Israël en guerre - Jour 495

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L’armée romaine aurait compté parmi ses soldats des juifs observant la casheroute

Les recrues juives, qui ont pu représenter jusqu'à 15 % de l'armée de ce vaste empire, auraient servi dans les légions qui ont vaincu Jérusalem il y a 2 000 ans

Le sarcophage "Grande Ludovisi", avec une scène de bataille entre des soldats romains et des Germains, dans un sarcophage en marbre datant de 251/252 de notre ère. (Crédit : Museo Nazionale Romano di Palazzo Altemps, Public domain, via Wikimedia Commons)
Le sarcophage "Grande Ludovisi", avec une scène de bataille entre des soldats romains et des Germains, dans un sarcophage en marbre datant de 251/252 de notre ère. (Crédit : Museo Nazionale Romano di Palazzo Altemps, Public domain, via Wikimedia Commons)

Selon une nouvelle étude publiée dans la Jewish Quarterly Review, l’armée romaine aurait permis à diverses minorités, dont les Juifs, d’observer leurs pratiques religieuses et alimentaires.

La possibilité que des Juifs aient servi en grand nombre dans l’armée romaine est une découverte surprenante, car l’armée romaine est généralement présentée comme un ennemi du peuple juif. Dans le cadre de diverses campagnes militaires, l’armée romaine a détruit le saint temple de Jérusalem en 70 de notre ère, s’est frayé un chemin à travers la Judée jusqu’aux derniers résistants de Massada vers 73 de notre ère, sans compter toutes les campagnes militaires menées contre les Juifs au cours du deuxième siècle de notre ère.

« Toutes les guerres et notre histoire dans son ensemble sont plus compliquées que nous ne le pensons », explique Haggai Olshanetsky, auteur de l’étude et chercheur postdoctoral à l’université de Bâle, en Suisse.

« Il y avait des Juifs dans l’armée romaine et des Juifs qui se battaient contre l’armée romaine », a-t-il déclaré, ajoutant : « Il y avait des Juifs qui se battaient entre eux – cela a toujours été un problème ».

Olshanetsky est un member de l’équipe du Roman Egypt Laboratory: Climate Change, Societal Transformations, and the Transition to Late Antiquity [laboratoire d’Égypte romaine de l’université de Bâle : Changement climatique, transformations sociétales et transition vers l’Antiquité tardive], et cette recherche sur l’histoire militaire est l’un de ses sous-projets

Une armée marche à l’estomac

Selon les chercheurs, l’empire romain antique comptait entre 4,5 et 7 millions de Juifs au premier siècle, soit 5 à 15 % de la population. Avec l’expansion de l’empire, l’armée avait besoin de soldats pour les nouvelles campagnes et pour maintenir l’ordre dans tout l’empire, et les Juifs constituaient un groupe trop important pour pouvoir bénéficier d’exemptions généralisées.

« Tous les empires ont besoin d’hommes, et ils ont également besoin de minorités pour servir », explique Olshanetsky. Les Juifs, les païens et toutes sortes de minorités ethniques devaient servir dans l’armée romaine, et beaucoup le faisaient.

Haggai Olshanetsky, chercheur postdoctoral à l’université de Bâle, en Suisse. (Crédit : Autorisation/Haggai Olshanetsky)

« Toutes les cultures à travers l’histoire avaient leurs propres règles sur ce que l’on peut ou ne peut pas consommer », a-t-il ajouté. Cependant, les lois alimentaires juives sont considérées comme les plus strictes et les plus complexes. Si les Juifs ont trouvé des moyens de servir tout en respectant leurs restrictions alimentaires, d’autres groupes ethniques ont dû pouvoir en faire autant, estime Olshanetsky.

L’armée romaine a certes accordé quelques exemptions militaires aux Juifs, mais seulement entre les années 49 et 14 avant notre ère, et seulement à certaines communautés de l’actuelle Turquie. Selon Olshanetsky, c’était un geste pour encourager le reste de la communauté juive à s’enrôler dans l’armée.

Dans cette étude, publiée dans le numéro d’hiver 2023 de la Jewish Quarterly Review de l’université de Pennsylvanie, Olshanetsky se penche sur le régime alimentaire des soldats en s’appuyant sur une étude approfondie des textes anciens et sur les résultats des fouilles archéologiques menées dans les camps militaires romains d’Europe occidentale.

Un modius de céréales 

Le régime alimentaire des soldats romains était basé sur la « triade méditerranéenne » composée de pain, d’huile et de vin. Bien que l’État ait fourni certaines provisions aux soldats, leur nourriture était déduite de leur salaire aux premier et deuxième siècles. Les soldats devaient compléter les rations de base avec ce qu’ils pouvaient acheter ou, pendant les campagnes, piller dans les régions environnantes.

Les soldats devaient également préparer eux-mêmes la nourriture, notamment moudre les grains pour en faire de la farine, tuer les animaux et cuire le pain, même si ce dernier était parfois fabriqué dans les camps centraux et distribué aux soldats sous forme de miches. La plupart des conscrits et des fantassins étaient répartis en contubernia, des groupes de huit personnes, quelquefois accompagnés de deux esclaves ou porteurs, qui partageaient une tente et un âne pour transporter le ravitaillement. Le contubernium est l’équivalent moderne d’une escouade.

Il est probable que les Juifs qui respectaient les lois alimentaires servaient ensemble dans les contubernia et cuisinaient donc ensemble. Ils pouvaient cuisiner en fonction de leurs besoins alimentaires. Les animaux étaient souvent livrés vivants aux campements, de sorte que les soldats juifs pouvaient les abattre conformément à leurs croyances religieuses.

Scène de la colonne de Trajan à Rome représentant des soldats romains aux alentours des premiers siècles de notre ère. (Crédit : Cassius Ahenobarbus/CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons)

En temps de paix, les soldats romains recevaient chaque jour un huitième de modius de céréales (environ 100 grammes), 44 millilitres (3 cuillères à soupe) d’huile, 250 à 500 grammes de viande et jusqu’à un demi-litre de vin. Les légumes, le fromage et les fruits faisaient également partie du régime alimentaire des soldats. Des marchands s’installaient souvent autour des campements militaires romains pour vendre aux soldats des produits de luxe tels que des épices ou des fruits exotiques ; certains d’entre eux fabriquaient même leur propre fromage.

Les vestiges archéologiques des camps romains en Angleterre ont révélé que les soldats mangeaient une grande variété de viandes, notamment du bœuf, du porc, du cerf, de la chèvre, du sanglier, du lièvre, et même du poisson et des fruits de mer. Une telle variété permet de conclure que les soldats qui ne mangeaient pas de porc pour des raisons religieuses, ce qui était le cas d’un grand nombre d’ethnies au premier siècle, avaient d’autres options et ont pu échanger des produits ou faire du troc pour en obtenir d’autres, selon Olshanetsky.

Toutes les guerres et notre histoire dans son ensemble sont plus compliquées que nous ne le pensons

La découverte d’un ostracon en Égypte en 2014 semble indiquer que l’armée romaine a déployé des efforts considérables pour aider les soldats minoritaires à respecter les coutumes religieuses. Cet ostracon, composé de lettres gravées sur de la poterie, est une lettre d’un officier militaire nommé Turranius, chargé du ravitaillement. L’ostracon parle de faire parvenir, de manière temporaire, du blé plutôt que du pain militaire aux Juifs, et est daté du 12 de Pharmouti, un mois parallèle au mois hébreu de Nissan, durant lequel a lieu la fête de Pessah.

« Les Juifs avaient besoin de blé parce qu’ils ne mangeaient pas de pain et qu’ils devaient fabriquer du pain azyme ou d’autres aliments azymes », écrit Olshanetsky. « Si telle était bien la raison de cette demande, cela pourrait avoir des implications considérables. Cela prouverait d’abord que les Romains reconnaissaient et respectaient les exigences de certaines fêtes juives et en plus qu’ils étaient prêts à faire des efforts particuliers pour qu’elles puissent être célébrées. »

Réviser les perceptions du passé

L’étude d’Olshanetsky examine dans le détail ce que mangeaient les soldats romains ; la manière dont ils recevaient leurs rations semble prouver que les lois alimentaires juives étaient parfaitement compatibles avec les exigences du service dans l’armée romaine. Cette conclusion signifie donc qu’il y a probablement eu beaucoup plus de Juifs dans l’armée romaine que l’histoire ne le laisse supposer.

« L’étude de l’Histoire n’est pas une science exacte et nous ne connaîtrons jamais la ‘vérité’ historique, ou ce qui s’est vraiment passé, mais nous essayons d’être aussi proches que possible et, dans de nombreux cas, nous en sommes très proches », a ajouté Olshanetsky.

Selon lui, le fait que des minorités aient servi dans l’armée romaine est de notoriété publique en raison de la vaste étendue de l’empire romain dans lequel l’armée recrutait ses soldats.

« La question de savoir ce qu’ils ont fait pour faciliter l’intégration de toutes ces minorités a rarement été posée. Il est impossible qu’un occupant ou un empire fasse partie à l’unanimité d’une seule nation. », ajoute Olshanetsky. « La définition même d’un empire est de régner sur les autres, et si vous voulez régner longtemps, vous êtes obligé d’intégrer les minorités, au moins jusqu’à une certaine limite ».

« La garde prétorienne », un relief en marbre conservé au Louvre, représentant des soldats romains, datant de l’époque impériale romaine. (Crédit : Christophe Jacquand, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons)

Cette étude a une autre implication pour le public, à savoir la probabilité que des soldats juifs de l’armée romaine ont participé à la destruction du Temple en l’an 70 de l’ère chrétienne. Julius Alexander, un général juif, était le commandant en second de l’armée romaine et en aurait, lui-même, supervisé la destruction, a souligné Olshanetsky. C’est un fait gênant, mais qui illustre à quel point les gens sont compliqués et partagés, même il y a des milliers d’années.

« Au plus nous touchons de près à la réalité de l’antiquité et de notre passé, au mieux nous pouvons l’appréhender sous un nouvel angle », a-t-il déclaré. « Nous pouvons revoir la façon dont nous percevons non seulement le passé, mais aussi le présent et pourquoi pas, l’avenir. »

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