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La ministre de l’Environnement réclame un moratoire sur les parcs éoliens

Le ministère a indiqué que 200 nouvelles turbines, parfois immenses, sont programmées pour le Golan et ailleurs, mettant en danger la vie sauvage

Un faucon crécerelle mort au pied d'une turbine éolienne à Sirin, en 2017. (Crédit : Autorité de la nature et des parcs)
Un faucon crécerelle mort au pied d'une turbine éolienne à Sirin, en 2017. (Crédit : Autorité de la nature et des parcs)

Feu vert a été donné, lundi, par le conseil national des infrastructures à la construction de sept nouvelles turbines éoliennes de la hauteur des plus grandes tours de Tel Aviv, des turbines qui seront installées sur le Golan. Mais si la ministre de la Protection environnementale Tamar Zandberg parvient à ses fins, elles devraient être les dernières à être approuvées pendant au moins cinq ans.

Cinq ans, c’est la durée qu’a réclamée Zandberg, lundi, pour un moratoire sur les nouveaux projets de turbine – un moratoire qui permettra d’évaluer leur impact actuel sur la nature, et particulièrement sur les oiseaux et sur les chauves-souris.

Elle a fait cette demande dans une lettre adressée à la ministre de l’Énergie Karine Elharrar et à la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked.

La commission chargée des infrastructures a toutefois approuvé la requête soumise par Enlight Renewable Energy qui demandait de pouvoir ajouter sept nouvelles turbines dans son parc éolien de la Vallée des Larmes, sur le plateau du Golan. La firme en avait demandé onze à l’origine.

La Société pour la protection de la nature en Israël, soutenue par le ministère de la Protection environnementale, avait pour sa part recommandé avec force le rejet de ces nouveaux parcs éoliens.

Les nouvelles turbines seront à environ 200 mètres de haut – ce qui est plus élevé que les tours Azrieli, à Tel Aviv, qui sont de 187 mètres.

Les tours Azrieli à Tel Aviv (Crédit : Moshe Shai/Flash90)

L’intervention de Zandberg a suivi un courrier, la semaine dernière, qui avait été envoyé par le scientifique en chef de l’Autorité de la nature et des parcs au Conseil national de planification – une lettre qui avait remis en doute l’efficacité d’une technologie utilisée par Enlight dans le parc éolien de la Vallée des Larmes, et qui stoppe le mouvement des pales à l’approche d’un volatile.

Le plateau du Golan est un secteur de la plus haute importance pour certaines espèces d’oiseaux, faucons et aigles, dont un grand nombre sont en danger d’extinction.

« La promotion d’une énergie propre et renouvelable est déterminante mais c’est aussi le cas de la préservation de l’environnement et de la nature en Israël », a dit Zandberg dans sa missive.

Et si les capacités en matière d’énergie éolienne sont négligeables dans le pays, le potentiel de nuisance de cette énergie pour la nature est important, a-t-elle écrit.

Au vu de la cadence à laquelle de nouvelles turbines sont approuvées, de la fragilité écologique des secteurs où elles sont planifiées et construites et du manque de connaissances sur les capacités qui permettraient de limiter leur potentiel de nuisance pour les oiseaux, « de nouveaux projets de turbines éoliennes devraient être évitées à ce stade et pour les cinq prochaines années », le temps d’examiner les effets des turbines existantes sur les oiseaux et sur les écosystèmes, a-t-elle poursuivi.

Elles ont des effets variés sur la nature, qui vont des bruits infra-rouges (que les êtres humains n’entendent pas) jusqu’au scintillement des lumières entraîné par le mouvement des pales, a écrit Galit Cohen, directrice-générale du ministère, dans un document qui accompagnait la lettre de la ministre.

Les turbines éoliennes installées devant les sommets enneigés du mont Hermon, dans le nord du plateau du Golan, le 3 janvier 2021. (Crédit : Michael Giladi/Flash90)

Cohen s’est concentrée, dans son document, sur les effets des turbines sur les oiseaux, qui paient déjà le prix de la perte de leurs habitats naturels, de la chasse et du changement climatique.

Israël est un pays de migration pour des centaines de millions d’oiseaux qui se déplacent deux fois par an entre l’Afrique et l’Eurasie. Ce sont des centaines d’espèces d’oiseaux et de chauves-souris qui nichent et qui hibernent sur le territoire.

Et plus un parc éolien est grand, plus les oiseaux susceptibles de se prendre dans les pales des turbines risquent de se blesser ou de mourir, a continué Cohen.

La carcasse d’une chauve-souris dans le parc éolien de Ramat Sirin. Cette espèce particulière est en danger d’extinction et sa mortalité est particulièrement élevée dans les parcs éoliens de Sirin et de Gilboa. (Crédit : Autorité israélienne de la nature et des parcs)

Elle a ajouté que l’accumulation d’éléments scientifiques, au fil des années, avait souligné les effets néfastes des turbines sur d’autres espèces animales également – des animaux vivant sous la terre aux insectes en passant par les amphibiens.

Les Lois sur le zonage dans le domaine spécifique de la construction et de l’exploitation des turbines éoliennes définissent un « seuil » de nuisance pour les oiseaux, ce qui nécessite une étude avant de nouvelles approbations possibles, et ce qui nécessite également des activités de suivi et de contrôle une fois qu’elles sont installées.

Et, selon Cohen, les contrôles de base qui ont été réalisés sur les turbines depuis le début de leur exploitation, en 2016, mettent l’accent sur une mortalité élevée des oiseaux dans des espèces qui sont déjà en voie de disparition, au-delà du seuil qui a été établi dans la législation.

Galit Cohen, directrice générale du ministère de la Protection de l’environnement. (Crédit : Haim Zach / GPO)

Israël concentre particulièrement ses efforts sur l’énergie solaire dans son projet de renforcement des énergies renouvelables, mais le pays s’est fixé l’objectif de générer 730 mégawatts à partir de l’éolienne à l’horizon 2030.

Au mois de janvier, Enlight Renewable Energy a commencé à exploiter 35 turbines qui se dressent dans la Vallée des Larmes, sur le plateau du Golan où le vent souffle en rafales et que l’État juif avait capturé à la Syrie lors de la guerre des Six jours de 1967 avant de l’annexer en 1981. La Vallée des Larmes avait été le site d’une bataille majeure de la guerre de Yom Kippour, en 1973.

Deux autres parcs éoliens ont été développés par Afcon Holdings sur le mont Gilboa, à Ramat Sirin (14 turbines) et à Maale Gilboa (17 turbines). Un parc éolien bien plus ancien situé au Reches Asaniya, à proximité de la frontière syrienne, sur le plateau du Golan, ne pèse guère au niveau commercial.

Photo non-datée d’une cigogne blanche morte dans le parc éolien de Suirin. (Crédit : Autorité israélienne de la nature et des parcs)

Selon le ministère de la Protection environnementale, 15 parcs éoliens au total sont programmés, avec plus de 200 turbines. Parmi eux, deux parcs qu’Enlight espère pouvoir développer dans la Vallée des larmes. En tout, les parcs existants et à venir fourniront environ 600 mégawatts sur presque 115 hectares de terres – ce qui correspond approximativement à 80% de la cible fixée par le gouvernement.

Dans le cadre de ses opérations de contrôle à Sirin et à Gilboa, l’Autorité israélienne de la nature et des parcs a utilisé des chiens renifleurs pour localiser les carcasses qui n’avaient pas encore été dévorées par des prédateurs. Sur la base de ces chiffres, l’Autorité a pu élaborer une estimation du nombre total de volatiles tués par les pales des turbines en rotation. Ce contrôle est effectué à des intervalles réguliers.

Et selon un rapport officiel qui a été publié par l’Autorité, du mois de mai 2020 au mois de mai 2021, 17 circaètes bruns, 146 milans noirs, 47 cigognes blanches et 278 tourterelles des bois ont figuré parmi les oiseaux tués – cette dernière étant citée dans le Cantique des Cantiques comme incarnant la messagère du printemps. 5 655 chauves-souris de différentes espèces sont également mortes.

La population de tourterelles des bois a décliné de moitié au cours des 30 dernières années et elle est reconnue, dans le monde entier, comme étant en danger d’extinction.

Du côté de Gilboa, ce sont 13 cigognes, 159 tourterelles et 2 225 chauves-souris qui auraient été tuées.

Une pipistrelle morte retrouvée dans le parc éolien de Sirin. (Crédit : Autorité de la nature et des parcs)

Pour trouver un accord avec l’Autorité des parcs et de la nature, Enlight avait promis de s’appuyer sur une technologie portugaise dans ses parcs de la Vallée des Larmes – une technologie qui, avait fait savoir l’entreprise, stoppe la rotation des turbines à l’approche d’un volatile.

Toutefois, dans un courrier adressé aux autorités de planification, la semaine dernière, le scientifique en chef de l’Autorité, Yehoshua Shkedy, a déclaré que les essais du système avaient prouvé qu’il n’avait aucune efficacité.

Le docteur Yehoshua Shkedy, scientifique en chef de l’Autorité nationale de la Nature et des parcs israélienne. (Autorisation : INPA)

Shkedy a indiqué que l’INPA avait examiné le nombre de fois où ce système radar avait détecté des oiseaux de proie à 2000 mètres du parc – ce qui est leur distance de mesure intégrée.

En observant les données résultant du contrôle des oiseaux, qui sont suivis par des émetteurs placés par l’Autorité, cette dernière a pu aussi voir si les turbines s’étaient arrêtées lorsque les oiseaux étaient arrivés à 600 mètres du parc – c’est à cette distance que les éoliennes sont supposées s’arrêter automatiquement.

« Le résultat a été de zéro détection », a écrit Shkedy.

« L’écart entre l’identification et le nombre d’oiseaux de passage est très important, trop important pour considérer cela comme une simple anomalie susceptible d’être corrigée », a-t-il ajouté.

Un communiqué émis par la ministre de l’Énergie, qui annonçait l’approbation des sept turbines supplémentaires dans la Vallée des Larmes, a noté qu’un rapport serait publié d’ici deux mois sur la mortalité des oiseaux et des chauves-souris, disant que l’étude qui sera rendue publique déterminera le sort des nouveaux parcs éoliens qu’Enlight souhaite installer.

Un porte-parole d’Enlight a, de son côté, défendu les actions entreprises par la firme. Cette dernière n’a pas répondu à nos demandes de réaction sur l’étude de l’Autorité de la nature et des parcs qui révèle l’inefficacité de la technologie portugaise.

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