La star de « Shtisel », Sasson Gabay, ravi d’incarner à nouveau un Haredi dans « Kugel »
L'acteur né en Irak reprend son rôle de Nuhem, un personnage parlant yiddish, dans le prequel très attendu de la série à succès "Shtisel", qui se déroule cette fois à Anvers

New York Jewish Week — « Je prépare le thé pour que nous puissions discuter tranquillement », dit Sasson Gabay depuis Israël au moment où il répond au téléphone.
La star israélienne du cinéma et du petit écran, aujourd’hui âgée de 77 ans, souhaite se mettre à l’aise afin de pouvoir parler de l’un de ses rôles préférés parmi ceux qu’il a interprétés au cours de ses cinquante ans de carrière : Nuhem Shtisel.
Si ce nom vous dit quelque chose, c’est normal : il s’agit d’un personnage de la série populaire et acclamée internationalement « Shtisel », qui raconte l’histoire d’une famille ultra-orthodoxe – ou haredi – israélienne. Aujourd’hui, Gabay reprend le rôle de Nuhem dans un prequel intitulé « Kugel », diffusé en exclusivité aux États-Unis sur la plateforme Izzy.
Et si le mot « kugel » vous semble familier, c’est bien la version ashkénaze d’un plat mijoté, et non un autre nom de famille. La nouvelle série suit Nuhem, un habitué d’un commerce de kugel dans sa ville natale d’Anvers, plusieurs années avant l’intrigue de « Shtisel », alors que lui et sa fille Libbi (Hadas Yaron) font face à des difficultés familiales et amoureuses. Nuhem a bon cœur, mais ce diamantaire se retrouve souvent au centre d’escroqueries financières qui menacent sa place au sein de sa famille et de sa communauté.
Aussi complexe que puisse paraître ce personnage, il n’a pas fallu beaucoup de temps pour convaincre Gabay, également connu pour avoir joué dans le film israélien « Bikur HaTizmoret » (« The Band’s Visit ») et dans la comédie musicale à succès de Broadway inspirée de ce film, de rejoindre cette série poignante et pleine d’humour noir qui, tout comme « Shtisel », a été créée par Yehonatan Indursky.
« J’ai adoré l’écriture [d’Indursky]. J’ai adoré son intrigue. J’ai adoré cet élément poétique présent dans tous ses écrits, qui sont, selon moi, sages, humains et brillants », a déclaré Gabay lors d’un appel WhatsApp.

Le 28 avril, Gabay se joindra à Michael Aloni, star de « Shtisel », et à Dikla Barkaï, productrice de
« Kugel », pour une conversation exclusive dans le cadre de la New York Jewish Week au sujet de la nouvelle série, à la Congregation Rodeph Sholom, dans l’Upper West Side, à Manhattan.
Les personnes qui pourront se rendre sur place auront également l’occasion de déguster (quoi
d’autre ?) certains des meilleurs kugels de la ville et même de rencontrer les stars lors d’une réception VIP. Pour ceux qui n’auront pas la chance d’être présents, une retransmission en direct sera disponible et l’événement sera enregistré.
En avant-première – un avant-goût du « burnt end » – l’entame brulée – du kugel, dirait Nuhem – Gabay s’est entretenu avec le New York Jewish Week au sujet du tournage à Anvers, de son rôle d’un Juif profondément religieux alors que lui-même mène une vie laïque, et de l’état de l’industrie cinématographique et télévisuelle israélienne depuis le 7 octobre 2023.
Cette interview a été éditée et condensée dans un souci de clarté et de concision.
Comment avez-vous réagi lorsque l’on vous a présenté l’idée de cette série et que l’on vous a annoncé que vous pourriez à nouveau incarner ce personnage ?
Sasson Gabay : L’amour que nous a témoigné le public, en Israël comme à l’étranger, [pour « Shtisel »] a été si chaleureux que nous espérions simplement qu’il continue, mais Yehonatan Indursky ne nous a pas écrit de nouvelle saison.
Mais vous savez, au fond de moi, j’étais sûr que ce n’était pas un adieu à mon personnage. Dov Glickman, qui joue Shulem, et moi-même, nous rêvions de faire quelque chose ensemble, mais cela ne s’était pas concrétisé. Et puis, après un certain temps, Dikla [Barkaï], la productrice qui sera avec nous lors de cet événement, a eu cette idée. Elle en a discuté avec Indursky, le scénariste, et ils m’ont présenté le projet. Et, avant même d’en savoir plus, j’ai immédiatement accepté, car c’était un retour à un sujet que je connaissais bien et en lequel j’avais confiance.
Comment compareriez-vous le ton, la portée et l’expérience de « Kugel » à ceux de « Shtisel » ?
Je pense que « Shtisel » est plus … disons plus large. C’est une série vaste, avec plusieurs niveaux, de nombreux personnages, et chacun a sa propre histoire. « Kugel » est plus concentré et se limite à quelques personnages. C’est donc plus intime, et peut-être même plus poétique. Je qualifierais cela de gros plan, un gros plan psychologique.
Vous êtes un homme laïc. Avez-vous déjà trouvé étrange d’incarner un personnage ultra-orthodoxe ? Ou vous êtes-vous senti plus à l’aise que vous ne l’auriez imaginé ?
Non seulement je ne suis pas haredi, mais je ne suis pas issu de cette communauté. Je viens de la communauté juive irakienne, qui n’a rien à voir avec le yiddish. Je suis né à Bagdad et je suis arrivé en Israël à l’âge de trois ans. Je ne me souviens de rien, mais le yiddish est très éloigné de la culture dont je suis issu. Et pourtant, quand on vit en Israël, on est exposé, surtout quand on est jeune, à de nombreuses cultures, à de nombreuses communautés, à de nombreux Juifs venus de nombreux pays. Mon père tenait une épicerie à Haïfa et, quand nous étions enfants, nous venions l’aider dans son travail. Et je me souviens qu’à l’époque, il y a une cinquantaine ou une soixantaine d’années, il y avait beaucoup d’immigrants venus de nombreux pays et de nombreux horizons, d’Amérique, d’Afrique du Nord, d’Irak, de Pologne. Parmi eux, il y avait aussi des Juifs orthodoxes ultra-religieux. Je connaissais donc ce genre de personnes. Je savais comment elles se comportaient et je les observais. Bref, cela ne m’était pas étranger.
Comment s’est passé le tournage à Anvers par rapport à Israël ? Avez-vous remarqué des différences subtiles entre les deux communautés orthodoxes ?
Lorsque j’étais habillé comme un Juif orthodoxe, de nombreuses personnes dans la rue, notamment des enfants, m’ont reconnu comme étant mon personnage dans « Shtisel ». À Anvers, les Juifs haredim admettent regarder la télévision. À Jérusalem, ils ne l’admettent pas.
À Anvers, je me suis senti comme chez moi, dans le restaurant juif, dans les rues principales du quartier juif de la ville. Nous avons été acceptés comme si cela allait de soi. Nous avons par exemple tourné dans le tribunal rabbinique, là où il se trouve réellement.

Les Juifs ultra-orthodoxes y sont plus détendus, plus ouverts, mieux acceptés. En Israël, nous avons un problème : la plupart des Haredim, du moins ceux qui fréquentent les yeshivot, ne font pas leur service militaire et, souvent, ne travaillent pas. Ils vivent uniquement des aides de l’État. C’est donc une question politique. Je ne souhaite pas m’étendre davantage sur le sujet. Mais à Anvers, les ultra-orthodoxes subviennent à leurs besoins. Ils voyagent davantage à travers le monde. Ils sont plus ouverts et modernes, et font partie intégrante de la société.
La coiffure et le maquillage doivent être un processus laborieux pour ce genre de personnage.
Je n’ai pas eu besoin de perruque ! Mais la barbe et les payot [qui étaient factices] demandent beaucoup de travail. La moustache était la mienne, qu’on a mélangée au reste. Au début, il fallait deux heures chaque matin. Puis, avec le maquilleur, on s’est habitués, et on a réussi à le faire en une heure, puis encore moins.
C’est un travail difficile : nous devons mémoriser les répliques, analyser les scènes, les personnages et l’action. Et en plus de cela, il y avait un merveilleux défi à relever : celui du yiddish, pour moi comme pour les autres. Je pense qu’aucun d’entre nous ne parle yiddish à la maison. Les autres [membres de la distribution] étaient plus jeunes, ils n’avaient donc pas eu l’occasion de parler yiddish. Et pour moi, bien sûr, la question ne se pose même pas. Mais notre défi est de donner l’impression que c’est facile et naturel, et j’espère que nous y sommes parvenus.

Vous êtes un pilier de l’industrie cinématographique et télévisuelle israélienne depuis si longtemps. Comment l’atmosphère qui règne depuis le 7 octobre a-t-elle affecté ce secteur ?
Tout d’abord, il y a du travail, et l’industrie est très prolifique, les productions sont nombreuses. En revanche, nous rencontrons des difficultés pour réaliser des films, car les subventions sont souvent refusées et de plus en plus réduites.
Nous avons constaté une baisse de la demande et de l’intérêt de la part des festivals étrangers. Habituellement, nos productions suscitaient davantage d’intérêt, même si, il y a près d’un an, j’étais à Toronto [pour le Festival international du film de Toronto] pour le film « Bliss ». Il existe de nombreux festivals juifs et israéliens. Lorsque nous nous rendons à des festivals, nous sommes souvent confrontés à des manifestations et parfois, des personnes tentent de crier pendant les événements, mais nous y sommes habitués.
Mais j’ai compris que toute cette pression et cette situation parfois paradoxale ici en Israël s’expliquent ainsi : nous vivons normalement, mais en même temps, nous vivons dans une situation impossible, en guerre. C’est donc une sorte de paradoxe, un laboratoire humain qui produit de nombreuses histoires, de nombreuses visions. Et je suis vraiment très heureux de voir autant d’artistes, de scénaristes et de réalisateurs. Compte tenu des capacités financières, le nombre de personnes qui travaillent à la télévision est vraiment incroyable.
Comment trouvez-vous New York ? Avez-vous des endroits particuliers que vous aimeriez visiter pendant votre séjour (y en a-t-il en rapport avec le judaïsme) ?
J’aime beaucoup New York. Quand j’ai joué dans « The Band’s Visit », je suis tombé amoureux de Broadway.
Nous avons passé environ trois ou quatre ans aux États-Unis [en tournée à travers le pays après la série de représentations à Broadway], et je suis devenu accro à New York. Je suis très occupé ici en Israël, principalement à Tel Aviv, mais nous venons à New York au moins une ou deux fois par an.
En ce qui concerne les choses à voir liées au judaïsme, il n’y en a pas beaucoup. Vous connaissez le Lox du Musée juif, au rez-de-chaussée ? [Le Lox au Musée juif est le restaurant du Café Bergson situé dans le musée.] Oui, j’y suis allé avec mon épouse et mon fils. Je ne suis pas très fan du lox – un pavé de saumon saumuré.
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