La Cour suprême israélienne invalide la candidature d’un leader d’extrême droite
La justice a interdit la candidature du chef d'Otzma Yehudit. Elle a approuvé la liste arabe, les présences d'un candidat juif d'extrême gauche et de Ben Gvir d'Otzma Yehudit

La Cour suprême a annoncé dimanche avoir invalidé la candidature de Michael Ben-Ari, chef de file du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, accusé par le procureur général d’Israël de « racisme anti-Arabe ». Elle a par ailleurs autorisé la participation au scrutin de la liste d’un parti arabe et celle d’un candidat juif d’extrême-gauche.
C’est lors d’un vote – avec 8 voix « pour » et une voix « contre » – que les magistrats ont voté en faveur de la disqualification de Ben Ari en raison de son idéologie anti-arabe et de ses incitations à la violence.
La candidature controversée de cet homme politique avait été validée le 6 mars par la commission électorale, mais le parti de gauche Meretz avait saisi la Cour suprême pour l’écarter du scrutin.
Ce jugement prônant l’interdiction d’un individu – et non d’un parti ou d’une faction – est sans précédent dans l’histoire de la Cour suprême.
Ben Ari a répondu à cette décision en condamnant une « junte judiciaire qui cherche à prendre le contrôle de nos vies ».

Les juges ont en revanche fait savoir que Itamar Ben Gvir, qui appartient également à la formation d’extrême-droite, est autorisé à se présenter.
Ils ont aussi donné le feu vert à une participation au scrutin du 9 avril à Ofer Kassif ainsi qu’aux factions de Balad-Raam. Kassif est le seul candidat juif à figurer que la liste Hadash-Taal et il avait été disqualifié par la commission centrale électorale en raison de déclarations controversées faites dans le passé, notamment une dans laquelle il avait qualifié la ministre de la Justice Ayelet Shaked de « racaille néo-nazie ».

Les jugements de dimanche viennent renverser les décisions prises par la commission centrale électorale qui avait écarté la semaine dernière Raam-Balad et Kassif du scrutin et validé la candidature de Ben Ari. Les décisions de la commission doivent être approuvées par la cour.
Shaked, qui cherche à limiter les capacités de l’instance judiciaire, a déclaré que les magistrats qui ont interdit Ben Ari « tout en accordant un certificat casher aux partis qui soutiennent le terrorisme » s’est livré à une « interférence crasse et malencontreuse au coeur de la démocratie israélienne ».
Hadash-Taal et Raam-Balad sont les deux principales alliances arabes se présentant le 9 avril devant les électeurs. La candidature de Raam-Balad avait été remise en cause par la droite israélienne, selon les lois qui disqualifient les entités contestant la définition d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique ou qui apportent leur soutien à l’opposition armée.
Raam-Balad avait fait appel de son interdiction devant la Cour suprême, disant que la décision de la commission allait à l’encontre d’une recommandation émise par le procureur-général Avichai Mandelblit qui avait estimé que les preuves présentées contre le parti étaient datées et qu’une tentative précédente de l’empêcher de se présenter au scrutin avait d’ores et déjà été rejetée par le tribunal.
Raam-Balad a salué la décision prise par les magistrats dimanche, disant que l’interdiction originale était « une décision politique sans base de preuve qui a, une fois encore, échoué à l’examen de la Haute cour ».

« Nous sommes fiers de notre identité, de notre vision démocratique et nous appelons l’opinion publique démocratique en Israël, Juifs et Arabes de la même manière, à s’unir autour de notre liste contre la campagne d’incitations et de délégitimation entreprise à l’égard de la société arabe et ses responsables élus », a noté un communiqué.
Ben Ari, leader du parti Otzma Yehudit — qui fait dorénavant parti de l’Union des partis de droite – a fait face à de multiples initiatives visant à déclarer hors-la-loi sa candidature selon l’article 7A de la Loi fondamentale : La Knesset, qui inclut « l’incitation au racisme » comme l’une des trois actions susceptibles de disqualifier la participation d’un candidat à la Knesset.
Mandelblit, le procureur-général, avait vivement recommandé à la cour de le faire interdire, citant ses longs antécédents de racisme « grave et extrême ».
Ben Ari a insisté sur le fait qu’il n’était pas raciste et que les propos récents repris dans l’appel contre lui avaient été sortis de leur contexte.
La semaine dernière, le tribunal avait eu un débat animé sur la candidature de Ben Ari et de Ben Gvir, qui appartient lui aussi à Otzma Yehudit, avec des représentants du bureau du procureur de l’Etat qui avaient recommandé avec force d’interdire au premier toute participation aux élections.
Lors de l’audience qui avait eu lieu jeudi, Aner Helman, du ministère public, avait fait valoir que l’ancien député de l’Union nationale incitait au racisme depuis des années et que dans ses discours enregistrés tout au long de sa carrière, il ne faisait pas de distinction entre le grand public arabe et les ennemis de l’Etat. Il avait noté que pour Ben-Ari, les Arabes « n’ont pas de visage, ils sont tous des traîtres, une cinquième colonne, et une nation de meurtriers ».
Ben-Ari, qui a été député du parti de l’Union nationale en 2009-2012, était cinquième sur la liste de l’Union des partis de droite, une fusion d’Otzma Yehudit avec HaBayit HaYehudi aux côtés de l’Union nationale. Ben Gvir était huitième sur la liste commune et il prendra dorénavant la septième place.

Le dirigeant de HaBayit HaYehudi, Rafi Peretz, a réagi au jugement de dimanche en déclarant que « dans l’Etat d’Israël, il y a une démocratie seulement qu’en apparence. Le système judiciaire s’est adjugé le droit de choisir pour les citoyens israéliens d’une manière qui n’a aucun précédent. Kassif et Tibi sont toujours là mais un Juif sioniste dont les enfants ont servi au sein de Tsahal a été sorti ».
Le 6 mars, la commission centrale électorale avait rejeté de justesse, par 16 voix contre 15, les recours formulés contre la candidature d’Otzma Yehudit à la Knesset.
Le juge Uzi Fogelman avait dénoncé Ben-Ari, soulignant un rassemblement qu’il avait dirigé en 2018 dans la ville d’Afula, au nord du pays, contre un appel d’offres ouvert à tous ses habitants, y compris les Arabes israéliens. Ben-Ari avait affirmé lors de la manifestation que l’appel d’offres « a été ouvert à l’ennemi comme une forme d’égalité des droits ».
Les juges avaient ensuite cité des propos de Ben-Ari tenus dès le mois de mai 2018 : « Nous devons appeler les choses par leur nom – ils sont nos ennemis, ils veulent nous anéantir. Bien sûr, il y a des Arabes loyaux, mais ils représentent moins de 1 %. Malheureusement, l’écrasante majorité d’entre eux sont des partenaires à part entière de leurs frères à Gaza ».
Le représentant légal de Ben-Ari, Itzhak Bam, avait riposté que son client n’avait « aucun problème » avec les Arabes israéliens qui sont fidèles à l’Etat d’Israël en tant qu’Etat du peuple juif.
Interrogé par le juge Yitzhak Amit sur la question de savoir si 99 % des Arabes israéliens étaient à considérés comme des « ennemis » s’ils ne s’identifiaient pas à ce point de vue, l’avocat de Ben-Ari avait confirmé : « C’est la logique ». Il avait ajouté qu’il était difficile de dire le pourcentage exact d’Arabes israéliens concernés dorénavant car « quiconque exprime ces opinions est ostracisé, condamné ».
Une fois la discussion terminée, Ben Gvir avait été filmé en train de se disputer avec Ata Abu Madighem, candidat de Raam-Balad à la Knesset, à l’extérieur de la salle d’audience, en lui criant : « Terroriste, si vous n’êtes pas loyal, vous devriez être expulsé ».
Abu Madighem avait répondu en criant : « Vous êtes une crapule, une ordure ».

Les dirigeants d’Otzma Yehudit se sont eux-mêmes décrits comme de fiers disciples de feu le rabbin Meir Kahane, qui prônait entre autres l’expulsion de force des Arabes d’Israël et de Cisjordanie et qui avait proposé une loi interdisant les relations sexuelles inter-ethniques. Le parti Kach de Kahane avait été déclaré illégal par les autorités israéliennes.
Otzma Yehudit dit aujourd’hui qu’il est favorable à l’émigration des non-juifs d’Israël et à l’expulsion des Palestiniens et des Arabes israéliens qui refuseraient de déclarer leur loyauté envers Israël et d’accepter un statut inférieur dans un État juif plus étendu, dont la souveraineté s’étendrait sur l’ensemble du territoire de la Cisjordanie.
Ben Gvir est l’un des nombreux dirigeants d’Otzma Yehudit à avoir accroché une photographie du meurtrier de masse Baruch Goldstein à un mur de sa maison. Goldstein avait tué 29 fidèles musulmans et en avait blessé 125 autres lors d’une fusillade au Tombeau des Patriarches à Hébron en 1994.
L’union du parti avec HaBayit HaYehudi a été orchestrée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu le mois dernier afin d’éviter de perdre des voix de droite si les partis individuels ne franchissaient pas le seuil de 3,25 % fixé par la Knesset. Cependant, la perspective qu’Otzma Yehudit obtienne un siège à la Knesset a attiré les critiques des législateurs israéliens et des principales organisations juives dans le monde.
L’AFP a contribué à cet article.
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