Le chef du mouvement réformé américain s’exprime sur Ben Gvir et Smotrich
Pour le rabbin Rick Jacobs, il est "inimaginable" que les deux députés d'extrême-droite "soient le visage d'Israël à l'heure de la modernité"
Le responsable américain de l’Union pour le judaïsme réformé a indiqué dimanche que l’éventuelle désignation du leader d’extrême-droite Itamar Ben Gvir au poste de ministre de la Sécurité intérieure s’apparentait « à la nomination de David Duke, l’un des chefs du KKK, au poste de procureur-général ». Le rabbin Rick Jacobs a tenu ces propos au cours d’un entretien avec le site d’information Ynet.
« Nous sommes très inquiets au sujet de l’existence d’Israël et de la place du pays dans le monde », a-t-il ajouté, affirmant que Ben Gvir est « une personnalité qui a fait carrière dans la haine et dans l’encouragement de la violence ».
« La majorité des Juifs américains trouve inimaginable que des gens comme Ben Gvir ou comme Smotrich deviennent le visage et la voix d’Israël à l’heure de la modernité », a-t-il ajouté. « Sincèrement, c’est une pensée effrayante. »
Smotrich dirige le parti HaTzionout HaDatit, d’extrême-droite, qui s’est présenté avec Otzma Yehudit dans le cadre d’une liste commune.
Jacobs a vivement recommandé au Premier ministre désigné Benjamin Netanyahu « d’examiner les conséquences pour l’État d’Israël et pour les Juifs de la diaspora » de la présence des deux députés d’extrême-droite au sein de son cabinet ministériel.
Suite à sa victoire aux élections, au début du mois, Netanyahu a lancé des négociations avec son bloc de droite, d’extrême-droite et religieux dans le but de former une coalition. Ben Gvir réclame le ministère de la Sécurité intérieure – qui a notamment la charge de superviser la police israélienne – tandis que Smotrich insiste pour obtenir le portefeuille de la Défense ou des Finances.
Jacobs a expliqué que la nomination de Ben Gvir à ce poste et de Smotrich à une autre haute fonction entraînerait probablement l’opposition de l’administration Biden, laissant entendre que Ben Gvir pourrait être interdit d’entrée aux États-Unis.
« Est-ce que les responsables, à Washington, voudront leur parler ? Il y a un grand point d’interrogation », a-t-il dit, faisant remarquer que les postes revendiqués par les deux députés avaient une influence sur des dossiers qui vont bien au-delà des seules affaires israéliennes.
« Cela nécessite des interactions avec des personnalités du monde entier », a-t-il déclaré. « Je peux imaginer que de nombreux dirigeants trouveront très difficile de les rencontrer. Les hauts responsables, aux États-Unis, vont avoir des difficultés à s’entretenir avec un gouvernement qui comprend Smotrich et Ben Gvir. »
« Je ne pense pas que ce soit non-démocratique de refuser de les rencontrer », a-t-il ajouté. « Les Israéliens ont le droit de choisir qui ils veulent mais ils doivent comprendre les conséquences de ces choix et le prix à payer qu’ils induisent. »
Il a souligné que « nous ne vous quittons pas, les Israéliens, mais il sera incroyablement difficile de convaincre celles et ceux qui s’interrogent sur certaines politiques israéliennes que nous n’assistons pas à un tournant radical à droite ».
Parmi les politiques prônées par Otzma Yehudit : l’expulsion de tous les Arabes « déloyaux » du pays et l’assouplissement des règles qui encadrent le droit des soldats à tirer à balle réelle. HaTzionout HaDatit et les partis ultra-orthodoxes qui sont aussi dans le bloc de Netanyahu ont émis la demande, au cours des négociations de coalition, de supprimer la clause dite « des petits-enfants » dans la Loi du Retour israélienne, ce qui restreindrait l’immigration en la limitant aux convertis et aux enfants d’une mère juive – et qui ne concernerait donc plus les petits-enfants ayant un grand-parent juif qui, jusqu’à présent, pouvaient s’installer et vivre en Israël.
Jacobs a évoqué en particulier ces changements.
« La Loi du Retour est l’un des fondements du sionisme », a-t-il expliqué. « Avec la recrudescence actuelle de l’antisémitisme, ce changement serait douloureux et il endommagerait la relation étroite que nous entretenons. »
HaTzionout HaDatit s’est présenté sur une liste commune avec Otzma Yehudit lors du scrutin – une alliance qui intégrait également Avi Maoz, chef de la faction anti-LGBT Noam. Les trois partis ont annoncé, dimanche, qu’ils se séparaient et qu’ils siégeraient de manière indépendante à la Knesset.
Le Likud a été très critiqué pour sa promotion des partis d’extrême-droite qui ont des positionnements extrêmes qui vont bien au-delà des siens – réclamant l’inégalité entre Juifs et Arabes, l’expulsion des citoyens « déloyaux » et la limitation des droits des membres de la communauté LGBT.