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La communauté juive pleure Elie Wiesel, le Roumain qui incita le pays à assumer son passé

Sans Elie Wiesel il sera "plus difficile" de construire l'unité européenne, selon le chef historique de Solidarité

Elie Wiesel, auteur, prix Nobel de la Paix et survivant de la Shoah, devant l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 24 janvier 2005. (Crédit : Don Emmert/AFP)
Elie Wiesel, auteur, prix Nobel de la Paix et survivant de la Shoah, devant l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 24 janvier 2005. (Crédit : Don Emmert/AFP)

Les Juifs de Roumanie pleuraient dimanche le prix Nobel de la paix Elie Wiesel, un rescapé de la Shoah originaire de ce pays qui a œuvré pour que Bucarest reconnaisse sa responsabilité dans cette page sombre de l’Histoire.

« Nous regrettons énormément le décès d’Elie Wiesel, un homme qui nous a légué le devoir de préserver la mémoire de l’Holocauste et de veiller à ce que cette tragédie ne se répète pas », a déclaré à l’AFP le président de la Fédération des communautés juives de Roumanie, Aurel Vainer.

« C’est grâce à son travail que la Roumanie a proclamé en 2004 une Journée nationale de commémoration de l’Holocauste, marquée tous les ans le 9 octobre », date marquant le début des déportations des Juifs en Transdniestrie par le maréchal pro-nazi roumain Ion Antonescu, en 1941.

En 2003, après un tollé international provoqué par des propos de l’ancien président Ion Iliescu relativisant l’Holocauste, Bucarest décida de mettre en place une commission internationale d’experts pour faire la lumière sur le rôle de la Roumanie, nié jusque là, dans l’extermination des Juifs.

Elie Wiesel, auteur, prix Nobel de la Paix et survivant de la Shoah, devant une photo de lui (3e à droite, en bas) et d'autres détenus au camp de concentration de Buchenwald en 1945, pendant sa visite au musée et mémorial de l'Holocauste Yad Vashem, à Jérusalem, le 18 décembre 1986. (Crédit : AFP/Sven Naxkstrand)
Elie Wiesel, auteur, prix Nobel de la Paix et survivant de la Shoah, devant une photo de lui (3e à droite, en bas) et d’autres détenus au camp de concentration de Buchenwald en 1945, pendant sa visite au musée et mémorial de l’Holocauste Yad Vashem, à Jérusalem, le 18 décembre 1986. (Crédit : AFP/Sven Naxkstrand)

Elie Wiesel fut nommé président de cette commission.

Selon le rapport rendu par ces experts en 2004 et endossé par Bucarest, entre 280 000 et 380 000 juifs roumains et ukrainiens sont morts sous le régime Antonescu entre 1940 et 1944, dans les territoires contrôlés par la Roumanie.

« Elie Wiesel s’est beaucoup investi dans les travaux de cette commission et a œuvré pour que l’on aboutisse à un consensus sur de nombreux points », a expliqué Vainer, alors que certaines voix rejettent toujours toute responsabilité de Bucarest dans la Shoah.

« Je suis né en Roumanie et j’avais lu tout ce qui concerne l’Holocauste et pourtant j’ignorais ce qui s’est passé en Transdniestrie », avouait Wiesel en 2004, lors de la publication de ce rapport.

« Je ne savais pas qu’il y avait eu tant de brutalité, née exclusivement de l’antisémitisme », avait-il ajouté.

Né le 30 septembre 1928 à Sighet (ville du nord de la Roumanie qui en 1940 avait été rattaché à la Hongrie), dans une famille pauvre, Elie Wiesel est déporté à 15 ans à Auschwitz-Birkenau où sa mère et sa plus jeune sœur sont assassinées. Son père meurt devant lui à Buchenwald où ils ont été transférés.

Ses souvenirs d’enfant déporté furent racontés dans son premier roman, La Nuit (1958).

‘Une grande perte’

« C’est une grande perte non seulement pour la communauté juive mais pour l’humanité dans son ensemble », confie à l’AFP Liviu Beris, un survivant de l’Holocauste qui avait travaillé aux côtés d’Elie Wiesel au sein de la commission d’experts.

Elie Wiesel en 1987 (Crédit : CC BY-SA wikimedia commons, Erling Mandelman)
Elie Wiesel en 1987 (Crédit : CC BY-SA wikimedia commons, Erling Mandelman)

Il évoque la capacité de l’historien d’ « empathie avec la souffrance humaine » et sa révolte « contre toute forme d’injustice ».

Selon lui, Elie Wiesel, membre de l’Académie roumaine depuis 1996, n’a jamais oublié sa ville natale et les gens ayant marqué son enfance.

A Sighet, la maison où il est né a été transformée en lieu de souvenir de l’Holocauste en 2002, et « les habitants lui portent un souvenir empreint de respect », a ajouté Beris.

« Avec la disparition d’Elie Wiesel nous avons tous perdu l’une des voix les plus fortes s’élevant contre l’oubli et le négationnisme », a affirmé le président roumain Klaus Iohannis dans un communiqué.

« La leçon de vie offerte au monde entier sera toujours pour nous une source d’inspiration », a-t-il ajouté.

Le prix Nobel de la paix était venu pour la dernière fois en Roumanie en 2002, pour une visite lors de laquelle il fut décoré par Iliescu pour son rôle dans la « promotion de la paix ».

Deux ans plus tard, il renvoyait la médaille à l’ex-chef de l’Etat, en dénonçant la décision de ce dernier de décorer également deux « antisémites et négationnistes connus », le poète et chef de l’extrême droite Corneliu Vadim Tudor et l’historien Gheorghe Buzatu.

« Elie Wiesel demeurera une référence de droiture morale », a déclaré dimanche la porte-parole de l’Institut de recherche sur l’Holocauste fondé en 2005 à Bucarest et portant le nom du prix Nobel.

Walesa : sans Elie Wiesel il sera « plus difficile » de construire l’unité européenne

Le chef historique de Solidarité Lech Walesa a rendu hommage dimanche à Elie Wiesel mort samedi à New York, « sans qui il sera désormais plus difficile de construire l’unité européenne », a rapporté l’agence PAP.

« Les gens qui comprennent les temps anciens et nouveaux, qui sont passés par ces grandes tragédies, on en a d’autant plus besoin aujourd’hui pour construire l’unité européenne et la globalisation », a déclaré à Gdansk, le berceau de Solidarité, Walesa, 72 ans, lui-même prix Nobel de la Paix.

« Les gens comme lui sont ceux qui qui détiennent les preuves. Eux-mêmes sont des preuves et quand ces gens ne seront plus là, il nous sera d’autant plus difficile de construire » l’unité européenne, a-t-il ajouté.

« Lors de nos rencontres, nous avions eu les mêmes opinions », a déclaré Walesa soulignant que sa mort samedi était une perte pour l’humanité.

Elie Wiesel, rescapé de la Shoah et prix Nobel de la paix, est mort à l’âge de 87 ans à New York après avoir consacré sa vie à perpétuer la mémoire de l’Holocauste.

« Avec la plus grande tristesse et regret nous avons appris la mort du professeur Elie Wiesel, ancien déporté au camp allemand nazi d’Auschwitz-Birkenau », a écrit le ministre polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski, soulignant qu’il fut « un des témoins les plus connus de l’Holocauste », qui « s’est chargé de la difficile mission de perpétuer dans la mémoire collective du monde la vérité sur l’Holocauste. »

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