La Knesset a approuvé l’exemption des ultra-orthodoxes, Yesh Atid va faire appel
L'amendement a été adopté par 49 députés contre 36. Les députés de la Liste arabe unie se sont abstenus
Marissa Newman est la correspondante politique du Times of Israël
La Knesset a approuvé dans la nuit de lundi à mardi en deuxième et troisième lectures un amendement à la loi sur l’égalité devant le service militaire, qui revient considérablement sur les réformes de 2014 sur la conscription des ultra-orthodoxes dans l’armée israélienne et annule les sanctions imposées aux communes si les quotas annuels pour les soldats Haredi n’étaient pas atteints.
L’amendement a été adopté avec une majorité de 49 députés en faveur et 36 contre. Les députés de la Liste arabe unie n’ont pas pris part au vote.
Dans le cadre des négociations avec les partis ultra-orthodoxes de la coalition la semaine dernière pour faire passer le budget, les chefs des partis de la coalition se sont engagés à soutenir l’amendement.
Dans le cadre des changements, la période de transition avant que la loi n’entre en vigueur sera prolongée de 2017 à 2020, assortie d’une période de transition supplémentaire jusqu’en 2023. La législation de 2014 avait fixé des quotas croissants pour l’enrôlement des ultra-orthodoxes qui s’ils n’étaient pas atteints en 2017 aurait provoqué la conscription obligatoire de tous les étudiants de yeshiva ultra-orthodoxes de moins de 24 ans.
Dans le cadre de la loi d’origine, le ministre de la Défense avait le pouvoir d’exempter du service environ 1 800 étudiants de yeshiva exceptionnels, et ceux qui ne se présenteraient pas pour le service seraient passibles de poursuites pénales comme insoumis.
Cette dernière disposition a été critiquée avec véhémence par la communauté ultra-orthodoxe, qui avait qualifié la décision de « persécution » contre les étudiants de yeshiva et contre la communauté dans son ensemble.
Toutefois, le nouvel amendement annule les sanctions contre tous les étudiants de la yeshiva, et déclare que le ministre de la Défense a le pouvoir de déterminer de la façon de procéder si les quotas ne sont pas atteints.
La nouvelle loi élimine ainsi dans les faits la mise en œuvre complète de la loi, laissant l’enrôlement des étudiants ultra-orthodoxes après 2023 entièrement à la discrétion du ministre de la Défense.
L’adoption de l’amendement constituerait un coup considérable au parti d’opposition Yesh Atid, qui avait été le fer de lance de la loi quand il faisait partie de la coalition dans la précédente Knesset.
Des élus de l’opposition, dont le chef de file du parti Yisrael Beytenu Avigdor Liberman, ont accusé le gouvernement de « céder » aux ultra-orthodoxes pour gagner un soutien politique.
Ceux des députés de la coalition, qui avaient soutenu et même formulé la précédente loi sur l’incorporation, ont expliqué leur volte-face en disant que l’enrôlement de la communauté ultra-orthodoxe dans l’armée israélienne ne peut pas être coercitive.
Le député Yoav Kisch du Likud, qui, avant d’entrer à la Knesset a mené une campagne en faveur de la loi sur l’égalité de service, a déclaré jeudi que « nous ne voulons pas d’enrôlement par la force. Il n’y a pas de solution miracle. Nous avons besoin d’un processus, et de dialogue ».
Le député Tzachi Hanegbi du Likud a déclaré jeudi lors de la réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense « qu’il n’y a pas à discuter avec l’idée de l’égalité morale du fardeau », en utilisant le terme hébreu pour se référer à l’enrôlement des ultra-orthodoxes.
« Dans la commision Shaked [qui avait rédigé la loi], une majorité des membres s’était opposée aux sanctions pénales », a dit Hanegbi.
« Le seul qui les a soutenues et poussées était Yair Lapid qui avait exercé des pressions politiques. Aujourd’hui, nous allons effectivement approuver ce que la plupart des membres de la commision Shaked avaient souhaité promouvoir à l’origine ».
Lapid, quant à lui, a déclaré : « Nous parlons de Juifs qui vivent ici tout comme nous et nous partageons un destin commun. »
« Nous devons nous demander, si nous sommes une nation et si tout le monde est égal aux yeux de la loi ? Nous avons besoin d’un esprit sans distinction entre le sang de l’un et de l’autre », a-t-il dit.
Le conseiller juridique de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset est opposé à l’amendement, en disant « ces explications, à notre avis, ne justifient pas la prolongation de la période de transition de six ans, la création d’une deuxième période de transition pendant encore trois ans, l’annulation de la loi permanente, et le manque de reconnaissance de l’arrangement permanent après 2023. »
Cependant, malgré les réserves formulées au sein de la commission, le projet de loi a été adopté jeudi sans révisions par un vote de la commission après environ neuf heures de débat.
La communauté ultra-orthodoxe a toujours bénéficié d’exemptions de l’armée pour l’étude de la Torah.
Selon un rapport de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, dans les cinq premières décennies après la création de l’Etat d’Israël, les exemptions ont été supervisées par le seul ministre de la Défense.
En 1998, la Cour suprême a statué que le ministre de la Défense n’était pas été autorisé à exempter ce qui avait gonflé jusqu’à quelques dizaines de milliers d’étudiants, et a décidé que tout arrangement à la conscription dans l’armée doit être ancré dans la loi et géré par le Parlement israélien.
Suite à la décision de la Cour suprême, la Knesset a adopté la loi Tal comme une loi intérimaire de cinq ans, en vertu de laquelle les étudiants de yeshiva pouvaient bénéficier des reports et exemptions annuelles. En 2006, la Cour suprême a confirmé la loi controversée, tout en notant qu’elle compromettait l’égalité en Israël. Un an plus tard, la Knesset a étendu la loi Tal de cinq ans, ce qui a incité la Cour suprême de statuer qu’elle était inconstitutionnelle.
L’abrogation de la loi Tal a conduit à la loi sur la conscription de 2014, qui est également en attente d’un recours à la Haute Cour. Le nouvel amendement, s’il passe, conduira probablement Atid Yesh à faire également appel devant la Haute Cour.