La position du Labour sur Israël va-t-elle changer avec son nouveau dirigeant ?
Si Keir Starmer devrait éviter les débats internes sur le Moyen-Orient, sa cheffe des Affaires étrangères est connue pour être un soutien fervent des Palestiniens

Keir Starmer, le nouveau président du parti britannique du Labour, devrait mettre en place des relations bien plus chaleureuses non seulement avec les Juifs locaux, mais également avec Israël. Contrairement à son prédécesseur Jeremy Corbyn, critique féroce de l’Etat juif, le nouveau chef de l’opposition de Sa majesté serait, pour sa part – selon des informations – plutôt bienveillant à l’égard du pays.
Toutefois, Starmer, âgé de 57 ans, ne devrait probablement pas revenir sur les politiques anti-israéliennes qui ont été adoptées pendant l’ère Corbyn, selon plusieurs sources issues de la communauté juive et familières du Labour, qui se sont entretenues avec le Times of Israël.
Au mois de septembre, la conférence travailliste avait apporté son soutien, à une majorité écrasante, à la reconnaissance immédiate d’un État palestinien et à un gel des ventes d’armes britanniques à Israël.
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Une résolution adoptée à cette occasion avait vivement recommandé à la formation « d’adhérer à une politique éthique sur l’ensemble du commerce réalisé par le Royaume-Uni avec Israël, et en particulier en faisant appliquer le droit international concernant les implantations dans les territoires palestiniens occupés » – ce que certains avaient interprété comme un appel tacite au boycott des produits fabriqués dans les implantations de Cisjordanie.
Contrairement à Corbyn, Starmer, dont l’épouse Victoria Alexander est Juive et qui a de la famille à Tel Aviv, n’a pas fait de déclarations publiques sur le conflit du Moyen-Orient. Il ne devrait pas consacrer beaucoup d’énergie au sujet, ont estimé des personnes, et il est hautement improbable qu’il se risque à entrer en guerre avec sa base politique au sujet d’éventuelles initiatives qui viseraient à supprimer de l’agenda du Labour ces appels à un État palestinien ou à un embargo sur les armes.
Il soutient une solution à deux États. « Il est indubitable qu’il a davantage de sympathie pour la cause palestinienne que pour le positionnement israélien », selon une source interrogée.
Comme toutes les sources issues de la communauté juive avec lesquelles nous nous sommes entretenus pour cet article, cette source s’est exprimée sous couvert d’anonymat, espérant forger une relation positive avec Starmer dans les prochaines semaines.

Dans l’une des vidéos de campagne de Starmer apparaît un gigantesque drapeau palestinien alors qu’une voix promeut « la paix et la justice dans le monde entier avec une politique des Affaires étrangères basée sur les droits de l’Homme ».
« Je suis certain qu’il ne s’agit pas entièrement d’une coïncidence », estime un responsable juif britannique.
Le nouveau leader de l’opposition – ancien directeur du prestigieux Service des poursuites judiciaires de la Couronne – accorde une grande place aux droits de l’Homme et à l’État de droit, ce qui se reflètera probablement dans sa politique étrangère et notamment dans son approche du conflit israélo-palestinien, selon plusieurs analystes.
Dans les nuances offertes par le centre-gauche du Royaume-Uni, Starmer, membre du groupe Friends of Palestine and the Middle East au sein du Labour, pourrait être placé quelque part au milieu, entre le camp pro-Israël et le camp anti-Israélien, indiquent plusieurs personnes interviewées pour cet article.
« Ce n’est pas Corbyn – c’est clair. Mais il est incontestablement plus proche d’Ed Miliband [qui a dirigé le Labour entre 2010 et 2015] que de Tony Blair ou de Gordon Brown en ce qui concerne le dossier israélo-palestinien », explique une source.
Blair et Brown — les derniers, au Parti travailliste, à avoir occupé le siège de Premier ministre – étaient considérés comme très favorables à Israël.

Dès l’annonce de sa victoire, Starmer, qui représente les circonscriptions de Holborn et St Pancras, au Parlement à Londres, a entrepris de livrer des initiatives claires visant à redorer le blason du Labour auprès des Juifs britanniques.
Il a présenté ses excuses pour l’antisémitisme virulent qui s’est exprimé dans ses rangs, faisant la promesse de l’éradiquer. Lutter contre la haine antijuive au sein du Parti travailliste restera probablement l’une de ses priorités absolues dans les prochains mois, ont noté les analystes.
« Une fois que la crise entraînée par le coronavirus sera terminée et que les membres du personnel seront autorisés à reprendre le travail, je fermerai les bureaux du parti du Labour pendant une journée et j’inviterai les représentants de la communauté juive à venir animer une journée de formation sur la question de l’antisémitisme », a-t-il écrit dans un éditorial paru dans le Jewish Chronicle.
« Je saurai remuer ciel et terre dans la lutte contre l’antisémitisme. C’est la promesse que je fais solennellement à la communauté juive », a-t-il promis.
Il n’est pas réaliste de s’attendre à un revirement sur les changements politiques apportés par Corbyn dans le boycott des implantations et dans l’embargo sur les armes
Cette déclaration de guerre rapide et retentissante à la haine anti-juive ne signifie pas pour autant que l’homme investira la même énergie dans le renversement de certaines politiques anti-israéliennes qui ont été récemment adoptées par le Labour.
« Tandis que tout cela réconfortera probablement tous ceux d’entre nous qui nous inquiétons de l’antisémitisme, ceux qui, parmi nous, soutiennent Israël ne doivent pas s’attendre à des changements spectaculaires dans la politique de la formation et à un retour à cet âge d’or de la bienveillance des dirigeants du Labour à l’égard d’Israël, comme cela avait été le cas avec Blair et Brown », écrit Luke Akehurst, ancien membre du Comité exécutif du Parti travailliste britannique dans le magazine Fathom.
« Il n’est pas réaliste de s’attendre à un revirement dans les changements politiques apportés par Corbyn concernant le boycott des implantations et l’embargo sur les armes parce que Starmer aura d’autres priorités politiques ; il ne va pas chercher la confrontation sur des sujets de politique étrangère lors des conférences du parti parce qu’il va vouloir mettre l’accent sur l’unité et emporter sa propre base de soutiens de gauche avec lui ; et il ne disposera pas des votes pour l’emporter dans ces dossiers », continue-t-il.
« Mais nous pouvons nous attendre à un retour à une forme de normalité concernant la relation entretenue par le Labour avec Israël et avec les vestiges fragmentés des formations-soeurs travaillistes, là-bas ».
Plusieurs personnes interrogées pour cet article ont déclaré qu’il était probable que Starmer – qui a dit se considérer comme sioniste dans le sens où il « croit en l’Etat d’Israël » – ferait de l’Etat juif l’une de ses toutes premières destinations à l’étranger une fois que les restrictions liées à la pandémie de coronavirus seraient levées.
« Il veut visiter Yad Vashem et rencontrer les politiciens de centre-gauche en Israël », confie une source.
Le ministre des Affaires étrangères du cabinet fantôme
Tandis que les politiciens israéliens – et notamment le ministre des Affaires étrangères Israel Katz et le chef du Parti travailliste Amir Peretz – ainsi que les amis britanniques de l’Etat juif ont salué l’élection de Starmer, certains se sont inquiétés de son choix de Lisa Nandy au poste de secrétaire des Affaires étrangères.

Nandy qui, l’année dernière, avait déclaré être « sioniste » parce qu’elle soutient « le droit des Juifs à l’auto-détermination », est un soutien fervent de la cause palestinienne.
« Elle pourrait se révéler plus que problématique pour Israël », dit une source.
Au mois de décembre 2018, alors qu’elle prenait la présidence du groupe Labour Friends of Palestine and the Middle East, Nandy avait juré de s’opposer « au blocus de Gaza et à l’occupation illégale » de la Palestine, critiquant les ventes d’armes britanniques à Israël et semblant approuver « le droit au retour » des réfugiés palestiniens ayant quitté l’État juif après sa création, en 1948.
Au début de l’année, elle a réaffirmé ces positionnements ainsi que d’autres également anti-israéliens, apportant publiquement son appui à une déclaration publique faite par le mouvement Palestine Solidarity Campaign. Son soutien et son association à cette organisation – que les critiques considèrent comme excessivement injuste à l’égard d’Israël – ont été critiqués par les soutiens d’Israël, notamment au sein de son propre parti, qui ont affirmé que le droit au retour palestinien signifierait la fin de l’État juif et qu’il était donc incompatible avec la solution à deux États.
Hésitant à l’idée d’entrer lui-même dans la controverse entraînée par le conflit, Starmer pourrait vouloir que sa cheffe de la politique étrangère ouvre la voie dans ce dossier, selon un éminent juif britannique qui connaît le chef du Labour depuis longtemps.
« Starmer optera toujours pour un point de vue équilibré et approprié pour une personne dans sa position », affirme-t-il. « Et s’il est Premier ministre dans quelques années, il ne reconnaîtra pas un État palestinien. Toutefois, il pourrait bien avoir un secrétaire aux Affaires étrangères qui le fasse. »
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