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La Knesset demande des comptes après la révocation de la citoyenneté de Bédouins

La communauté affirme que le ministère de l'Intérieur a rétrogradé le statut d'un grand nombre, devenus résidents permanents - sans droit de vote ni possibilité de voyager

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Photo d'illustration : Un berger bédouin regarde ses moutons dans le désert de Judée, le 26 octobre 2019 (Crédit : Sara Klatt/Flash90)
Photo d'illustration : Un berger bédouin regarde ses moutons dans le désert de Judée, le 26 octobre 2019 (Crédit : Sara Klatt/Flash90)

Salim al-Dantiri, un Bédouin originaire du sud du désert du Negev, votait régulièrement aux élections. Quand il était jeune, il avait fait son service militaire au sein de l’armée israélienne – comme cela avait été le cas de son père, de ses frères, et comme l’ont fait ses fils.

Puis, il y a une vingtaine d’années environ, il s’est rendu dans un bureau du ministère de l’Intérieur pour une affaire de routine. C’est à ce moment-là qu’il a appris qu’il était devenu un simple « résident permanent » de l’Etat juif et que la citoyenneté dont il avait bénéficié jusqu’alors lui avait été accordée « par erreur », mais qu’il pouvait toutefois se porter à nouveau candidat à la nationalité israélienne.

Il l’a fait – en vain pour le moment.

« Ma famille entière a la citoyenneté, sauf moi », a déploré Salim, qui habite le village de Bir Hadaj, devant les membres d’une commission de la Knesset, la semaine dernière.

« Cela fait des années que je transmets aux autorités des documents scolaires, militaires, écrits par le sheikh, qui me dont donnés par le village – et on me dit d’attendre un an, puis de réclamer à nouveau la citoyenneté. J’attends un an, je paie une nouvelle fois et je me porte candidat – et là, on me dit d’attendre deux ans », a-t-il raconté.

Salim al-Dantiri devant la commission des Affaires intérieures et de l’Environnement, le 11 août 2020 (Capture d’écran)

La différence principale entre les statuts de citoyen et de résident permanent en Israël est qu’un résident permanent n’a pas le droit de vote et qu’il ne peut pas obtenir un passeport.

Environ 370 000 Bédouins vivent en Israël et environ 250 000 d’entre eux sont installés dans le Negev. Contrairement à la majorité des Arabes israéliens, certains Bédouins, comme les Druzes, font leur service militaire.

Salim est un exemple d’une politique du ministère de l’Intérieur visant à corriger des « erreurs ministérielles » qui auraient été commises lors des enregistrements. Le ministère, qui avait confirmé avoir mis en oeuvre cette politique en 2016, insiste sur le fait qu’elle ne vise pas à retirer la citoyenneté – ce qui serait illégal.

La clause 11 de la Loi sur la citoyenneté de 1952 établit que le ministère de l’Intérieur est en droit d’annuler la citoyenneté d’un individu simplement si cette dernière a été obtenue sur la base de fausses informations et si elle a été octroyée au cours des trois années précédentes. Si ces trois ans ont expiré, seul le tribunal pourra décider d’une telle annulation.

Personne ne sait finalement quelles « erreurs » spécifiques ont pu être commises, le ministère de l’Intérieur n’ayant fait part d’aucune information. Mais elles seraient apparemment relatives à la manière dont l’Autorité de la population avait enregistré initialement les Bédouins lors des toutes premières années chaotiques de l’Etat, et liées également à des erreurs de typographie survenues lorsque les données écrites à la main avaient été informatisées dans les années 1980.

La gouvernance militaire imposée à tous les Arabes israéliens entre 1951 et 1967 avait impliqué que les déplacements étaient soumis à des autorisations préalables et que tout le monde n’était pas en mesure de se rendre au ministère de l’Intérieur pour s’y faire inscrire – certains n’avaient même pas eu connaissance de cette nécessité.

Ces « erreurs » semblent avoir principalement concerné des personnes issues de la tribu al-Azazme, qui vit dans les montagnes du Negev, depuis le sud de Beer Sheva jusqu’à Mitzpe Ramon.

La semaine dernière, le député Said al-Harumi de la Liste arabe unie à majorité arabe, lui-même membre de la tribu al-Azazme, avait déclaré devant la commission des Affaires intérieures et de la protection environnementale qu’aux environs de 2002, les initiatives visant à réexaminer les droits à la citoyenneté des Bédouins du Negev avaient été renforcées. Cette année-là, le gouvernement avait décidé de geler l’octroi de la citoyenneté aux Palestiniens dans le cadre du regroupement familial.

Le député de la Liste arabe unie Said al-Harumi. (Crédit : wikimedia, Sami Abed Elhamed, CC BY SA 3.0)

A partir de ce moment-là, certains Bédouins qui s’étaient rendus dans les bureaux du ministère de l’Intérieur pour effectuer un certain nombre de démarches – du renouvellement d’un passeport au remplacement de documents perdus – avaient commencé à faire l’objet de telles « corrections », entrant en tant que citoyens de l’Etat juif et quittant les locaux comme résidents permanents. Les employés se contentaient de changer les statuts sur leurs ordinateurs, sans explication donnée ni opportunité de s’expliquer ou de faire appel.

« Quand on vous ôte la citoyenneté, c’est un long voyage qui commence sans qu’on vous apporte de réponses », a déclaré al-Harumi. « Et cela entraîne une souffrance terrible ».

Celles et ceux qui perdent leur citoyenneté ne sont plus en mesure de quitter Israël pour se rendre, par exemple, à la Mecque pour y faire le Hajj, a-t-il ajouté. Il est également impossible de voter lors des scrutins.

« Si leurs pères ou leurs grands-pères se sont enregistrés pendant ces années-là, pourquoi doivent-ils en payer le prix soixante-dix ans plus tard ? », s’est-il interrogé.

Le parlementaire Sondos Saleh, lui aussi membre de la Liste arabe unie, a ajouté que la politique mise en oeuvre ne faisait qu’approfondir un sentiment de défiance à l’égard des autorités.

Le problème avait été pour la première fois soulevé en 2015 quand la législatrice de la Liste arabe unie, Aida Touma-Sliman, avait visité des villages bédouins dans le Negev alors qu’elle était présidente de la commission sur le Statut des femmes et l’égalité des genres. Un grand nombre de personnes lui avaient alors raconté que leur citoyenneté leur avait été retirée. Dans certaines familles, un enfant pouvait avoir le statut de citoyen et un autre n’était que résident permanent.

La députée Aida Touma-Sliman dirige une commission sur le Statut des femmes et l’égalité entre les sexes à la Knesset, le 21 novembre 2017 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Lors d’un débat devant la commission des Affaires intérieures de la Knesset au mois de décembre de cette année-là, le ministère de l’Intérieur avait confirmé mener une telle politique et le conseiller juridique de la commission de l’époque, Gilad Keren, avait mis en doute sa légalité en s’appuyant sur la Loi sur la citoyenneté de 1952.

La semaine dernière, lors d’une deuxième réunion de commission qui a examiné si de telles « corrections » avaient encore lieu, Keren a fait savoir que son positionnement n’avait pas changé.

Entraînant la stupéfaction des membres de la commission, un conseiller juridique de l’Autorité de la population et de l’immigration du ministère de l’Intérieur a maintenu : « Il ne s’agit pas d’annuler une citoyenneté dans la mesure où ces gens ne l’ont finalement jamais acquise. Par exemple, un dossier dira d’un individu qu’il est citoyen permanent, né de citoyens permanents mais, sur l’ordinateur, ce même individu aura été par erreur enregistré en tant que citoyen ».

Ronen Yerushalmi, chef de la Citoyenneté au sein de l’Autorité de la population et de l’Immigration au ministère de l’Intérieur, s’exprime devant la commission des Affaires intérieures et de l’Environnement à la Knesset, le 11 août 2020 (Capture d’écran)

De hauts-responsables de l’Autorité ont admis que certains Bédouins pourtant détenteurs de cartes d’identité israéliennes mais dont il s’est avéré qu’ils étaient les descendants de résidents permanents, ne seraient pas en mesure de réclamer un passeport.

La présidente de la commission, Miki Haimovitch, a rétorqué que « si vous n’émettez pas un passeport, cela signifie que vous annulez leur citoyenneté… Il y a quelque chose de tordu dans le fait que des personnes, citoyennes depuis des années, aient besoin de prouver leur citoyenneté. Ces gens n’ont en rien contrevenu à la loi ».

Ronen Yerushalmi, chef de la citoyenneté au sein de l’Autorité de la population et de l’immigration, a indiqué que les recherches effectuées sur le statut des Bédouins du Negev bénéficiant de la citoyenneté avaient mis en évidence 2 626 cas douteux. Sur ces derniers, la citoyenneté de 2 124 personnes a ensuite été confirmée et les 500 autres « ne sont pas parvenues à honorer les conditions » nécessaires à la citoyenneté parce qu’à leur naissance, leurs parents n’étaient pas eux-mêmes enregistrés comme citoyens.

Yerushalmi a indiqué que les ministres de l’Intérieur et de la Justice avaient convenu de régler la question en accélérant le processus de demande de citoyenneté pour ceux qui devraient s’y porter candidats. Sur les 500 personnes qui ont ensuite été convoquées dans les bureaux du ministère dans cet objectif, 362 ont reçu « très rapidement » la citoyenneté. Sur les 140 restants, 134 ne se sont pas présentés et six n’ont pas obtenu la citoyenneté pour « d’autres raisons ».

Un responsable de la Justice a insisté sur le fait qu’il « n’y a pas eu de refus jusqu’à présent ».

Oded Feller, directeur du département juridique de l’Association des droits civils en Israël, a proposé que le ministère de l’Intérieur utilise son autorité en vertu de la clause 9 de la Loi sur la citoyenneté pour régler le problème. Cette clause permet au ministre de l’Intérieur d’accorder la citoyenneté pour des raisons spéciales – à des Justes parmi les nations ou à des athlètes d’exception, par exemple – et de le faire de façon rétroactive.

L’élu de Kakhol lavan Ram Ben-Barak s’exprime lors d’un événement culturel dans la ville du centre de Shoham, le 2 août 2019. (Tomer Neuberg/Flash90 )

Le député Ram Ben Barak (Yesh Atid-Telem), ex-vice directeur du Mossad et ancien directeur-général du ministère des Renseignements et du ministère des Affaires stratégiques, a pour sa part estimé que « sans aucun doute, il y a un sentiment de discrimination pour des raisons racistes… Dans le cas des Bédouins du Negev, en général, l’Etat, avant toute autre chose, devrait avoir honte ».

« On doit les traiter comme tous les autres citoyens, en impliquant tous les ministères concernés. Nous sommes en 2020. Il y a neuf millions de citoyens ici. Tous sont égaux et ils doivent être traités de manière égalitaire », a-t-il ajouté.

La commission a donné pour instruction au ministère de l’Intérieur de lui fournir toutes les régulations et autres directives écrites, tandis que Touma-Sliman a promis de mettre en place une base de données alternative répertoriant les cas pour contrôler l’exactitude des chiffres transmis par l’Autorité de la population.

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