La première interview télévisée des parents de Hersh Goldberg-Polin depuis son exécution par le Hamas
Les parents de l'otage israélo-américain assassiné ont dit que la dépouille de leur fils était décharnée et criblée de balles ; ils ont refusé de voir le Premier ministre après les funérailles

Les parents d’un otage assassiné, Hersh Goldberg-Polin, un ressortissant israélo-américain, ont signalé avoir été rejetés à plusieurs reprises lorsqu’ils avaient averti les hauts-responsables israéliens que leur fils et d’autres captifs du Hamas à Gaza couraient le risque d’être exécutés par le groupe terroriste.
Dans un entretien diffusé jeudi soir, Jon Polin et Rachel Goldberg-Polin ont également fait savoir qu’ils avaient refusé une offre faite par le Premier ministre qui désirait leur parler après les funérailles de leur fils. Ils ont précisé qu’ils avaient cherché à prendre leurs distances avec d’autres officiels – qu’ils ont accusé de ne pas avoir compris le caractère profondément urgent du sauvetage des Israéliens qui avaient été kidnappés par le Hamas, le 7 octobre 2023, et de ne pas avoir eu la volonté politique de les secourir.
« Il y a eu des décideurs politiques qui, pour des raisons qui sont les leurs, n’ont pas saisi ces opportunités et nous les avons donc manquées », a déclaré Polin devant les caméras de la chaîne d’information israélienne N12.
Hersh Goldberg-Polin était l’un des six otages dont les corps sans vie avaient été retrouvés dans un tunnel de Gaza, à la fin du mois d’août – avec Carmel Gat, Ori Danino, Eden Yerushalmi, Almog Sarusi et Alexander Lobanov. Ils avaient été exécutés par leurs ravisseurs, apparemment mis sur le qui-vive alors que les troupes israéliennes semblaient s’approcher de leur cache. La découverte des dépouilles des captifs avait entraîné une vive colère contre le gouvernement qui s’est révélé être incapable de conclure un accord de cessez-le-feu qui aurait ouvert la porte à la remise en liberté d’au moins certains otages, et qui ne cesse d’affirmer que seule l’action et les pressions militaires pourront faire avancer les choses.
Les otages faisaient partie des 251 personnes qui avaient été kidnappées en Israël, le 7 octobre, lors du pogrom commis dans le sud d’Israël par le groupe terroriste du Hamas – les hommes armés avaient massacré plus de 1 200 morts, des civils en majorité, semant la désolation.
S’exprimant aux côtés de son épouse pour la première fois depuis la mort de leur fils, Jon Polin a déclaré qu’au cours des nombreux mois de guerre, il avait « interpellé les décisionnaires » lors de diverses réunions en dénonçant un manque de prise de conscience de l’urgence de passer à l’action au moment où avec d’autres familles, il faisait pression en faveur d’un accord.

Il a raconté avoir interrogé les dirigeants : « Pourquoi êtes-vous sûrs que nous avons le temps et que nous n’allons pas nous mettre dans une situation où une pression militaire trop forte conduira les ravisseurs à aligner les otages les uns à côté des autres et à leur tirer une balle dans la tête ? ».
« Et les gens, partout, nous ont assuré : ‘Non, non, ça ne va pas se terminer comme ça’. Nous avons posé cette même question : ‘Pourquoi est-ce que cela ne se terminera-t-il pas comme ça ?’ et à chaque fois, on nous a répondu : ‘C’est un atout ; il y a des raisons qui expliquent clairement qu’une telle issue ne se produira pas’, » a-t-il continué.
Une scène effrayante
Rachel Goldberg-Polin a évoqué les conditions de détention qui avaient été celles de Hersh et des cinq autres otages, telles qu’elles ont été communiquées à la famille : elle a parlé « d’un tunnel sans air, complètement noir, sans plomberie ».
Elle a précisé que tout le long du tunnel, il y avait des bouteilles remplies d’une urine très foncée, indiquant à quel point les otages étaient déshydratés. Un seau en plastique avait été placé au bout du tunnel pour que les otages puissent avoir un peu d’intimité lorsqu’ils faisaient leurs besoins.
Hersh, 23 ans, mesurait près d’un mètre quatre-vingt-dix, mais il ne pesait que 53 kilos au moment de son inhumation. Sa main gauche avait été arrachée par une grenade le jour du pogrom du 7 octobre. Lorsqu’il a été retrouvé, une balle avait traversé la main droite qui lui restait, apparemment parce qu’il avait essayé de se protéger pendant l’exécution. Il était aussi blessé par balle à l’épaule, au cou et à l’arrière de la tête. Il était sur les genoux quand son corps sans vie a été découvert, et une captive âgée de 24 ans, Eden Yerushalmi, était appuyée sur ses genoux.
« C’était une scène horrible. Ils étaient tous si maigres et ils ont tous été abattus de plusieurs balles à bout portant », a déclaré Goldberg-Polin.
Ne demandez pas notre pardon
Alors qu’il était interrogé sur le fait que les dirigeants israéliens avaient choisi de ne pas sauver les otages, Jon Polin a expliqué que le gouvernement avait manqué des opportunités de faire libérer les captifs à plusieurs reprises, au cours de ces douze derniers mois.
« Les raisons de ces manquements ont changé à chaque fois, qu’il s’agisse du couloir de Netzarim ou du couloir Philadelphi, de la manière de permettre de ramener les citoyens de Gaza du sud vers le nord de la bande ou de la durée d’une trêve », a-t-il dit.

Il a fait remarquer que l’ensemble de l’establishment chargé de la sécurité, en Israël, avait soutenu les compromis en vue de la finalisation d’un accord, mais qu’il y avait également des « pressions politiques » qui s’exerçaient dans l’autre sens. Polin a mentionné une lettre qui dénonçait la conclusion d’un éventuel accord et qui avait été signée, au mois de juillet, par des rabbins de premier plan appartenant au mouvement national-religieux et « qui, je pense, n’ont jamais compris le contenu d’un accord qui pourrait être conclu et qui en rejetaient de toute façon le principe même ».
Ces derniers jours, nombre de ces mêmes rabbins ont semblé faire part d’un changement de positionnement dans un nouveau courrier, se déclarant favorables à « un accord responsable ».
Il a révélé que lui et son épouse avaient décliné une offre faite par le bureau de Netanyahu – le Premier ministre avait proposé de venir leur parler après les funérailles de leur fils. « Nous avons décidé, à ce moment-là, de ne pas le faire. Je ne sais pas vraiment ce que nous aurions pu dire à des décisionnaires politiques, à certains rabbins, à d’autres personnes en position de leadership qui nous ont tellement déçus », a indiqué John.
« J’ai trouvé très intéressant que des personnes influentes aient essayé de venir nous voir pendant la shiva. Nous avons dit : ‘S’il vous plaît, nous ne voulons pas de ces gens ici’, » a dit Rachel, qui a précisé avoir opposé ce refus « avec gentillesse ».
« Lorsque vous choisissez de faire quelque chose qui, vous le savez, est mal, vous ne pouvez pas – c’est le cas tout du moins selon la loi juive… le Lévitique [dit] que lorsque vous commettez un péché intentionnellement, vous êtes redevable, vous êtes puni pour ce péché », a-t-elle poursuivi. « Ne venez pas me demander de vous pardonner pour ce péché que vous avez commis. Ce n’est pas moi qu’il faut venir voir. Le vrai repentir, il surviendra quand vous vous retrouvez dans la même situation où vous avez commis le mal en toute conscience et où, cette fois-ci, votre choix sera différent ».
« Ce que je voudrais dire à ces personnes qui voulaient venir nous voir après avoir choisi de ne pas sauver les six otages, c’est : ‘Il vous reste 101 chances à saisir maintenant. Faites-le, et ce sera là votre repentir. Vous n’avez pas besoin de venir me demander pardon », a-t-elle continué, faisant référence au nombre d’otages toujours détenus à Gaza.
Un espoir néfaste
Goldberg-Polin a indiqué qu’elle craignait que l’espoir que les familles d’otages ont tenté de nourrir concernant le retour de leurs proches n’ait finalement incité les leaders israéliens à faire preuve de complaisance.
« Peut-être que notre espoir a été trop contagieux, qu’il a eu trop de positivité dans cette période sombre, faisant croire aux personnes présentes autour de la table et à ceux qui détiennent le pouvoir qu’in fine, tout le monde allait rentrer à la maison : ‘Allez, on se calme, ils vont être rapatriés. Cela va juste prendre un peu de temps’, » a-t-elle déclaré devant les caméras de la Douzième chaîne.

« Maintenant que nous savons comment ils ont été trouvés, il est évident qu’il n’y a pas une seconde à perdre. Nous devons agir – et ce, dès maintenant. Il y a des otages aujourd’hui, alors que nous sommes assis ici en train de parler, qui sont dans la même situation – et elle a encore probablement empiré. »
Ce que l’avenir nous réserve
Interrogés au cours de l’entretien sur le prochain chapitre – encore inconnu – de leur vie, le couple a dit ressentir une forte incertitude.
Jon a indiqué que lui et son épouse avaient été encouragés à entrer dans la vie publique d’une manière ou d’une autre.
« Nous nous demandons si nous allons redevenir ce que nous étions auparavant. Reprendrons-nous les emplois que nous occupions le 5 octobre de l’année dernière, ou devrions-nous faire quelque chose d’autre ? », s’est-il interrogé.
« Il y a quelque chose que nous avons clairement constaté, c’est que les Israéliens et même le monde entier ont faim de quelque chose. Et je ne dis pas que c’est de nous, je ne dis pas qu’ils ont besoin de Jon et de Rachel en particulier mais il y a des gens qui viennent nous voir et qui nous disent : ‘Nous avons besoin de voix claires, de voix saines’. Et nous nous disons : ‘Nous ne sommes que des parents en deuil. Je ne suis pas sûr que nous soyons ces voix-là’. Mais nous parlons beaucoup de ce que nous allons faire à partir de maintenant. Nous ne le savons pas encore », a-t-il déclaré.
Rachel a admis avoir du mal à ne plus être anonyme et à avoir des difficultés à la pensée que « dorénavant, je suis quelqu’un qui déclenche une certaine douleur émotionnelle chez les autres ».
« Je sais que tout le monde veut nous réconforter, que ça part d’un bon sentiment. Personne ne ferait jamais, au grand jamais, quoi que ce soit pour nous causer intentionnellement de la peine. Mais c’est douloureux », a-t-elle dit.

« Nous allons nous remettre », a promis Goldberg-Polin vers la fin de l’entretien.
« Il y a des gens qui sont sortis d’Auschwitz et qui ont vécu une bonne vie. Ils n’ont jamais oublié leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs conjoints et leurs enfants qu’ils avaient perdus là-bas. Mais ils s’en sont sortis et ils ont décidé – au prix d’efforts considérables – d’avoir une vie agréable », a-t-elle fait remarquer.
« Et il y a des gens qui sont sortis d’Auschwitz et qui n’ont jamais quitté Auschwitz », a-t-elle ajouté.
« Nous sommes en deuil. Nous souffrons, mais nous faisons personnellement le choix de vivre notre vie. Nous devons le faire pour nous-mêmes. Nous devons le faire pour nos filles, et nous devons le faire parce que Hersh l’aurait voulu, alors nous allons vivre notre vie », a affirmé Polin.