La Knesset examine une proposition de loi destinée à complexifier l’élection de députés arabes
Ce projet de loi multiplie les critères d'interdiction à la députation, dont le soutien au terrorisme ou à un terroriste ; le projet de loi permettant au gouvernement de contrôler les données d'audience de la télévision progresse

Le projet de loi modifiant les critères d’interdiction des candidats à la Knesset, susceptible de faciliter l’éviction des partis et députés dirigés par des Arabes, a été adopté en première lecture ce mercredi.
Adopté par 61 voix contre 35, cet amendement à la Loi fondamentale sur la Knesset modifierait la règle actuelle en vertu de laquelle les candidats ne peuvent se voir interdire de se présenter que s’il existe un faisceau probant d’éléments attestant qu’ils ont soutenu le terrorisme, afin d’inclure le soutien isolé aux actes perpétrés par un attaquant solitaire, pas seulement ceux d’une organisation ou d’un État ennemi.
Entrerait notamment dans la catégorie des actes constitutifs de soutien au terrorisme la visite à des proches d’un suspect d’attentat.
Selon la proposition de loi du député du Likud Ofir Katz, un candidat pourra se voir écarté par la Commission électorale centrale sans l’aval de la Cour Suprême de justice, comme c’est actuellement le cas.
Katz a expliqué à la Knesset qu’« aucun pays au monde ne permettrait à des partisans du terrorisme de siéger au Parlement. Et je dis aujourd’hui aux juges de la Cour suprême que le pays ne le tolérera plus ».
Lors de ce débat, le chef de l’opposition Yair Lapid a dit que l’on « voyait bien qui vous voulez évincer » avec cette proposition de loi, accusant le gouvernement de viser les députés arabes et d’adopter une loi pour « se débarrasser de l’opposition ».

Lapid a ajouté que la coalition n’adopterait jamais une loi contre les personnes condamnées pour terrorisme, car cela entrainerait le limogeage du ministre de la sécurité intérieure Itamar Ben Gvir, condamné à huit reprise pour incitation et terrorisme.
« Ce n’est pas vraiment une loi contre le terrorisme, c’est une loi pour protéger votre coalition contre toute menace », a-t-il déclaré. « C’est une loi qui dit « nous avons perdu dix sièges le 7 octobre et grâce à la Knesset, nous allons les récupérer en vous les retirant ». »
Tous les membres du parti Yesh Atid de Yair Lapid ont voté contre cette proposition de loi, à l’exception du député Idan Roll, qui s’est abstenu, tout comme les députés du parti Kakhol lavan.
Lors de ce débat, la ministre de l’Égalité sociale et de la Promotion de la condition féminine, May Golan, favorable à la proposition de loi, a été expulsée de l’hémicycle pour s’en être prise verbalement à plusieurs députés de l’opposition, en disant par exemple au député Yesh Atid, Vladimir Beliak, de « laver sa sale bouche ».
Le vice-président de la Knesset, le député du Likud, Hanoch Milwidsky, a demandé à Golan de ne pas en rajouter, ce à quoi elle a répondu : « Je dis ce que je veux. »
« La prochaine fois que vous utiliserez de pareils mots à l’encontre d’un membre de la Knesset, vous sortirez », a déclaré Milwidsky.
« Gardez vos histoires d’étiquette pour les députés arabes et les gauchistes auxquels vous parlez. N’interrompez pas les membres de la Knesset. Je parlerai aussi longtemps que je le voudrai », lui a répondu Golan. Elle a été expulsée de la Knesset tout en continuant d’insulter des députés.

Ce n’est pas la première fois que l’on tente de priver les candidats ou partis arabes du droit de se présenter à la députation en passant par la Commission électorale centrale.
Les partis de droite et nationalistes de la Knesset, à commencer par le Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu, accusent les députés arabes de soutenir le terrorisme en raison de leur soutien au nationalisme palestinien. Certains d’entre eux, dont le président de Hadash-Taal, Ayman Odeh, sont connus pour rendre visite à des personnes soupçonnées de terrorisme ou à leurs proches.
Un peu avant les dernières élections de 2022, la Commission électorale centrale avait interdit le parti nationaliste arabe Balad suite à un recours affirmant que le programme de ce parti niait l’existence de l’État d’Israël.
Bien que la Cour Suprême ait par la suite annulé cette interdiction, le parti n’est pas parvenu à réunir suffisamment de suffrages pour être représenté à la Knesset.
Les députés votent le projet de loi donnant au gouvernement le contrôle sur les données des téléspectateurs
La proposition de loi accordant au gouvernement le contrôle sur les données d’audience télévisée a, pour sa part, été adoptée par 53 voix contre 49 en plénière de la Knesset, deux jours après avoir reçu l’appui de la Commission ministérielle pour les lois.
La proposition de loi du député du Likud Shalom Danino permettrait ainsi au ministre de la Communication de prendre le contrôle de l’organisme – pour l’heure indépendant – qui fournit ces informations.
Elle entend établir « un cadre » pour mesurer l’audience des émissions de télévision et contraindre les différents diffuseurs à communiquer ces données à l’agence, à commencer par l’âge, le sexe et le lieu de résidence des téléspectateurs.
Elle obligerait également les réseaux à afficher leurs chiffres d’audience aux heures de grande écoute.
Il manque encore à ces deux propositions de loi d’être adoptées par un comité et de faire l’objet de trois votes supplémentaires en plénière.
Après le soutien apporté par le Commission ministérielle pour les lois ce lundi, la procureure générale Gali Baharav-Miara a publié un document de position affirmant que le texte bafouait plusieurs principes constitutionnels clés comme le droit à la vie privée ou la liberté de la presse.

Le ministre des Communications, Shlomo Karhi, a rejeté les critiques de la procureure générale en affirmant que la proposition de loi serait amendée de façon à protéger la vie privée des téléspectateurs.
Il a également déclaré que c’était au gouvernement, et non à Baharav-Miara, d’établir les principes fondamentaux de la loi.
« Ce que nous voulons, avec cette proposition, c’est donner accès aux chiffres d’audience télé via les fournisseurs de contenu », a déclaré Karhi mercredi.
« Il y a des choses inacceptables dans cette proposition et nous les corrigerons en commission. Elle fera l’objet d’ajustements conformément à la loi sur la radiodiffusion. Seuls ceux qui ont quelque chose à cacher ont peur des vrais chiffres. »
Pour ses contempteurs, cette proposition de loi a vocation à bénéficier à la chaîne 14, la chaine préférée de Netanyahu. Les radiodiffuseurs grand public craignent que l’agence désignée par le gouvernement pour déterminer les cotes d’écoute favorise les médias pro-gouvernement en augmentant de manière injustifiée leurs revenus et leur influence.