Le chef de la Banque d’Israël s’oppose à la refonte judiciaire « hâtive »
Amir Yaron déclare sur CNN que sans consensus, les entreprises pourraient transférer leurs fonds hors du pays, et provoquer une fuite des cerveaux
Le gouverneur de la Banque d’Israël, Amir Yaron, a prévenu que la vaste refonte judiciaire du gouvernement était « trop hâtive » et risquait de compromettre l’indépendance du système judiciaire. Il a critiqué la façon rapide et unilatérale dont les projets de loi ont été présentés aux commissions et à la plénière de la Knesset ces derniers mois.
« À l’heure actuelle, les changements [introduits] dans la réforme judiciaire pourraient affaiblir une partie de cette indépendance. Et qui plus est, le processus lui-même est expéditif et ne fait pas l’objet d’un large consensus au sein de la population », a déclaré Yaron à CNN lors d’une interview diffusée tôt mercredi.
Yaron a déclaré que l’une des raisons pour lesquelles un processus ordonné et largement accepté était indispensable était d’éviter que les entreprises ne retirent leurs investissements du marché israélien, comme l’ont déjà annoncé plusieurs grandes entreprises.
« Certains leaders des secteurs high-tech et de l’industrie nous ont annoncé qu’il y avait un risque de ne pas voir venir de nouveaux investisseurs, et que certains envisageaient même de transférer leurs activités ailleurs », a-t-il déclaré.
« À long terme, cela pourrait se traduire par une fuite des cerveaux, etc. et c’est pourquoi il faut agir avec prudence », a ajouté Yaron. « C’est pourquoi il est impératif que nous maintenions la force et l’indépendance de cette institution, et que cela se fasse d’une manière qui soit très largement acceptée par le public et de manière tout à fait transparente. »
Yaron a également tenté d’apaiser toute crainte de voir le gouvernement tenter de restreindre l’indépendance de la Banque d’Israël elle-même.
Bank of Israel Governor Amir Yaron tells Richard that judicial reform could seriously hurt Israel's economy — and talks central bank independence and interest rates. pic.twitter.com/yQbid1nq6V
— Quest Means Business (@questCNN) March 14, 2023
« L’indépendance du gouverneur et de la banque centrale est essentielle pour l’économie », a-t-il déclaré. « Tout pays qui a touché à l’indépendance de sa banque centrale, et a fortiori l’a affaiblie, en a subi les conséquences économiques désastreuses. Je pense que tous nos dirigeants et responsables le comprennent et qu’ils n’oseraient donc pas toucher à l’indépendance de la banque ».
Il a noté que lorsque le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen a récemment exhorté le ministre des Finances Bezalel Smotrich à intervenir pour arrêter l’augmentation constante du taux d’intérêt, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Smotrich « ont aussitôt affirmé de manière très claire que seul le gouverneur décide des taux d’intérêt. »
Yaron a également déclaré qu’il faisait tout ce qu’il pouvait pour freiner l’inflation montante, ajoutant qu’il était dangereux de ralentir les hausses de taux trop tôt et reconnaissant que le processus était souvent « douloureux. »
En 2022, la Banque d’Israël a commencé à augmenter progressivement le taux d’intérêt de référence, qui est passé de 0,1 % en avril dernier à 3,25 % à la fin de l’année 2022. La banque centrale a relevé son taux directeur de 50 points de base pour le porter à 4,25 % en février, dans le but de maîtriser l’inflation, qui a dépassé les 5 %, et de la ramener dans une fourchette cible comprise entre 1 % et 3 %.
La coalition de droite dure de Netanyahu a donné la priorité à un ensemble de projets de lois très controversés destinés à remanier le système judiciaire, avec à leur tête le ministre de la Justice, Yariv Levin. La réforme juridique proposée accorderait au gouvernement le contrôle de la nomination des juges, y compris des juges de la Cour suprême, et limiterait considérablement la capacité de la Cour suprême à invalider la législation, concentrant ainsi la quasi-totalité de l’autorité gouvernementale entre les mains de la majorité politique.
Face au torrent de critiques exprimées par des personnalités publiques, des juristes et des économistes, ainsi qu’aux manifestations de masse organisées à travers le pays et aux menaces répétées des réservistes de Tsahal de refuser de servir si la réforme était adoptée, la pression s’est renforcée sur la coalition pour qu’elle accepte un compromis qui bénéficierait du soutien d’une majeure partie de la population.
L’agence de notation Moody’s a déclaré la semaine dernière que le projet pourrait affaiblir la force institutionnelle du pays et affecter négativement ses perspectives économiques. Avant cela, l’agence Fitch Ratings a confirmé la note A+ d’Israël avec une perspective stable, citant les performances économiques « diversifiées et résilientes » du pays, tout en avertissant que la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement pourrait avoir un « impact négatif » sur la note de crédit du pays.
Un groupe de centaines d’économistes israéliens a lancé un nouvel avertissement au début du mois, indiquant qu’un krach financier pourrait frapper plus fortement et plus rapidement qu’ils ne l’avaient prévu lors de la rédaction de leur « lettre d’urgence », dans laquelle ils mettaient en garde contre les graves conséquences que pourrait avoir ce remaniement de grande ampleur.