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L’annexion menacera la sécurité alimentaire et hydrique régionale – rapport

L'Institut Arava d'études environnementales prédit que l'initiative gèlerait aussi la coopération environnementale, intensifiant les effets du changement climatique

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Des agriculteurs palestiniens récoltent des oignons dans la Vallée du Jourdain, en Cisjordanie, le 10 février 2020 (Crédit : AP/Majdi Mohammed)
Des agriculteurs palestiniens récoltent des oignons dans la Vallée du Jourdain, en Cisjordanie, le 10 février 2020 (Crédit : AP/Majdi Mohammed)

L’annexion par Israël de certaines parties de la Cisjordanie intensifiera probablement les effets du changement climatique, elle viendra menacer les ressources stratégiques en eau, elle mettra en péril la sécurité alimentaire des Palestiniens de la région et mettra un terme à la coopération environnementale transfrontalière, a averti un nouveau rapport.

Rendu public dans la journée de dimanche par l’institut Arava d’études environnementales, le rapport estime que « des approches unilatérales telles que l’annexion de certains territoires de la Cisjordanie et de la vallée du Jourdain menacent de bloquer toute approche régionale de coopération possible visant à résoudre les problèmes de l’eau, d’énergie et de sécurité alimentaire qui frappent actuellement la région et qui vont s’exacerber sous l’effet d’une croissance de population et du changement climatique ».

Il souligne que « le changement climatique est un problème global transfrontalier qui présente des implications graves en termes de ressources naturelles et de justice environnementale… Alors que le monde et la région tentent de se rétablir d’une pandémie dévastatrice et qu’il doit faire face à une menace existentielle née de la hausse des températures globales annuelles, les dirigeants d’Israël doivent s’interroger et se demander si le moment est réellement venu de réaliser le rêve d’une petite minorité d’Israéliens tout en ignorant les besoins de la majorité des citoyens et de nos voisins, qui veulent un avenir marqué par l’espoir ».

Suite à la révélation, au mois de janvier, du plan de paix ourdi par l’administration américaine pour la région, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait annoncé que le gouvernement israélien annexerait les 132 implantations de Cisjordanie ainsi que l’ensemble de la Vallée du Jourdain, une région stratégique pour l’Etat juif, soit environ 30 % du territoire.

Malgré les désaccords apparus entre les leaders israéliens, les réserves émanant des Etats-Unis et les critiques féroces à l’international, le chef de gouvernement avait promis de lancer ce processus d’élargissement de la souveraineté le 1er juillet – une date qui est passée depuis. Il a récemment évoqué des « considérations diplomatiques et sécuritaires » pour expliquer ce retard, et la réelle mise en oeuvre de ce projet controversé reste pour le moment indéterminée.

L’ancien conseiller à la sécurité nationale américain John Bolton, à droite, et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visitent un ancien avant-poste de l’armée surplombant la vallée du Jourdain entre la ville israélienne de Beit Shean et la ville palestinienne de Jéricho, le 23 juin 2019. (Crédit : AP / Abir Sultan)

L’institut Arava mène des recherches en coopération avec des scientifiques jordaniens, palestiniens, israéliens et des participants du monde entier dans le domaine environnemental, développant ainsi des relations personnelles avec pour objectif de protéger les ressources et de servir de modèle pour la coopération transfrontalière sous d’autres aspects du conflit israélo-palestinien.

Avertissant que le bassin du fleuve du Jourdain est un foyer de changement climatique particulièrement sensible, il cite dans son rapport une recherche établissant que les étés de sécheresse, dans la région, devraient durer deux mois supplémentaires au détriment des hivers – principale période pour les chutes de pluies qui contribuent aux activités agricoles de toute l’année.

Le Lac de Tibériade, situé dans le nord d’Israël – principal réservoir d’eau de l’Etat juif, mais aussi de la Syrie, de la Jordanie et de la Cisjordanie – est en voie d’assèchement. Un phénomène qui se met en place malgré des hivers pluvieux occasionnels, comme celui de l’année dernière, qui avait permis au lac de retrouver son niveau habituel, conservant la salinité sous contrôle et offrant un répit au pompage à partir de la deuxième principale source de stockage de la région – les eaux souterraines. Le lac, dit le rapport, « est l’un des plus importants paramètres de la sécurité intérieure israélienne ».

Une vue du lac de Tibériade depuis la promenade de Tibériade, le 18 mars 2019 (Crédit :David Cohen/Flash90)

Les eaux souterraines israéliennes se trouvent dans deux nappes phréatiques qui, toutes deux, desservent Israël et les territoires palestiniens. Une partie substantielle de l’un des aquifères se trouve en Cisjordanie, où il est la seule source d’eau accessible pour l’Autorité palestinienne. La seule source d’eau potable, à Gaza, est l’aquifère côtier, un bassin sous-méditerranéen qui traverse la bande de Gaza et qui circule le long d’une partie de la côte d’Israël. Les deux aquifères sont d’ores et déjà sollicités au-delà de leurs capacités et, en résultat, la qualité de l’eau décline – c’est le cas en particulier de la bande de Gaza, où la précieuse ressource est devenue non-potable – et la demande risque encore d’augmenter avec la croissance de la population et le réchauffement global.

Le pompage doit être correctement géré par le biais d’accords bilatéraux conclus entre Israël et l’Autorité palestinienne, dit le rapport, de manière à garantir le bon fonctionnement des aquifères dans la durée. Mais « l’annexion unilatérale par Israël des territoires de la Cisjordanie impliquera moins d’accès aux eaux souterraines pour les Palestiniens et rendra presque impossible l’opportunité des accords bilatéraux sur l’eau. Sans sécurité hydrique, il ne peut pas y avoir de sécurité régionale – et l’occasion de conclure des accords bilatéraux sur l’eau devient presque impossible. Sans sécurité de l’eau, il ne peut pas y avoir de sécurité régionale et des actions bilatérales menaceront les deux ».

A Palestinian man fills a tank with clean water, to be trucked for families who don't have safe drinking water at their homes in Gaza City, on March 22, 2012 (photo credit: Wissam Nassar/Flash90)
Un Palestinien remplit un réservoir d’eau potable qui sera transporté pour les familles sans eau potable dans leurs habitations de Gaza City, le 22 mars 2012 (Crédit : Wissam Nassar/Flash90)

L’annexion, continue le rapport, « multipliera les menaces » en empêchant les initiatives visant à mettre en place une solution durable et juste pour sauver la mer Morte.

Enfin, l’annexion de la vallée du Jourdain menacerait la sécurité alimentaire des Palestiniens, continue le rapport. La vallée du Jourdain, une bande fertile de terre qui court le long de ce qu’il reste du fleuve du Jourdain, forme plus d’un quart de la Cisjordanie. Alors qu’elle est relativement peu peuplée, elle produit 60 % des légumes consommés par la population palestinienne de Cisjordanie. Cette population devrait doubler au cours des 40 à 50 prochaines années.

Des agriculteurs palestiniens récoltent des oignons dans la Vallée du Jourdain, en Cisjordanie, le 10 février 2020 (Crédit : AP/Majdi Mohammed)

« L’annexion pourrait enlever l’accès aux terres agricoles à des milliers d’agriculteurs palestiniens sur lesquels s’appuient Israël et la Palestine pour nourrir les populations de la région », met en garde le rapport. « Si l’approvisionnement alimentaire en direction des Palestiniens est réduit en raison des limitations d’accès, voire de l’expropriation de terres palestiniennes, la sécurité alimentaire sera menacée ».

Il souligne que le travail de l’institut « n’entre pas dans le cadre du clivage politique gauche/droite. Il a bénéficié de soutiens de la part de gouvernements israéliens multiples au fil du temps et s’intéresse aux besoins de la planète Terre et des êtres humains qui l’habitent. S’engager dans une coopération environnementale transfrontalière sera impossible dès lors que le processus d’annexion aura commencé, et cela entraînera des conséquences environnementales majeures ».

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