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Le cinéaste iranien Abbas Kiarostami décède en France

Toléré dans son pays après la révolution islamique de 1979, il continuait à travailler avec le monde du cinéma à l'étranger

Abbas Kiarostami à Murica en 2013 (Crédit : Pedro J Pacheco/wikimedia commons/CC BY SA 4.0)
Abbas Kiarostami à Murica en 2013 (Crédit : Pedro J Pacheco/wikimedia commons/CC BY SA 4.0)

L’Iran rendait hommage mardi au plus célèbre de ses cinéastes, Abbas Kiarostami, mort à Paris à 76 ans, le président Hassan Rouhani saluant en particulier son « regard différent et profond » sur la vie.

Dans un tweet, le président iranien a en outre affirmé qu’à travers son oeuvre, « son appel à la paix et à l’amitié sera un acquis qui perdurera dans le septième art ».

Le ministre de la Culture et de la Guidance islamique, Ali Janati, a pour sa part salué « un avant-gardiste à l’approche humaniste et morale ».

« Avec des oeuvres novatrices, modernes et belles, il a donné une nouvelle définition au cinéma et a porté haut le nom de l’Iran dans les milieux artistiques du monde », a écrit le ministre dans un message de condoléances publié par l’agence de presse Isna.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a affirmé dans un tweet que son pays avait « perdu une figure de proue du cinéma international ».

Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif lors d'une conférence de presse à l'issue d'une réunion avec le Premier ministre libanais Tammam Salam le 11 août 2015 au Palais du gouvernement dans la capitale Beyrouth (Crédit : AFP PHOTO / ANWAR AMRO)
Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion avec le Premier ministre libanais Tammam Salam le 11 août 2015 au Palais du gouvernement dans la capitale Beyrouth (Crédit : AFP PHOTO / ANWAR AMRO)

Dans toutes les salles du cinéma, la diffusion des films s’arrêtera à 22H00 locales (17H30 GMT) et les spectateurs diront une prière en mémoire d’Abbas Kiarostami.

L’acteur iranien Shahab Hosseini, qui a remporté la palme d’or du meilleur acteur à Cannes en 2016, a salué la mémoire d’une « personnalité mondiale, respectable dont nous sommes fiers », qui a « toujours été un modèle de référence » pour acquérir un « esprit indépendant ».

Après plusieurs mois de maladie et des soins dans un hôpital privé à Téhéran, il s’était rendu en France la semaine dernière pour des soins supplémentaires. Selon les médias iraniens, il est mort d’un accident vasculaire cérébral.

Le responsable de la Maison du Cinéma d’Iran, Reza Mir-Karimi, est parti en France pour accomplir les démarches nécessaires au rapatriement du corps et à ses funérailles en Iran.

‘Un inventeur’

Né à Téhéran en 1940 dans une famille modeste, Abbas Kiarostami est devenu l’un des cinéastes les plus en vue du cinéma iranien dans les années 1960. Il a remporté des prix dans les plus grands festivals du monde qui lui ont apporté une notoriété internationale, dont la palme d’or du festival de Cannes en 1997 pour « Le goût de la cerise ».

En 1999, avec « Le vent nous emportera », sur la dignité dans le travail et l’égalité hommes-femmes, il remporte le Lion d’argent à la Mostra de Venise.

Cinéaste du réel, humaniste et poète, il utilisait sa caméra comme un microscope pour « faire naître du lien entre les gens », disait-il. « Abbas n’est pas seulement le plus grand cinéaste iranien, le Rossellini de Téhéran, le chercheur qui trouve, c’était aussi un photographe inspiré. Il était l’art même », a tweeté l’ancien président du festival de Cannes, Gilles Jacob.

« Il fait partie de ces très rares cinéastes où il y a eu un avant et un après pour le cinéma », a estimé Frédéric Bonnaud, directeur de la Cinémathèque française.

« C’était un inventeur, car il arrivait à conjuguer un certain réalisme, en parlant beaucoup de son pays et des enfants de son pays, tout en sachant que le cinéma est un spectacle qui peut manipuler le réel ».

« Sans lui, je n’aurais jamais pu faire Persepolis », a renchéri la dessinatrice et réalisatrice la Franco-iranienne Marjane Satrapi, qui avait fait sa connaissance en France après avoir admiré ses films en Iran.

« En Europe on avait vu ses films, donc on ne voyait plus les Iraniens comme un peuple de terroristes, mais comme des êtres humains. Il a ouvert la voie à toute une génération d’artistes iraniens. Nous lui sommes tous redevables », a-t-elle dit à l’AFP.

« C’est pour moi une très grande tristesse. Nous nous sommes rencontrés de nombreuses fois, je l’aimais énormément. Il avait son langage, son style. Il était très modeste, mais de cette modestie qu’ont les gens qui sont sûrs d’eux. Derrière ses lunettes, il n’a jamais voulu me montrer ses yeux… », se souvient-elle avec émotion.

« Il a fait une grande partie de sa carrière en Iran, on lui a reproché de ne pas avoir été plus politique. Mais ses films l’étaient, car ils parlent du féminisme, du suicide… »

Son compatriote, le réalisateur Asghar Farhadi a dit au quotidien britannique The Guardian qu’il était « en état de choc ». « Ce n’était pas seulement un cinéaste. C’était un mystique moderne, tant dans son oeuvre que dans sa vie privée ».

« A lui seul, il a changé l’image de l’Iran », a tweeté l’actrice iranienne Golshifteh Farahani (« Poulet aux prunes », « Les deux amis », « Paterson »). Il était resté dans son pays après la révolution islamique de 1979, continuant à travailler avec le monde du cinéma à l’étranger, toléré par le pouvoir.

« Il s’intéressait aux enfants, aux écoles, aux faits divers. Son matériau premier était le réel mais il ne travaillait que sur l’interrogation et le doute, ce qui le rendait insupportable à ceux qui n’ont aucun doute, comme les religieux », a commenté Frédéric Bonnaud.

Sur Twitter nombre d’admirateurs citaient une phrase de Jean-Luc Godard : « le cinéma naît avec Griffith et se termine avec Kiarostami »

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