La police enquête sur l’arrestation de 3 femmes ayant tracté dans une synagogue
Selon l'une des inculpées, la police aurait sous-entendu que l'arrestation était motivée par des considérations politiques ; une autre a dit avoir été menottée et emmenée devant ses enfants
Le chef de la police israélienne Daniel Levy a ouvert une enquête sur l’arrestation de trois femmes qui avaient placé des tracts appelant à la libération des otages sur des sièges d’une synagogue de Herzliya fréquentée par le député Yuli Edelstein (Likud), selon une déclaration du porte-parole de la police samedi.
Les trois femmes ont été libérées dans la nuit de vendredi à samedi après avoir été détenues et menottées pendant environ huit heures.
La police a déclaré avoir reçu un appel indiquant que quelqu’un s’était « introduit dans la synagogue » et a cherché des suspects, comme dans tout incident criminel présumé. Les images des caméras de sécurité montrent les femmes entrant dans la synagogue ouverte.
Face à la colère croissante de l’opinion publique face à ces arrestations, une foule de manifestants a suivi Edelstein – député du parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu – alors qu’il se rendait à la synagogue samedi matin.
אז מה המעצר המטומטם של 3 נשים ששמו כרוזים עם "שלח את עמי" בבית הכנסת של יולי אדלשטיין השיג אתמול?
חוץ מהעמקת התובנה שהמשטרה הפכה לכלי דיכוי בסגנון הבסיג' של עבריין אלים ומסית סידרתי?
המעצר השיג ליולי אדלשטיין "ליווי" של מאות אזרחים בדרך לבית הכנסת היום.
לא מיותר? יש איזה מטומטם… pic.twitter.com/N99XUlI5eo— Ben Caspit בן כספית (@BenCaspit) September 14, 2024
L’organisation de soutien aux détenus, qui représente les militants anti-gouvernement arrêtés, a publié une vidéo de manifestants criant « défense » et « honte » lorsque Edelstein, qui préside la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, est sorti de la synagogue.
Selon le site d’information Ynet, des manifestants brandissaient des drapeaux israéliens et scandaient « honte » et « renoncement à Sion ».
Ce slogan fait référence au fait que le député était un refuznik – ou prisonnier de Sion, un Juif réfractaire emprisonné en Union soviétique dans les années 1980.
Edelstein, qui est pratiquant, ne s’est pas adressé aux manifestants à l’extérieur de la synagogue.
Il n’a pas non plus commenté les arrestations, qui ont eu lieu plusieurs heures avant le début du Shabbat, au coucher du soleil.
L’organisation de soutien aux détenus a déclaré que Moshe Radman, militant anti-gouvernement de premier plan, a été convoqué au commissariat de Glilot pour y être interrogé, car il est soupçonné d’avoir attaqué un fonctionnaire au cours de la manifestation. La police n’a fait aucun commentaire.
Les femmes arrêtées avaient été emmenées vendredi au même commissariat, près de Herzliya, où elles ont été interrogées pendant huit heures. Des dizaines de personnes ont manifesté à l’extérieur jusqu’à ce que les femmes soient libérées. Selon Haaretz, l’une des femmes arrêtées est âgée de 47 ans et les deux autres ont la soixantaine.
La police a indiqué que des mesures seront prises s’il s’avère que les policiers ont agi de manière incorrecte en réponse à l’appel. La déclaration précise que les événements seront examinés et que des leçons seront tirées en conséquence.
תיעוד ש @JoshBreiner ואני מביאים של הנחת תמונות החטופים בבית הכנסת אוהל משה בהרצליה, המקום פתוח, אחת הפעילות נכנסת פנימה, פותחת דלת צדדית וממנה נכנסות השלוש לשים את הפליירים על כסאות בית הכנסת. שווה שמונה שעות בתחנה?
הפעילות השתחררו לבסוף ללא מעצר בית אבל בתנאי הרחקה מבית… pic.twitter.com/AByWjzyX0V
— Bar Peleg (@bar_peleg) September 13, 2024
Les tracts montraient les photos de quatre des soldates prises en otage par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, ainsi que celles d’Ariel et de Kfir Bibas, deux jeunes enfants qui sont toujours retenus en otages à Gaza.
Au centre, une photo d’Edelstein prise lors de son séjour dans une prison soviétique, avec la légende « Laissez partir mon peuple », un cri de ralliement populaire parmi les partisans des Juifs refuzniks.
Rama Enav, l’une des trois femmes arrêtées, a indiqué à la chaîne publique Kann que la police lui aurait laissé entendre que les arrestations étaient motivées par des considérations politiques.
« La police nous a laissé entendre plus d’une fois qu’elle recevait des ordres d’en haut », a dit Enav.
כמו תמיד באירועים מהסוג הזה, המעצר מאתמול הגביר את המחאה באזור. הנה כך זה נראה היום בנתיב ההליכה של אדלשטיין לבית הכנסת בהרצליה. אם עד השבוע היו עשרות שעומדים במחאה שקטה, היום המספר גדל והמחאה לא שקטה pic.twitter.com/f3oduH7rBq
— Bar Peleg (@bar_peleg) September 14, 2024
« Je ne comprends pas comment Edelstein, quelqu’un qui a vécu dans une prison soviétique et qui sait ce que c’est que d’être un détenu, peut être indifférent à cette situation », a poursuivi Enav.
« Je ne comprends pas comment quelqu’un qui était là peut être en colère lorsqu’il voit ces tracts sur lesquels ne figurent que des femmes et des enfants kidnappés. »
Idit Alexandrovich, une autre des trois femmes arrêtées, a déclaré à la Douzième chaîne qu’elle avait appris son arrestation imminente par ses jeunes enfants qui étaient seuls à la maison lorsque la police était venue la chercher.
« C’est de la folie. Nous sommes dans l’État d’Israël, le pays du peuple juif. Je suis allée avec mes amis dans une synagogue, un lieu de prière pour les Juifs, où tout le monde peut aller », a déclaré Alexandrovich.
« Nous avons distribué des tracts pour les otages, appelant à ‘laisser partir mon peuple’. Quoi de plus juif que cela ? La synagogue était ouverte. Nous y sommes entrées. Nous avons posé les tracts sur les sièges. Nous sommes ressorties par l’entrée principale, il y avait des gens autour, et nous sommes rentrées chez nous, heureuses d’espérer que nous avions peut-être fait quelque chose qui pourrait aider à ramener les otages à la maison. »
« Et puis, regardez de quoi s’occupe la police israélienne. Hier, vendredi après-midi, deux policiers – un homme et une femme – sont venus chez moi. Je n’étais pas chez moi. J’ai quatre jeunes enfants. Ils ont appelé du téléphone de ma fille de bientôt neuf ans et ont dit que la police attendait chez moi… pour m’arrêter. »
Lorsqu’elle est arrivée chez elle, les officiers lui ont dit qu’elle était « arrêtée pour effraction et conspiration en vue de commettre un crime
[…] ».
« On m’a passé les menottes. On m’a emmenée dans la voiture de patrouille. » À ce moment, ses pieds ont également été menottés.
Au poste de police, elle a attendu des heures avant d’être interrogée, puis la police a changé les allégations « d’effraction et conspiration » en « intrusion », a-t-elle dit. « Ce qui est également faux ; la synagogue est ouverte à tous… »
« Et comment cela pourrait-il être un crime de distribuer des tracts dans une synagogue pour demander la libération des otages ? »
« Et c’est pour ça qu’ils m’ont arrêtée, devant mes enfants ? », s’est exclamée Alexandrovich.
Elle a ajouté que l’arrestation était « clairement politique » et qu’elle ne se laisserait pas intimider.
« C’est mon pays […] Je me bats pour l’avenir de mes enfants dans ce pays. »
Les femmes ont été libérées sous réserve de conditions restrictives, notamment une injonction de ne s’approcher ni d’Edelstein ni de la synagogue.
Elles ont d’abord été assignées à résidence pendant cinq jours. Toutefois, la police a réduit cette période à deux jours avant de la supprimer complètement.
Selon l’organisation de soutien aux détenus, la police a également modifié les allégations à l’encontre des femmes, qui sont passées d’effraction à violation de domicile, et de complot en vue de commettre un crime à complot en vue de commettre un délit.
Le droit pénal israélien assimile l’intrusion dans un lieu de culte, ou l’entrée dans un lieu de culte avec l’intention de commettre un délit, à l’intrusion dans une maison privée.
Les deux actes sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans, et jusqu’à sept ans si l’auteur s’est introduit par effraction dans les lieux.
Cependant, les images des caméras de sécurité publiées par Haaretz semblent montrer les femmes entrant par une porte déjà ouverte de la synagogue.
Ran Tagar, qui représente les trois femmes, a rejeté l’allégation de la police selon laquelle les femmes s’étaient introduites dans la synagogue, déclarant à Ynet que les femmes étaient entrées dans « une synagogue ouverte alors qu’il y avait une bar mitzvah » à l’intérieur.
« Je n’ai pas les mots pour décrire la répulsion que m’inspire la conduite de la police », a déclaré Tagar à Ynet. « Il est évident que cette arrestation est politique. »
De son côté, le Forum des familles des otages et disparus a applaudi les femmes et dénoncé « l’exclusion de la question des otages de la sphère publique ».
Ces arrestations ont eu lieu une semaine après l’arrestation de Noa Goldenberg, 27 ans, qui a jeté du sable sur le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir sur une plage de Tel Aviv. Cet incident a également suscité des protestations et des allégations de politisation de la police.
Ben Gvir, qui a pris ses fonctions fin 2022, aurait ordonné à la police de ne pas arrêter les extrémistes de droite qui ont attaqué des camions transportant de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza pendant la guerre.
La police n’a pas non plus procédé à des arrestations dans plusieurs cas récents de violences commises par des résidents d’implantations en Cisjordanie, ni dans le cas de foules d’extrême-droite qui ont pris d’assaut deux bases de l’armée le 29 juillet après l’arrestation de dix réservistes soupçonnés d’abus sexuels sur un prisonnier palestinien.
Toutefois, des dizaines de personnes ont été arrêtées lors de manifestations réclamant un accord de « trêve contre libération d’otages » et des élections législatives anticipées.