « Avec le judaïsme, si j’ai une question morale ou éthique à poser au rabbin, il ne me dira pas de prier systématiquement mais me montrera la voie pour obtenir la réponse à mes questions… m’indiquera où est-ce que je peux en trouver une…. même si au final je n’obtiendrai pas cette réponse… Je préfère ce procédé spirituel, qui selon moi est meilleur ».

L’ancien ambassadeur des États-Unis en Israël, Dan Shapiro, participe à la conférence Meir Dagan pour la stratégie et la défense, au collège de Netanya, le 21 mars 2018. (Meir Vaaknin/Flash90)

Don Shapiro est l’un des membres notables de la communauté juive de Taïwan. Il est l’oncle de l’ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro. Don s’est installé à Taïwan, il y a de cela près de 50 ans. À 77 ans, Shapiro aime se présenter comme l’historien officieux de la communauté juive de l’île. Il a écrit une courte chronique de la communauté juive, qu’il a d’ailleurs présidée dans les années 1980-1990.

Shapiro confie que c’est d’abord la nourriture qui l’a attiré à Taïwan. C’est dans sa jeunesse à New York, du temps où il était étudiant à l’Université Columbia, qu’il goûta pour la toute première fois de sa vie à la cuisine taïwanaise.

« J’étais également très attiré par les caractères [de l’alphabet chinois] et je voulais les connaître davantage. Quand je suis arrivé à Taiwan, j’ai trouvé que la nourriture y était encore meilleure que ce que j’avais imaginé ou que j’avais pu goûter à New York. A Taïwan, elle y était beaucoup plus variée », déclare-t-il. « Depuis que je suis arrivé ici, il serait mensonger de dire que je n’ai pas pris un peu de poids. Mais j’ai eu l’occasion de déguster d’excellents repas ! ».

Shapiro décida de rester sur l’île après avoir pris sa retraite en tant que journaliste pour le Time Magazine et le pour le New York Times. Son installation est due à de multiples expériences positives (professionnelles, familiales, amicales etc.) qu’il a connues sur l’île mais aussi au fait qu’il s’est vite et bien intégré à la communauté juive locale.

« Les Taïwanais sont, je pense, les personnes les plus gentilles au monde ! », déclare-t-il. « Les Taïwanais ont un profond respect pour leurs invités étrangers. »

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