La police turque affronte les manifestants près d’une base utilisée par les forces américaines
Des centaines de personnes ont manifesté près de la base aérienne d'Incirlik en amont de la visite du secrétaire d'État américain Antony Blinken ; la police a utilisé des canons à eau
INCIRLIK, Turquie – la police turque a utilisé des gaz lacrymogènes, dimanche, pour disperser un rassemblement pro-palestinien qui était organisé aux abords d’une base militaire accueillant des forces américaines, quelques heures seulement avant l’arrivée du secrétaire d’État Antony Blinken à Ankara.
Le mouvement de protestation qui a eu lieu devant la base aérienne d’Incirlik, dans le sud-est de la Turquie, avait été organisé par l’ONG humanitaire IHH qui, en 2010, avait pris la tête d’une flottille qui avait voulu briser le blocus naval à Gaza, entraînant des affrontements meurtriers avec l’armée israélienne.
Cette manifestation s’est tenue alors qu’Israël combat le Hamas dans la bande de Gaza après le massacre perpétré par le groupe terroriste dans le sud d’Israël, le mois dernier, qui a fait plus de 1400 morts, des civils en majorité.
Selon un photographe de l’AFP sur place, la police est intervenue lorsque la foule a commencé à se diriger vers la base après avoir tenu un rassemblement pacifique à Incirlik.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent plusieurs centaines de personnes agitant des drapeaux palestiniens, courant dans un champ et poursuivies par la police qui a également fait usage d’un canon à eau. Il n’y a pas eu d’arrestation. Les responsables américains n’ont pas réagi à l’incident.
Cette base située par la côte israélienne est la propriété de la Turquie mais elle est utilisée par l’armée de l’air américaine et, occasionnellement, par l’armée de l’air britannique, ce qui leur offre un accès stratégique à une grande partie du Moyen-Orient.
Turkish Police and Special Forces used Water Cannons, Tear Gas, and Rubber Bullets this morning to Disperse a Crowd of at least Five Thousand Pro-Palestinian and Hamas Supporters in Front of Incirlik Air Force Base in the City of Adana, which Houses roughly 50 B61 Nuclear Bombs… pic.twitter.com/hISLuDQ0DY
— OSINTdefender (@sentdefender) November 5, 2023
Ce mouvement de protestation avait été organisé pour coïncider avec la visite à Ankara du secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui est arrivé dimanche dans la soirée et qui rencontrera le chef de la diplomatie turc, Hakan Fidan, dans la journée de lundi.
Près d’un millier de personnes se sont également rassemblées dimanche devant l’ambassade américaine à Ankara, selon un photographe de l’AFP sur place.
La Turquie a été le théâtre ces dernières semaines d’importantes manifestations de soutien aux Palestiniens.
Par ailleurs, en France, ce sont des milliers de personnes qui ont défilé à Marseille, dans le sud du pays, en soutien aux Palestiniens et qui ont appelé à un cessez-le-feu à Gaza. La marche, mise en place par un groupe d’associations, de partis et de syndicat, a rassemblé 2700 personnes dans l’après-midi, selon la police française.
Israël s’est donné pour objectif de démanteler le groupe terroriste, à l’origine de la pire attaque de toute l’Histoire du pays, le 7 octobre. Lors de l’assaut barbare commis par le Hamas, plus de 1 400 personnes ont été massacrées, en majorité des civils, et 240 personnes ont été kidnappées et sont actuellement retenues en captivité dans la bande de Gaza. Quatre otages ont depuis été libérés par l’organisation et une soldate a pu être secourue par les forces de sécurité. Une pluie de roquettes s’était abattue sur l’État juif, ce jour-là ; des tirs qui n’ont pas connu d’accalmie depuis, provoquant le déplacement de plus de 200 000 Israéliens en conséquence.
Plus de 9 770 Palestiniens auraient été tués au cours de la guerre. Les bilans des morts publiés par le ministère de la Santé, dirigé par le Hamas, ne peuvent être vérifiés de manière indépendante et incluent à la fois des civils et des membres du Hamas tués à Gaza, y compris à la suite de tirs de roquettes ratés par le groupe terroriste lui-même.
La Turquie, qui lutte contre une insurrection kurde, ancienne de plusieurs décennies, qui a entraîné des dizaines de milliers de morts, avait initialement défendu le droit d’Israël à riposter au Hamas. Mais le président Recep Tayyip Erdogan a durci le ton alors que la guerre fait rage et que le bilan des victimes civiles ne fait que grimper.
Erdogan s’en est pris aux États-Unis de manière répétée pour le soutien qu’ils apportent à l’opération israélienne qu’il a comparée à un « génocide ».
Il a aussi condamné un « massacre immoral, sans scrupule et méprisable » à Gaza.
Il avait pris la tête d’un rassemblement massif à Istanbul, le mois dernier, qui aurait réuni 1,5 million de personnes où il avait interpellé Israël, « l’occupant » qui agissait « comme un criminel de guerre ».
La Turquie a annoncé, samedi, qu’elle rappelait son ambassadeur en Israël pour des consultations et qu’elle rompait tout contact avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qu’Erdogan tient pour personnellement responsable des pertes civiles à Gaza.
De son côté, Israël a fait savoir que le pays procédait à « une réévaluation » de ses relations en raison de la rhétorique de plus en plus incendiaire utilisée par Ankara au sujet de la guerre opposant l’État juif au Hamas. Tous ses diplomates stationnés en Turquie ont été rappelés – et cela a aussi été le cas dans d’autres pays régionaux, pour des raisons « sécuritaires ».
Avant l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, Israël avait longtemps été un allié régional de la Turquie, mais les relations s’étaient rompues en 2010 après le raid israélien sur le navire Mavi Marmara à destination de Gaza, qui faisait partie d’une flottille de contournement du blocus. L’opération avait fait 10 morts parmi les militants turcs qui avaient attaqué des soldats de Tsahal à bord du navire.
Les relations s’étaient légèrement améliorées dans un premier temps – mais les deux pays avaient rappelé leurs ambassadeurs en 2018 en raison des violences à Gaza et du transfert de l’ambassade à Jérusalem par l’administration Trump. Puis, en 2022, les deux pays avaient à nouveau échangé des ambassadeurs et ils avaient relancé des discussions portant sur un projet de gazoduc, soutenu par les États-Unis, projet qui auraient pu servir de fondement à de relations plus durables.
Blinken, qui s’est rendu en Cisjordanie samedi – une visite qui n’avait pas été annoncée au préalable – dans le cadre de sa tournée au Moyen-Orient, était attendu en Turquie pour la toute première fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.
Erdogan ira dans le Nord-Est de la Turquie, lundi, ce qui rend improbable un éventuel entretien personnel avec le numéro un de la diplomatie américaine.
Le leader turc a déclaré, dimanche, qu’Ankara « œuvre en coulisses » à mettre un terme au bain de sang et à garantir la délivrance d’aides humanitaires à Gaza.
« Mettre un terme aux effusions de sang à Gaza est le devoir de la Turquie », a-t-il déclaré devant les caméras d’une chaîne de télévision.
« Soyez assurés que nous faisons bien plus que ce que l’on voit », a-t-il ajouté.
Selon une source diplomatique turque, le chef de la diplomatie turque s’est entretenu par téléphone dimanche avec ses homologues égyptien et jordanien.