La procureure générale alerte la Cour suprême : si l’exemption de conscription haredi tombe, le financement des yeshivot aussi
Gali Baharav-Miara souligne que l'expiration imminente de l'exemption de service des ultra-orthodoxes "entache la légalité des aides versées à ces étudiants"
La procureure générale Gali Baharav-Miara a fait savoir jeudi, à la Cour suprême de justice, qu’à défaut de nouveau texte de loi accordant des exemptions de service aux étudiants ultra-orthodoxes, le gouvernement ne pourrait plus subventionner les yeshivot qu’ils fréquentent.
Les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot reçoivent en effet des aides de l’État pour étudier en vertu de la loi qui leur permet en outre de bénéficier, chaque année, d’un report de l’obligation de service militaire jusqu’à l’âge de l’exemption, mais cette loi a expiré l’an dernier.
Afin de gagner du temps pour légiférer de nouveau sur cette loi très polémique, le gouvernement a adopté une résolution du cabinet permettant temporairement de surseoir à l’appel sous les drapeaux des étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot, et ce, jusqu’au 31 mars 2024.
En réponse à un recours du Mouvement démocratique civil israélien contre les subventions versées dans ces circonstances aux étudiants de yeshiva, Baharav-Miara a écrit que les dispositions de la loi régissant les aides aux yeshivot indiquaient qu’elles ne cessaient qu’au moment où l’étudiant se voyait délivrer ses papiers de conscription, le cas échéant.
« L’absence de cadre légal permettant le report du service [militaire] ou l’exemption des étudiants de yeshiva affecte la légalité des aides qui leur sont versées, conformément aux critères de soutien », a poursuivi la procureure générale.
En d’autres termes, si la résolution du cabinet n’était pas prorogée au-delà du 31 mars et venait à expirer, les aides versées aux étudiants de yeshiva feraient face à un problème de légalité.
L’aide mensuelle versée aux étudiants ultra-orthodoxes est peu élevée, mais elle constitue un élément important du revenu mensuel des étudiants mariés de yeshiva, sans lequel leur ménage serait très fragilisé.
Les partis politiques ultra-orthodoxes et la coalition pourraient se trouver en difficultés si la Cour suprême refusait de proroger la date d’expiration de la résolution du cabinet.
La veille, la procureure générale avait demandé une extension de la date butoir du 31 mars – toute proche – pour adopter un projet de loi d’exemption, en réponse à plusieurs recours contre le dispositif actuel.
Les services de Baharav-Miara ont souligné mercredi qu’à défaut de prorogation d’une résolution gouvernementale de juin 2023 – autorisant temporairement le gouvernement à ne pas appeler sous les drapeaux les hommes ultra-orthodoxes le temps de trouver une solution –, l’État ne sera plus légalement fondé à les exempter du service militaire et devra les convoquer dès le 1er avril.
En 2017, la Cour suprême avait invalidé, en raison de son caractère discriminatoire, la loi autorisant l’exemption générale des hommes haredim du service militaire, et donné au gouvernement un an pour adopter une nouvelle loi et relever le pourcentage des ultra-orthodoxes appelés sous les drapeaux. En raison des nombreuses élections qui ont eu lieu entre-temps, elle a accordé à l’État de multiples prorogations de ce délai.
Les services de la procureure générale ont fait savoir, mercredi, à ceux de la Cour suprême que le gouvernement travaillait « activement » à l’établissement d’un nouveau texte de loi destiné à réglementer les exemptions de service militaire pour les ultra-orthodoxes, et a demandé à la Cour une nouvelle prorogation de la date butoir du 31 mars afin de lui permettre de faire adopter ce texte.
La guerre à Gaza et la mobilisation importante qui en a résulté ont retardé la rédaction d’un projet de loi peu plébiscité par la population dans son ensemble, désireuse que les jeunes Haredim fassent leur part et effectuent leur service militaire comme le reste des Israéliens.
Depuis des dizaines d’années les hommes ultra-orthodoxes en âge de servir échappent à la conscription en s’inscrivant dans des yeshivot et en obtenant à plusieurs reprises des reports d’un an jusqu’à atteindre l’âge légal de l’exemption – un arrangement légiféré à plusieurs reprises par différents gouvernements, jusqu’à ce qu’il soit annulé pour la troisième fois par la Cour suprême en 2017.
La Cour s’est toutefois montrée généreuse en accordant plusieurs prorogations à l’État, pour tenir compte de la situation sociale difficile de dizaines de milliers de jeunes ultra-orthodoxes, lesquels risqueraient l’emprisonnement en cas de refus de servir.
Les dirigeants religieux haredim s’opposent farouchement à ce que ces jeunes hommes soient contraints d’effectuer leur service militaire, estimant que leurs études religieuses sont plus importantes.
La crainte que les jeunes hommes perdent leur identité ultra-orthodoxe durant leur service militaire, un facteur clé de l’opposition des rabbins haredim à l’enrôlement, a conduit les partis politiques haredim à exercer une forte pression sur de nombreux gouvernements pour reconduire les exemptions générales.