La refonte judiciaire peut nuire à la sécurité et aux liens avec les USA – INSS
Dans un rapport présenté à Herzog, l'Institut d'études sécuritaires nationales déclare que ce plan peut menacer la démocratie et avoir des implications graves pour la stabilité
Le plan gouvernemental de refonte du système judiciaire pourrait porter atteinte à la démocratie et entraîner des heurts avec les États-Unis, ce qui mettrait potentiellement en danger les liens stratégiques cruciaux entretenus avec le plus grand allié de l’État juif, a fait savoir un important think-tank dans la journée de lundi.
Dans un rapport de 86 pages, l’INSS (Institut d’études sécuritaires nationales) de l’université de Tel Aviv a également averti qu’une polarisation toujours croissante dans le pays pourrait avoir un impact substantiellement nuisible sur la sécurité du pays.
Il a noté qu’Israël continuait à bénéficier d’un avantage militaire qualitatif face à ses adversaires régionaux tout en s’inquiétant d’un éventuel affaiblissement de cet avantage en raison des agitations politiques.
Des agitations qui pourraient non seulement mettre en péril les liens entretenus avec l’administration Biden, qui a fait part de manière répétée de ses préoccupations, mais qui pourraient aussi porter atteinte à la sécurité d’Israël, a déclaré le directeur de l’INSS Tamir Hayman, ancien chef des services des renseignements militaires.
« Au niveau géostratégique, nous avons identifié la relation particulière avec les États-Unis comme étant le principal défi que devront relever les décisionnaires politiques – ces liens sont l’un des principaux points d’ancrage de la perception qu’a Israël de sa sécurité et tout dommage essuyé par ces liens affectera directement la manière dont Israël s’engage dans d’autres domaines », a ajouté Hayman alors qu’il présentait le rapport au président Isaac Herzog.
« La polarisation sociale qui ne cesse de s’approfondir en Israël devrait rendre plus difficile, pour le pays, la prise en charge des menaces extérieures », a-t-il continué.
Selon l’Institut, la relation entretenue avec les États-Unis dépendra largement de l’engagement d’Israël en faveur de la préservation de sa démocratie et de de la détermination du pays à éviter de contrevenir aux droits des minorités et aux droits des Palestiniens.
Le nouveau gouvernement israélien de la ligne dure, avec à sa tête le Premier ministre Benjamin Netanyahu, « présente un ordre du jour qui est clairement de droite et qui est perçu par d’importantes sections du public comme extrémiste et comme une menace à la nature et à l’ethos d’Israël en tant qu’État juif et démocratique », affirme le rapport.
Ses auteurs s’attardent sur la polarisation profonde qui a émergé dans la société à l’issue de quatre ans « d’instabilité politique, d’incitations et de délégitimation mutuelle ».
« Ces facteurs soulèvent des questions perturbantes sur la capacité même de l’État à préserver les fondations de la démocratie, l’indépendance du système judiciaire et de la police, l’équilibre entre l’État et la religion ainsi que les droits individuels », dit le rapport qui met également en garde contre la perspective bien réelle de violences intérieures.
Netanyahu et ses alliés d’extrême-droite et ultra-orthodoxes font actuellement avancer des changements controversés dans le système judiciaire, cherchant à donner aux députés un moyen de passer outre les décisions prises par la Cour lorsqu’elle est amenée à invalider des lois ou des décisions gouvernementales.
Ces projets de réforme ont entraîné des manifestations hebdomadaires massives et les avertissements des responsables, des leaders d’industrie et d’autres qui ont estimé que cette refonte pourrait faire d’Israël un paria à l’international.
Le rapport affirme également que toute atteinte aux droits démocratiques est susceptible d’entraîner des troubles dans la minorité arabe du pays.
« Les dégâts potentiels à la démocratie pourraient déboucher sur une exacerbation des tensions intérieures – cela pourrait être notamment le cas dans le secteur arabe – d’une manière qui aura non seulement des conséquences intérieures mais aussi des répercussions à l’extérieur, sur nos relations avec les Palestiniens et sur les relations d’Israël avec les pays étrangers », précise le rapport.
Ce rapport a été remis à Herzog qui a indiqué que si certaines parties du document étaient optimistes, il était lui aussi profondément inquiet face à ses conclusions.
« Un domaine qui me préoccupe particulièrement est celui que vous appelez ‘l’arène intérieure’ dans le rapport. La sécurité de l’État d’Israël est liée de manière étroite à sa résilience nationale. Nous sommes dans une période de crise et de conflit intérieur particulièrement dangereuse et nous devons être capables de faire face aux différences d’opinion les plus profondes, de les appréhender sans perdre notre foi en nous-même », a commenté Herzog.
Selon le think-tank, les deux principaux défis que l’État juif devra affronter en 2023 sont le programme nucléaire de l’Iran et la problématique palestinienne, avec une situation explosive. L’Institut indique que ces deux défis – et plus particulièrement la question palestinienne – peuvent aussi donner lieu à des frictions entre Jérusalem et Washington.
« Malgré les fondations solides de la relation particulière qui existe entre Israël et les États-Unis, cette dernière pourrait être mise à l’épreuve par le conflit avec les Palestiniens », remarque l’INSS, tout spécialement au vu d’initiatives prises par Israël qui pourraient être considérées comme changeant le statu-quo ou violant les droits de l’Homme.
Le rapport remarque aussi que l’affaiblissement de l’Autorité palestinienne pourrait entraîner des nouvelles flambées de violences en Cisjordanie et à Gaza, des flambées susceptibles de dégénérer en un conflit plus large.
En ce qui concerne l’Iran, l’INSS déclare que les initiatives prises par Téhéran pour faire progresser son programme nucléaire, l’année dernière, ont fait quasiment fait de la république islamique un État du seuil nucléaire. L’administration Biden reste toutefois concentrée sur la Chine et sur la Russie actuellement et elle est réticente, par conséquent, à un engagement total face à l’Iran avec la présentation d’une menace crédible, a estimé le think-tank.
Tobias Siegal a contribué à cet article.