Le goût des Qataris pour le luxe est intact en dépit de la crise
Selon Geoffroy Ader, expert en montres de collection, "le Qatar occupe la première place" pour les achats de montres de luxe dans la région en 2018
Rien de mieux qu’une belle montre pour affirmer son goût du luxe au Qatar, riche émirat gazier dont les citoyens ne veulent pas renoncer à leurs privilèges en dépit du climat de crise autour de ce petit pays.
« Parce que nous portons la tenue traditionnelle, les seuls accessoires que nous pouvons utiliser sont les montres et les boutons de manchette. La montre est essentielle pour être à la pointe de la mode », souligne Abdallah Sager al-Khori.
Ce Qatari de 36 ans, qui travaille dans les relations publiques malgré sa formation d’ingénieur, est l’un des fondateurs du Qatar Watch Club, un groupe d’une cinquantaine d’enthousiastes réunis par leur amour des montres.
« Au départ, je voulais une montre simplement pour connaître l’heure. Mais j’ai réalisé ensuite qu’une montre a une histoire et j’aime le fait que la fabrication de son mécanisme soit difficile », raconte ce passionné.
« Alors la montre est passée d’un simple outil à une passion que j’espère transmettre à mes enfants », poursuit M. Khori, rencontré en février au Doha Jewellery and Watches Exhibition.
Ce salon a attiré du 20 au 25 février des foules d’acheteurs venus découvrir les dernières créations et les collections de fabricants de montres et de joailliers prestigieux.
Les marques Chaumet, Dior, Chopard, Tiffany, Rolex, Vacheron Constantin et Alfardan figuraient parmi les exposants.
Prix non affichés
Le Qatar étant l’un des pays les plus riches du monde, beaucoup ont fait le déplacement pour s’offrir un des accessoires de luxe exposés dans ce salon où aucune étiquette de prix n’était visible.
Des colliers à trois millions de dollars (2,6 millions d’euros) y côtoient des montres emblématiques à 200 000 dollars pièce (176 000 euros).
Des vendeurs européens en costume strict sont à l’affût de clients, parmi lesquels d’élégantes femmes qui déambulent sous le regard d’agents d’entretien originaires du Bangladesh.
D’éminents dignitaires du Qatar et des membres de la famille royale ont assisté à l’inauguration officielle, à laquelle était présente l’actrice indienne Aishwarya Rai Bachchan, star de Bollywood.
Un exposant raconte avoir écoulé 500 montres spécialement conçues pour le salon, chacune au prix de 30 000 riyals (7 200 euros), et vendues avant même le début de l’évènement.
Devant la salle d’exposition, où flotte une odeur de bois de santal, s’agite une cohorte de valets devant un défilé de voitures de luxe: des Maserati, Bentley et autres Rolls Royce.
Selon Geoffroy Ader, expert en montres de collection, « le Qatar occupe la première place » pour les achats de montres de luxe dans la région en 2018.
Quelle crise ?
La crise diplomatique qui oppose depuis près de deux ans le Qatar à ses voisins émirati, saoudien et bahreïni, en plus de l’Egypte, n’a apparemment pas pesé sur les ventes.
« Nos ventes ont presque doublé depuis le début de la crise car les Qataris préfèrent désormais acheter au Qatar », affirme David Tedeschi, directeur régional de la marque suisse Hublot et membre de la célèbre famille européenne dont fait partie l’ex-Première dame de France, Carla Bruni.
« Ils n’achètent plus dans les autres pays de la région », ajoute M. Tedeschi.
Depuis juin 2017, le Qatar est soumis à un strict blocus économique imposé par ses anciens alliés régionaux qui l’accusent de soutenir des groupes islamistes radicaux et de se rapprocher de l’Iran, ce que Doha dément.
Par ailleurs, si l’intérêt pour les montres reste essentiellement masculin, il ne cesse cependant de progresser chez les femmes, affirme M. Tedeschi.
« Au Qatar, nous avons beaucoup de clientes », dit-il, avant de préciser : « dans la plupart des pays du Golfe, environ 30 % des clients sont des femmes mais au Qatar, ce pourcentage s’élève à 40-45 % ».