Israël en guerre - Jour 430

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Le chef d’état-major s’alarme après l’intrusion d’extrémistes dans une 2e base militaire

Après l'expulsion de protestataires du centre de détention de Sde Teiman, des activistes, parfois armés, ont causé des troubles sur la base militaire de Beit Lid, où ont été emmenés des soldats arrêtés pour violences présumées envers un détenu gazaoui

Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.

Des terroristes palestiniens, les yeux bandés, capturés dans la bande de Gaza, dans un centre de détention de la base militaire de Sde Teiman, dans le sud d'Israël, sur une photo non-datée prise à l'hiver 2023. (Crédit : Breaking The Silence via AP)
Des terroristes palestiniens, les yeux bandés, capturés dans la bande de Gaza, dans un centre de détention de la base militaire de Sde Teiman, dans le sud d'Israël, sur une photo non-datée prise à l'hiver 2023. (Crédit : Breaking The Silence via AP)

Des activistes d’extrême-droite sont entrés par effraction, lundi dans la soirée, dans la base militaire où des soldats soupçonnés d’avoir commis des violences à l’encontre d’un détenu palestinien ont été placés en détention, dans l’attente de leur interrogatoire. Un groupe d’extrême-droite s’était introduit illégalement, quelques heures auparavant, dans une autre base pour faire part de sa colère face à ces arrestations.

Des scènes d’anarchie et d’intrusions massives – qui ont été encouragées par plusieurs membres de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui, pour certains, ont activement participé à ces effractions – qui ont entraîné les condamnations sans équivoque du chef d’état-major Herzi Halevi. Il a estimé qu’elles portaient atteinte à l’armée, à la sécurité du pays et à l’effort de guerre.

Netanyahu, Halevi, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le président Isaac Herzog avaient tous critiqué ces émeutes qui avaient éclaté, dans un premier temps, aux abords de la base militaire de Sde Teiman et ils avaient appelé au calme – des mots qui n’ont nullement dissuadé les personnes qui se sont rendues devant la base de Beit Lid, dans le centre d’Israël, pour y entrer de force.

Ces manifestations ont trouvé leur origine dans les arrestations, lundi après-midi, de neuf militaires qui sont soupçonnés de s’être rendus coupables de graves violences à l’encontre d’un terroriste palestinien présumé qui était incarcéré au centre de détention militaire de Sde Teiman. Des placements en détention qui ont indigné les politiciens d’extrême-droite.

Des parlementaires de la droite de l’échiquier politique et notamment le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, le ministre du Patrimoine Amichay Eliyahu et le député de Hatzionout HaDatit Zvi Sukkot avaient excité la frénésie de leurs partisans, les sommant de venir à la base de Sde Teiman pour afficher leur mécontentement.

Sukkot, Eliyahu et Nissim Vaturi, du Likud, apparaissent sur des images en train de pénétrer illégalement sur la base militaire dans le cadre des échauffourées.

Des ultra-nationalistes manifestent contre la détention de soldats réservistes soupçonnés d’avoir agressé un terroriste du Hamas sur la base militaire de Beit Lid, près de Beer Sheva, le 29 juillet 2024. (Crédit : Chen Leopold/ Flash90)

Après avoir quitté Sde Teiman pour Beit Lid, où les soldats ont été amenés en vue d’un interrogatoire, des dizaines de manifestants qui se trouvaient là-bas sont entrés par effraction dans la base qui accueille la police militaire et certains tribunaux de Tsahal.

La police a expliqué, lundi soir, qu’elle était parvenue à disperser les membres de l’extrême-droite qui étaient entrés à Beit Lid, disant dans un communiqué que « un certain nombre de citoyens » s’étaient introduits illégalement dans la base et qu’ils « ont été dispersés en l’espace de quelques minutes ».

Aucune arrestation n’a eu lieu dans le cadre de ces deux incidents.

Certains manifestants entrés à Beit Lid portaient l’uniforme de Tsahal et semblaient être armés.

Une photo postée sur les réseaux sociaux montre Tally Gotliv, élue à la Knesset sous l’étiquette du Likud, à côté des émeutiers masqués et s’adressant aux personnes présentes.

Gotliv avait précédemment encouragé ses partisans à venir en masse à la base pour le compte des soldats. « Venez nombreux », avait-elle ajouté, en écho aux propos qui avaient été tenus par les autres politiciens de droite qui ont été à l’origine de ces échauffourées.

Halevi, qui a fait part de son soutien à l’enquête menée par l’avocate-générale de Tsahal, la générale Yifat Tomer-Yerushalmi, et par la police militaire concernant ces abus présumés, s’est ultérieurement rendu à Beit Lid pour y rencontrer les soldats. Il a estimé que ces intrusions menaçaient de faire basculer le pays dans l’anarchie.

« Nous sommes venus à Beit Lid… pour nous assurer que rien de plus grave n’arrivera. L’arrivée des émeutiers, ces tentatives d’infiltration dans les bases sont graves ; ce sont des comportements hors-la-loi, qui frôlent l’anarchie, qui portent atteinte à l’armée, qui nuisent à la sécurité de l’État et à l’effort de guerre », a-t-il estimé.

De son côté, Gallant a indiqué qu’il s’était entretenu avec Halevi et qu’il lui avait dit que l’armée israélienne avait le plein soutien du ministère de la Défense « pour prendre des mesures et agir immédiatement de manière à empêcher les citoyens non-autorisés à entrer sur les bases de l’armée ».

Il a critiqué l’effraction survenue à Beit Lid, indiquant que « c’est un incident grave qui porte sérieusement atteinte à la démocratie israélienne et qui fait le jeu de notre ennemi alors que nous sommes en guerre ».

« J’appelle la police israélienne à agir immédiatement contre ceux qui violent la loi et j’appelle tous les responsables élus à s’abstenir de tenir des propos irresponsables qui amènent l’armée dans l’arène politique », a-t-il ajouté.

Les militaires ont ajouté que plusieurs compagnies qui étaient stationnées en Cisjordanie et autres ont été déployées à Beit Lid dans la soirée de lundi, et que plusieurs bataillons seraient envoyés là-bas d’ici mardi pour renforcer les défenses. Ils ont démenti une information qui avait laissé entendre que des troupes avaient dû quitter Gaza pour protéger la base – tout en avertissement que les émeutes survenues étaient nuisibles pour la sécurité d’Israël.

Des soldats israéliens et la police se battent contre les manifestants d’extrême-droite entrés dans la base de Beit Lid où se trouvent des réservistes militaires qui ont été placés en détention en vue d’un interrogatoire, soupçonnés d’avoir commis des violences envers un terroriste palestinien présumé, le 29 juillet 2024. (Crédit : Oren Ziv / AFP)

Tsahal a fait remarquer que ces échauffourées avaient détourné l’attention de la mission actuellement menée par les militaires – qui sont chargés d’élaborer des plans portant sur la riposte israélienne après l’attaque meurtrière du Hezbollah qui, depuis le Liban, a procédé à un tir de roquettes sur le plateau du Golan qui a tué douze enfants et adolescents.

Des officiers de l’armée, et notamment Halevi, ont été dans l’obligation d’interrompre leurs discussions consacrées aux hostilités dans le nord pour s’occuper des infiltrations des manifestants dans les bases.

Les investigations sur les soldats avaient été lancées après qu’un terroriste présumé, qui était détenu à Sde Teiman, a été hospitalisé en montrant des signes de graves violences, notamment à l’anus. Il avait été capturé par Tsahal dans la bande de Gaza il y a déjà plusieurs semaines.

L’organisation d’aide juridique Honenu – un groupe de droite – qui représente quatre des réservistes appréhendés a affirmé, lundi, que ses clients avaient agi dans un contexte d’auto-défense au cours de l’incident.

L’organisation a précisé dans un communiqué que le prisonnier avait attaqué et mordu les militaires lors de son transfert de la prison d’Ofer au centre de détention de Sde Teiman, il y a presque un mois. Elle a ajouté qu’un réserviste avait été blessé à cette occasion.

Des manifestants d’extrême-droite, certains portant l’uniforme militaire et des masques, transportant des armes, se réunissent aux abords de la base de Beit Lid où se trouvent des réservistes militaires qui ont été placés en détention en vue d’un interrogatoire, soupçonnés d’avoir commis des violences envers un terroriste palestinien présumé, le 29 juillet 2024. (Crédit : Oren Ziv / AFP)

Selon un reportage de la Radio militaire, les violences auraient eu lieu il y a environ trois semaines à Sde Teiman et le terroriste présumé avait été découvert, sur la base, dans un état critique avant d’être hospitalisé. Il avait subi une intervention chirurgicale. Sa vie n’est plus en danger, a précisé la station de radio.

Le ministre des Finances d’extrême-droite, Bezalel Smotrich, a émis pour sa part un communiqué disant que le mouvement de protestation contre les arrestations de soldats « est justifié et je le soutiens de tout mon cœur ».

Il a néanmoins lancé un appel à ses partisans, leur demandant « de respecter la loi et de protéger l’intégrité de l’armée et de la population », de ne pas tenter de s’infiltrer dans les bases de Tsahal et de ne pas « se battre contre les soldats et les agents de police, qui sont nos frères ».

« Tentative de coup d’État contre un Premier ministre faible »

De son côté, le leader de l’opposition, Yair Lapid, a estimé que les émeutes qui ont eu lieu lundi ont montré que Netanyahu était « faible » et qu’il a perdu le contrôle de son gouvernement. Il l’a encouragé à limoger les ministres impliqués dans ces effractions.

« Nous ne sommes pas au bord de l’abîme, nous sommes dans l’abîme », a-t-il affirmé, tirant la sonnette d’alarme. « Toutes les lignes rouges ont été franchies aujourd’hui ».

« Ce ne sont pas des émeutes, c’est une tentative de coup d’état de la part d’une milice armée contre un Premier ministre faible qui est dans l’incapacité de contrôler son gouvernement », a dit Lapid. Les députés qui ont pris d’assaut les bases militaires transmettent le message « qu’ils en ont fini avec la démocratie, qu’ils en ont fini avec l’état de droit », a-t-il continué.

Le chef de l’opposition Yaïr Lapid, leader de Yesh Atid, dirigeant une réunion de faction à la Knesset, à Jérusalem, le 8 juin 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

De son côté, Naama Lazimi, élue à la Knesset sous l’étiquette d’Avoda, a annoncé sur X qu’elle avait porté plainte contre Sukkot et Vaturi devant la Commission d’éthique du parlement en raison de leur implication dans les émeutes de Sde Teiman.

Shanna Orlik, du mouvement activiste Hitorerut, avait précédemment déposé une plainte auprès de la police contre Sukkot pour être entré sans autorisation à Sde Teiman – ce qui, a-t-elle souligné, est un délit criminel passible d’une peine de prison.

Altercations à l’arrivée de la police militaire

Ces violences survenues à Sde Teiman avaient éclaté quand des enquêteurs de la police militaire étaient arrivés sur la base, lundi matin, pour placer en détention des soldats, a fait savoir l’armée. Des images qui ont été diffusées à la télévision ont montré des membres de la police militaire, certains d’entre eux masqués, emmenant un réserviste.

Une discussion animée éclate entre des soldats au centre de détention de Sde Teiman, dans le sud d’Israël, après que des enquêteurs de la police militaire sont arrivés pour détenir des suspects pour interrogatoire, le 29 juillet 2024. (Capture d’écran : X, utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Il y avait eu une altercation entre les enquêteurs et les soldats et un groupe de députés et d’activistes d’extrême-droite – avec à leur tête le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir — avait décidé de se rendre à Sde Teiman, outré par le placement en détention des militaires. Certains membres du groupe, qui s’était positionné à l’extérieur, avaient décidé de s’introduire dans la base elle-même.

Selon le site d’information Ynet, plusieurs journalistes qui tentaient de couvrir les émeutes ont été agressés par les protestataires et notamment Ilana Curiel, qui travaille pour le site. La police a dû intervenir pour assurer sa protection.

« Ils m’ont poussée, ils m’ont injuriée, ils m’ont dit que j’étais la p…utain des Arabes, une traître », a-t-elle raconté. « Ils ont fait tomber mon téléphone à deux reprises. Je suis en larmes ».

Ynet a ajouté que les personnes qui s’étaient rassemblées à Beit Lid avaient essayé d’empêcher les voitures d’entrer dans la base, exigeant que les véhicules soient fouillés et qu’il leur soit interdit de pénétrer sur le site s’ils transportaient des soldats soupçonnés de comportements criminels.

Des soldats en opération à la frontière avec la bande de Gaza, le 28 juillet 2024. (Crédit : Erik Marmor/Flash90)

Régulièrement accusé de se livrer à des abus et à d’autres crimes à l’encontre des Palestiniens, Israël affirme que de tels actes ne sont pas tolérés et déclare fait appliquer rigoureusement la loi dans les rangs de son armée, même si les critiques notent que d’éventuelles condamnations sont rares. Des initiatives prises pour poursuivre en justice des militaires soupçonnés de violences présumés ont provoqué l’indignation, dans le passé, certains membres de la droite de l’échiquier politique estimant que les troupes font face à des situations complexes, souvent hostiles, où un degré d’impunité doit être accordé.

Ben Gvir a indiqué qu’il était « honteux » qu’Israël procède à l’arrestation « de nos meilleurs héros » alors que Smotrich a déclaré que « les soldats de l’armée israélienne méritent le respect » et qu’ils ne doivent pas être traités « comme des criminels ».

Dans une vidéo filmée sur la base, Sukkot a déclaré que « nous ne pouvons pas enquêter sur les soldats tant que nous n’avons pas enquêté sur ceux qui n’ont pas réussi à empêcher le 7 octobre ». Au moyen d’un mégaphone, il a déclaré à l’adresse des manifestants : « Nous n’avons pas d’autre armée, c’est une manifestation importante, sortons et ne nous battons pas contre les soldats ».

Le député Zvi Sukkot (HaTzionout HaDatit) photographié après s’être introduit dans le centre de détention de Sde Teiman de Tsahal, 29 juillet 2024. (Capture d’écran X, utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Le président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense, Yuli Edelstein, a annoncé, face au tollé, qu’il convoquerait une réunion urgente mardi pour discuter de la situation.

« Je ne prêterai pas main forte à des scènes comme celle qui s’est déroulée aujourd’hui sur la base de Sde Teiman », a déclaré Edelstein. « Une situation dans laquelle des policiers militaires masqués font une descente dans une base de Tsahal n’est pas acceptable pour moi, et je ne permettrai pas que cela se reproduise. Nos soldats ne sont pas des criminels et cette poursuite méprisable de nos soldats est inacceptable pour moi ».

Le ministre de la Justice ressuscite l’appel à la refonte radicale du système judiciaire

Le ministre de la Justice, Yariv Levin, s’en est pris à la Haute-cour de justice – qu’il critique très fréquemment – pour l’arrestation des soldats. Il a estimé que cette initiative justifiait la relance de son plan de refonte radicale de réforme judiciaire, qui a été suspendu.

« J’ai été choqué de voir les images difficiles des soldats appréhendés à Sde Teiman qui ont été traités comme des criminels dangereux », a dit Levin, qui a affirmé que les soldats menaient « un travail sacré » et que leur arrestation était le résultat « d’une dégradation morale qui commence au sommet de la hiérarchie, avec les jugements et les décisions qui sont émis par la Haute-Cour ».

L’Association des droits civils en Israël (ACRI) avait déposé une requête auprès de la Haute Cour de justice pour qu’elle ordonne à l’État de fermer le site Sde Teiman, après que des rapports ont fait état, ces derniers mois, de mauvais traitements dans l’établissement pénitencier.

Des terroristes palestiniens, les yeux bandés, capturés dans la bande de Gaza, dans un centre de détention de la base militaire de Sde Teiman, dans le sud d’Israël, une photo non-datée. (Crédit : Breaking The Silence via AP)

Des informations qui faisaient état d’abus généralisés à l’encontre des prisonniers, notamment d’un recours extrême à la contention physique, de passages à tabac, de négligence des problèmes médicaux, de punitions arbitraires, etc.

L’armée israélienne avait annoncé en mai qu’elle enquêtait sur des cas d’abus et de torture de détenus à Sde Teiman, à la suite d’informations selon lesquelles les prisonniers étaient gravement maltraités. Tomer-Yerushalmi, l’avocate générale de l’armée, a déclaré qu’à la fin du mois de mai, l’armée avait ouvert 70 enquêtes qu’elle traitait « très sérieusement ».

Au début du mois, Netanyahu avait déclaré à la Haute Cour que Sde Teiman ne devait être utilisé que pour des détentions de courte durée et l’interrogatoire des Palestiniens détenus pour des raisons de sécurité et capturés à Gaza.

Les terroristes et autres suspects sont généralement détenus dans un premier temps dans les centres de détention des bases de Tsahal de Sde Teiman, Anatot et Ofer, avant d’être remis à l’administration pénitentiaire israélienne. Les détenus sont légalement autorisés à rester en détention pendant 45 jours avant d’être soit libérés, soit confiés à l’administration pénitentiaire.

Suite aux allégations d’abus et de torture et à la requête de l’ACRI auprès de la Haute Cour, l’État a annoncé que l’armée cesserait progressivement d’utiliser le site de Sde Teiman, et les transferts de prisonniers ont commencé immédiatement.

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