Le « fils du Hamas » Mosab Hassan Yousef : « La fin de Rafah, ce sera la fin du Hamas »
De retour sur la scène publique depuis le 7 octobre, l'ex-terroriste devenu agent du Shin Bet regrette que le groupe islamiste co-fondé par son père soit toléré en Occident
L’un des hommes les plus en faveur de l’offensive à grande échelle de l’armée israélienne pour chasser le Hamas de son ultime grand bastion de Rafah, la ville la plus au sud de la bande de Gaza, a lui-même grandi au cœur de l’organisation terroriste.
Renié par son père, le cofondateur du Hamas et cheikh Hassan Yousef, Mosab Hassan Yousef s’est entretenu avec le Times of Israel, la semaine dernière, pour dire que le gouvernement israélien devait « finir le travail » à Gaza pour s’assurer de chasser le Hamas du pouvoir, et ce, indépendamment de la situation avec l’Iran.
« Il faut aller à Rafah maintenant. Pas demain. Qu’est-ce qu’on attend ? Il faut en finir avec Rafah et en finir avec le Hamas. Les écarter du pouvoir, c’est le premier pas [vers la paix] », analyse-t-il.
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L’homme, âgé de 45 ans, est né à Ramallah et il a un souvenir très net de la fondation du Hamas en 1986. Il y a de cela quelques décennies, on parlait de lui comme du « Prince vert » (qui est également le titre du documentaire qui lui a été consacré en 2014) en raison de sa collaboration avec l’agence de sécurité intérieure d’Israël, le Shin Bet, pour déjouer les attaques terroristes au moment de la Seconde Intifada, au début des années 2000.
Après avoir sauvé un très grand nombre de vies humaines à cette époque très éprouvante, il a noué une « relation essentielle » avec le peuple juif, même si les choses ne se sont pas faites toutes seules.
Trop polémique pour certains, sa critique acerbe du Hamas lui a valu de devoir se retirer de la vie publique. Les atrocités commises le 7 octobre l’ont fait revenir sur le devant de la scène.
Ce jour-là, des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont envahi le sud d’Israël et massacré près de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, avec une barbarie sadique et une démonstration de violence quasi-orgiaque : familles entières brûlées vives, viols et agressions sexuelles généralisés, sans parler des cas de torture et de démembrement de victimes – femmes, enfants, nourrissons ou personnes âgées -. Deux cents cinquante-trois personnes ont également été enlevées et retenues dans la bande de Gaza : 133 personnes d’entre elles s’y trouvent encore, retenues en otage.
« Le 7 octobre a été un vrai tremblement de terre pour moi », confie Yousef. « J’ai voulu me murer dans le silence. Je menais une vie très simple. Mais ce matin-là, le lion en moi s’est réveillé, le volcan, sur le point d’entrer en éruption. J’ai pris la décision de prendre le mal à la racine et d’en finir. »
Yousef est d’avis que l’attaque de l’Iran contre Israël avec plus de 500 missiles balistiques, missiles de croisière et drones n’est « qu’une répétition. Personne ne sait si l’Iran a des armes biologiques ou
chimiques. »
« La République islamique d’Iran constitue une menace mondiale des plus sérieuses, et pas seulement vis-à-vis d’Israël. L’Iran est non seulement une dictature, mais aussi un régime terroriste mené par des dirigeants religieux totalement irresponsables qui n’ont que faire de la vie ; seul l’au-delà les intéresse. S’il leur faut faire sauter toute la région pour mener à bien leur programme religieux, ils le feront », explique-t-il.
L’ambassadeur de « l’espoir » anti-Hamas
Depuis qu’il s’est entretenu avec l’animateur de talk-show britannique Piers Morgan, dans les premiers jours de la guerre à Gaza, Yousef est redevenu un orateur très demandé dans les universités – même si l’accueil qui lui est réservé n’est pas toujours des plus cordiaux. Début avril, l’Université de l’Indiana a demandé à l’organisation juive IU Hillel de reporter un événement avec lui pour « raisons de sécurité ».
Le Times of Israel s’est entretenu avec Yousef avant un événement organisé dans les locaux de l’UC Berkeley, la semaine dernière, présenté comme un débat avec l’animateur d’Al Jazeera, Marc Lamont Hill. Selon The Jewish News of Northern California, il n’y avait pas de manifestants devant l’auditorium, qui était plein à craquer.
C’est Siena Naaman Cohen, née en Israël, qui l’a invité à Berkeley après avoir vu une de ses conférences à l’Université du Michigan, il y a de cela quelques mois. Cohen, qui vit à Lafayette, en Californie, à quelques kilomètres à l’est de Berkeley, a demandé à son mari Scott de l’aider. Son mari est diplômé de l’Université de Californie à Berkeley, et le couple est actif au sein de la communauté juive locale.
Le 7 octobre a été un « choc » pour Cohen : pour elle, faire venir Yousef à l’UC Berkeley, malheureusement plus connue pour son activisme anti-Israélien, est un geste important, qui lui redonne « espoir ».
Lorsqu’elle a contacté le Centre communautaire juif de la région de la baie de San Francisco pour réunir des fonds en vue de cet événement, elle s’est vue refuser toute forme d’aide, dit-elle. Son ami, l’avocat Michael Geller, membre du conseil d’administration du JCC, a démissionné suite à cette décision, précise-t-elle.
Même sans ces fonds, la conférence de Berkeley a pu se tenir, et sans tensions sur le campus – bien loin de la violente manifestation de fin février qui a conduit à l’annulation et l’évacuation d’une manifestation pro-israélienne, sans oublier la prise de contrôle du Golden Gate Bridge par des manifestants pro-palestiniens et les nombreuses manifestations anti-Israël dans les campus .
« Nous n’avons publié la nouvelle de l’événement que la semaine dernière, sans nommer les groupes juifs organisateurs », explique Cohen. « En l’espace d’un ou deux jours, 500 personnes se sont inscrites. L’université nous a alloué une salle de 237 places. »
« Pour les organisations juives, je suis un personnage polémique »
Yousef, qui s’est converti au christianisme, a demandé l’asile politique aux États-Unis en 2007, suite à quoi il a publié une autobiographie sous le titre « Fils du Hamas ». Il y décrit ce qui l’a amené à espionner pour Israël, parle du régime brutal du Hamas et évoque sa profonde déception envers l’idéologie du Hamas.
« La dimension idéologique islamique, la haine des Juifs, tout cela doit être abordé. On ne peut décemment pas continuer à se cacher. Chaque fois que j’aborde le sujet, les gens ne veulent pas entendre. Même des Israéliens », explique Yousef.
Yousef se dit déçu par les organisations, les campus et les institutions juives qui ne l’invitent pas à parler du conflit aux étudiants alors qu’il a une connaissance de toute première main du fonctionnement de l’organisation terroriste.
« Je pourrais expliquer aux étudiants ce que sont les islamistes, le Hamas, le Jihad islamique ou même l’Iran. C’est mon domaine », assure Yousef. « Mais pour une raison que je ne m’explique pas, certaines organisations juives me trouvent polémique ; certains me regardent avec méfiance, ce qui m’est très difficile. »
« La plupart des gens ne veulent pas voir la réalité », dit-il. « Quand j’aborde l’aspect religieux et idéologique du conflit, qui est fondamental – je ne peux pas l’ignorer – quand je dis que l’islam est un problème, beaucoup d’organisations juives disent : attendez, il va être considéré comme islamophobe. Ce n’est pas l’image que nous voulons pour nous. »
L’ex-espion souligne avec une ironie non dénuée d’amertume que ses prétendus amis le critiquent pour ses messages et que les pro-Palestiniens lui reprochent de toucher de l’argent du gouvernement israélien et des organisations sionistes comme l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) – alors qu’il défend Israël de son propre gré.
« Je suis ma propre référence et j’assume mes choix. Pour moi, ce n’est pas un gagne-pain, c’est l’avenir des enfants, l’avenir de la région, l’avenir de l’humanité ; c’est un combat essentiel », insiste Yousef.
Yousef aborde le conflit israélo-palestinien sans ambages, en termes de bien et de mal, du bien contre le mal. Témoin de la cruauté de l’organisation terroriste contre ses propres membres, lorsqu’il a été emprisonné en Israël à la fin de son adolescence, Yousef s’est donné pour mission de donner l’alerte sur le pouvoir islamiste qui règne désormais à Gaza.
« Toutes ces années durant, j’ai averti Israël, j’ai averti la communauté mondiale. J’ai écrit un livre à ce sujet : je suis passé dans tout un tas de médias pour dire que le Hamas n’était pas une bonne chose. Cela m’a valu d’être condamné à mort [par le Hamas]. Mais au lieu d’écouter mes avertissements, moi le témoin oculaire de terrain, on m’a ignoré », regrette Yousef.
S’il a, dans un premier temps, évité de regarder les images des atrocités commises par le Hamas le 7 octobre, il a fini par trouver le courage de les regarder.
« Quand je les vois, c’est quelque chose de très intime… et je suis aussi très déçu. Je ne veux pas dire que c’est ma guerre, mais elle s’infiltre dans les profondeurs de mon âme. Je ne peux pas m’empêcher de crier. Je crie à tue-tête et les gens n’écoutent toujours pas », déplore-t-il.
Yousef parle avec beaucoup de peine du renforcement du Hamas. Lui permettre de régner sur Gaza a été une « grave erreur », dit-il, ajoutant que pour inverser le cours des choses, désormais, et revenir à des jours plus pacifiques pour les Israéliens et les Palestiniens, il faudrait une révolution idéologique provenant de la base.
« Je n’essaie pas de déclencher une nouvelle guerre de religion, une est déjà amplement suffisante », dit-il. « J’essaie d’inverser la tendance en disant que l’on ne peut pas faire de son identité islamique et religieuse une arme contre une minorité religieuse tout en s’en tirant à bon compte. Je n’ai pas d’autre choix que de les dénoncer. »
Les gens avancent la terre, « l’occupation » ou encore la « colonisation » comme principales causes du conflit tout en ignorant l’aspect religieux fondamentaliste, « et c’est pourtant sur ce terrain que le Hamas est en train de gagner la guerre des relations publiques », fustige Yousef.
Évoquant l’abandon du Hamas et de son identité religieuse et ethnique, Yousef se souvient de ce qui était en jeu. A un moment en charge des finances du Hamas, Yousef jouissait d’une certaine aisance financière, doublée d’un prestige social et d’une famille palestinienne très bien introduite. Mais pour Youssef, tout cela était voué à la « mort ».
« Il faut défier la mort pour vivre. Tous ces gens qui tentent de nous faire peur, de nous contrôler au nom de Dieu, au nom de la religion, à un moment ou l’autre, il faut les affronter », conclut-il.
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