Le Hamas joue le tout pour le tout
Dans un effort de maintenir la bannière de la "résistance", le groupe terroriste de Gaza tire sur Israël dans l'espoir que Ramallah et le Caire entendent son SOS
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes
La décision du Hamas de mettre fin à 20 mois de cessez-le-feu avec Israël la semaine dernière résulte d’un affaiblissement progressif du mouvement au cours de la dernière année, aggravé encore par la probable annulation de l’accord d’unité avec le Fatah.
Isolé par Israël, boudé par l’Egypte et battu par l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas en Cisjordanie, le Hamas a décidé de jouer le tout pour le tout. S’il utilise son arsenal massif de missiles avec une certaine retenue depuis mardi après-midi, il espère néanmoins qu’un nouveau cycle de violence lui redore le blason.
Les appels de détresse du mouvement islamique se sont intensifiés la semaine dernière. Avec 44 000 fonctionnaires du Hamas sans travail et sans salaire au début du Ramadan, le ministre des Affaires étrangères du Hamas, Ghazi Hamad, a convoqué une conférence de presse le 3 juillet afin de tirer la sonnette d’alarme : « La bande de Gaza est en danger et le gouvernement d’union ne se soucie pas de ce qui se passe ici. »
Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne Rami Hamdallah ne s’est jamais intéressé à la situation à Gaza sous les frappes aériennes israéliennes, accuse Hamas, et le gouvernement de l’AP n’alloue aucun budget aux quatre ministères dirigés depuis Gaza.
Selon le quotidien basé à Londres Al-Quds Al-Arabi, le Hamas aurait appelé les politiciens à trouver des solutions urgentes devant une situation de plus en plus intenable. « La réconciliation est en danger », a-t-il averti.
Mais l’appel du Hamas n’a pas été entendu.
Mardi après-midi, tandis que l’opération Bordure protectrice battait son plein, le chef adjoint du bureau politique du Hamas Moussa Abou Marzouk a déclaré qu’il espérait que l’escalade dans la bande de Gaza pousserait la Cisjordanie à lancer une troisième Intifada.
« Aujourd’hui, nous sommes tous appelés à lancer une Intifada populaire, une Intifada pour emprisonner Jérusalem. Aujourd’hui, plus que jamais, nous voulons exprimer notre rejet de l’occupation… nous en avons assez de parler de résolutions et de paix », a-t-il écrit sur sa page Facebook.
Evoquant l’assassinat de l’adolescent palestinien Muhammed Abu Khdeir la semaine dernière, qui aurait été perpétré par des terroristes juifs, le membre du bureau politique du Hamas, Izzat al-Rishq, écrit que « de telles batailles et Intifadas sont toujours déclenchées par le sang de la jeunesse héroïque, et ensuite menées par le peuple. »
Sur le front égyptien, les plaidoyers du Hamas sont tombés dans l’oreille d’un sourd. Le passage de Rafah est resté largement fermé pendant des mois, et l’Egypte continue d’opérer sans relâche contre des tunnels de contrebande.
Dans un discours prononcé lundi marquant l’anniversaire de la guerre de Kippour, selon le calendrier musulman, le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi n’a fait aucune référence à la bande de Gaza ; ce qui en dit long sur la position du nouveau régime sur la branche palestinienne des Frères musulmans, classée comme illégale en vertu de la loi égyptienne.
« Aucun président égyptien précédent n’a jamais osé ignorer l’agression israélienne contre les Palestiniens, ni avant [les accords de paix avec Israël de] Camp David, ni après », a-t-on entendu à la télévision Al-Jazeera, fervent partisan des Frères musulmans et du Hamas.
Israël, pour sa part, reste réticent à fournir au Hamas la satisfaction d’une nouvelle Intifada. Il se prépare à une escalade progressive, mais rien de plus, pour l’instant. Les négociations nucléaires avec l’Iran atteignent leur date limite de 12 jours, et Israël ne veut pas voir l’attention du monde se détourner de ce qu’il définit comme sa plus grande menace existentielle – un Iran nucléaire.