Israël en guerre - Jour 57

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La pandémie ébranle les certitudes politiques d’ultra-orthodoxes

Au-delà des tensions avec la population laïque, la communauté s'est divisée, certains dénonçant une "chasse aux sorcières", d'autres s'interrogeant sur sa part de responsabilité

Des Israéliens attendent à un arrêt de bus du quartier ultra-orthodoxe de Méa Shéarim, à Jérusalem, le 11 mars 2021. (Crédit : MENAHEM KAHANA / AFP)
Des Israéliens attendent à un arrêt de bus du quartier ultra-orthodoxe de Méa Shéarim, à Jérusalem, le 11 mars 2021. (Crédit : MENAHEM KAHANA / AFP)

Pour la première fois de sa vie, Aharon ne votera pas pour un parti ultra-orthodoxe aux élections législatives israéliennes. Pourquoi ? Les leaders de sa communauté « ont vraiment fait n’importe quoi » face à la pandémie de coronavirus.

Ce père de trois enfants, qui préfère taire son nom de famille, avait déjà envisagé de donner son vote à une autre formation mais une fois dans l’isoloir, il a toujours préféré rester loyal à sa communauté.

Mais mardi prochain, il ne choisira pas le Yahadout HaTorah, le parti ultra-orthodoxe ashkénaze.

« Je pensais qu’ils réagiraient immédiatement, haut et fort, clairement. Au lieu de ça, ils ont été ‘gris’, ce qui en hébreu veut dire qu’ils n’ont rien fait », regrette celui qui va finalement voter pour Bezalel Smotrich, un ténor de la droite radicale.

Foule en plein confinement 

La crise sanitaire a suscité des tensions avec les ultra-orthodoxes, montrés du doigt par une partie de la population pour être en grande partie responsables de la circulation du virus dans le pays.

Les images par exemple d’une foule de ‘haredim fin janvier dans un quartier de Jérusalem lors de funérailles d’un rabbin, au moment où Israël vivait son troisième confinement strict, ont fait le tour des réseaux sociaux et des messageries.

Des milliers d’hommes ultra-orthodoxes assistent aux funérailles du rabbin Yitzchok Sheiner, décédé des suites de la COVID-19, à Jérusalem, le 31 janvier 2021. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

Au-delà des tensions avec la population laïque, la communauté elle-même s’est retrouvée divisée, expliquent des spécialistes du monde ultra-orthodoxe.

Yehoshua Pfeffer (Autorisation)

Certains ‘haredim ont eu la réaction « classique » consistant à dénoncer une « chasse aux sorcières » du reste du pays et des médias contre eux, explique le rabbin Yehoshua Pfeffer, rédacteur pour le site ultra-orthodoxe Tzarich Iyun.

D’autres ont réagi de façon « plus réfléchie », se demandant comment une communauté qui s’estime moralement plus élevée, car respectant une interprétation stricte du judaïsme, est devenue l’enfant terrible de la crise sanitaire, selon M. Pfeffer.

« Si nous étions tellement droits, moralement irréprochables (…) on aurait certainement pu gérer tout cela aussi bien que les autres, si ce n’est mieux », dit-il à l’AFP.

Par le passé, Aharon avait déjà envisagé de quitter le monde ultra-orthodoxe, qui vit majoritairement en vase clos.

« Toute ma famille et tous mes amis sont haredim alors je me dis qu’il était préférable de rester », raconte-t-il à l’AFP.

Quand la pandémie a débuté, il s’attendait à ce que son parti, dont le chef, le rabbin Yaakov Litzman, était d’ailleurs ministre de la Santé, souligne l’importance du respect des règles sanitaires, même si cela aurait un impact sur la vie communautaire comme les rassemblements dans les synagogues, les funérailles et les mariages.

Des écoliers haredim devant une école ouverte en violation aux règles de confinement contre la COVID-19 après sa fermeture par les forces de sécurité, dans la ville d’Ashdod, le 22 janvier 2021. (Crédit : Jack Guez / AFP)

Quand les rabbins influents ont insisté pour que les écoles restent ouvertes et que les députés de Yahadout HaTorah n’ont pas bougé, cela a prouvé la primauté des autorités religieuses sur le politique et sur le bien de la communauté, estime Aharon.

Le siège du parti Yahadout HaTorah à Jérusalem, le 2 mars 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Sceptique »

L’électorat ultra-orthodoxe « est de plus en plus sceptique » envers ses leaders, estime Benjamin Brown, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem et spécialiste de la question. Si cette tendance est encore minoritaire, elle « peut devenir de plus en plus importante ».

La fondatrice et dirigeante du mouvement israélien « nouveaux Haredim », Pnina Pfeuffer, une féministe dont le groupe s’efforce de promouvoir des valeurs progressistes parmi les juifs ultra-orthodoxes, lors d’une interview à Jérusalem, le 9 mars 2021 (Crédit : Emmanuel DUNAND / AFP).

De son propre aveu, Pnina Pfeuffer est une anomalie dans la société ultra-orthodoxe. Divorcée et mère de deux enfants, cette femme de 42 ans a fondé le groupe « Nouveaux haredim », destiné à promouvoir les valeurs progressistes dans sa communauté.

Selon elle, la pandémie a révélé les problèmes de leadership politique au sein même de la minorité ultra-orthodoxe: « les haredim ne considèrent pas les chefs politiques comme des chefs (…) le leadership est toujours celui des rabbins ».

Or au fil des années, la communauté est passée « de toute petite minorité à très grande minorité », représentant désormais 12 % de la population en Israël mais environ 40 % des naissances.

Un fort taux de chômage et de pauvreté, un refus d’introduire mathématiques et science dans l’éducation et l’intransigeance de certains de leurs leaders face à la pandémie sont des réalités de la vie des « haredim » qui ont un impact sur le reste d’Israël, estime Mme Pfeuffer.

Pour elle, la gestion de la pandémie par des rabbins orthodoxes a permis « une prise de conscience » chez des ultra-orthodoxes qui doivent désormais « décider ce qu’ils vont faire à l’avenir ».

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