Le Hamas et le Fatah entament des pourparlers de réconciliation à Istanbul
Les dirigeants du Fatah sont arrivés à Turquie, invoquant le feu vert donné par Abbas ; le chef de l'AP s'est entretenu avec Erdogan, lui demandant de soutenir l'union

Les factions rivales palestiniennes du Hamas et du Fatah doivent se rencontrer à Istanbul pour les tous premiers pourparlers directs depuis 2017, avec pour objectif de mettre un terme à la scission entre les deux mouvements politiques palestiniens, une scission vieille de 15 ans, a annoncé lundi le Fatah.
Le Fatah du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est représenté par une délégation dirigée par le secrétaire-général du parti Jibril Rajoub et par Rawhi Fattouh, membre de son comité central.
La délégation est arrivée lundi soir à Istanbul pour commencer les pourparlers avec les représentants du groupe terroriste du Hamas, a indiqué le Fatah dans une déclaration publiée sur sa page Facebook.
Selon cette déclaration, les entretiens porteront sur « la fin des divisions et sur la mise en oeuvre des directives de la conférence des chefs des factions palestiniennes », en référence à une récente réunion conjointe de responsables palestiniens qui s’étaient rassemblés en réponse à la décision prise par les Emirats arabes unis de normaliser les liens avec l’Etat juif.
Les Palestiniens se sont opposés à cette initiative de rapprochement entre l’Etat juif et ce pays du Golfe, la considérant comme une « trahison » de la promesse faite par les Etats arabes de ne pas établir de relations diplomatiques avec Jérusalem avant la fondation d’un Etat palestinien.
Abbas et le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, avaient pris part à cette réunion.
« Abbas a donné le feu vert », a commenté Rajoub devant les caméras de Palestine TV, lundi.
Le Fatah et le Hamas sont en conflit depuis une guerre civile palestinienne sanglante qui avait déchiré la bande de Gaza, en 2017, à l’issue de laquelle le Hamas avait pris le contrôle de l’enclave côtière qui se trouvait jusqu’alors entre les mains de son rival de Cisjordanie. Depuis, le mouvement national palestinien s’est divisé en deux : L’Autorité palestinienne – dominée par le Fatah – qui gouverne la Cisjordanie, et le groupe terroriste du Hamas à Gaza.
Le Hamas ne s’est pas encore publiquement exprimé sur ces pourparlers, même si des médias liés à l’organisation terroriste ont repris la déclaration du Fatah. Selon cette dernière, Haniyeh et le vice-président du Hamas, Saleh al-Arouri, prennent tous les deux part à ces négociations.
Azzam al-Ahmad, membre du comité central du Fatah responsable du portefeuille de la réconciliation, n’a pour sa part pas été mentionné.

Ces entretiens, à Istanbul, seraient les premiers depuis une tentative antérieure de réconciliation entre les deux mouvements qui avait eu lieu en 2017 au Caire. L’accord qui avait résulté de ces pourparlers au sein de la capitale égyptienne n’avait pas été suffisant pour régler les divisions entre les deux parties.
Abbas a également discuté avec le président turc Recep Tayyib Erdogan, lundi soir, pour « l’informer des entretiens entre le Hamas et le Fatah » et pour le remercier du « soutien » qu’il apporte à la cause palestinienne, selon le média officiel de l’Autorité palestinienne, WAFA.
De nombreuses tentatives visant à unir les deux factions rivales ont jusqu’à présent échoué. Elles avaient eu lieu dans plusieurs capitales arabes — Ryad, Doha, Sanaa, Le Caire. Mais les deux mouvements étaient – et ils sont encore – profondément divisés au niveau idéologique et par une méfiance réciproque ancrée dans un passé de violences. Les négociations les plus récentes ont échoué de manière répétée en raison du refus du Hamas d’abandonner son arsenal et ses hommes.
Les Palestiniens dans leur ensemble, qui ont assisté à ces diverses initiatives d’unité, restent pour leur part sceptiques face au potentiel de réconciliation.
Les responsables ont bien tenté de les persuader du contraire pendant l’été – en commençant avec la campagne de dénonciation du projet israélien d’annexer certains territoires de la Cisjordanie. Rajoub et al-Arouri avaient organisé une conférence de presse conjointe à Ramallah – avec le vice-président du Hamas intervenant virtuellement depuis Beyrouth – conférence au cours de laquelle les deux hauts-responsables avaient juré que leurs mouvements respectifs coordonneraient « la résistance populaire » contre l’annexion.

Mais un rassemblement conjoint où Abbas devait prendre la parole ne s’était finalement jamais concrétisé. Et quelques heures seulement après que Rajoub et al-Arouri se sont réciproquement qualifiés de « frères », les forces de sécurité de l’AP avaient dispersé une manifestation, en Cisjordanie, où avaient été brandis des drapeaux du Hamas.
Alors que l’échéance de l’annexion n’avait finalement entraîné aucun changement tangible, les appels à l’unité étaient lentement passés en arrière-plan.
Et cela aura été le cas jusqu’à l’annonce soudaine, par les Etats-Unis, Israël et les Emirats arabes unis, d’une normalisation des liens entre les EAU et l’Etat juif. Abbas avait alors convoqué une réunion des secrétaires-généraux palestiniens et autres hauts-responsables de 14 factions différentes, et notamment issus du Hamas et du Jihad islamique palestinien.
Dans un communiqué conjoint qui avait suivi cette rencontre, les chefs de factions avaient fait savoir qu’ils mettraient en place une commission conjointe chargée de proposer des réformes au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et d’ouvrir la route à des élections longtemps reportées.
Abbas avait promis de se soumettre aux recommandations qui seront émises à cette occasion.
De telles promesses n’auront néanmoins pas toujours porté leurs fruits dans le passé. « Feu vert » ou pas, la majorité des Palestiniens retiennent leur souffle en attendant que les deux parties enterrent la hache de guerre.
Dans un sondage récent réalisé par le Centre palestinien de recherche politique et de sondage, seuls 11 % des Palestiniens interrogés ont indiqué croire que les deux factions s’uniraient à court-terme.